Ce verdict, énoncé le 31 juillet, s'ajoute à la décision judiciaire annoncée plus tôt dans la semaine, de blanchir le service de renseignement grec dans l'affaire des écoutes de journalistes, le “Predatorgate”.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 15 février 2024.
À la fin d’une procédure judiciaire, tenue dans des circonstance troublantes, les deux frères accusés de l’assassinat en 2021 du reporter Giorgos Karaivaz ont été innocentés. Ce verdict, énoncé le 31 juillet, s’ajoute à la décision judiciaire annoncée plus tôt dans la semaine, de blanchir le service de renseignement grec dans l’affaire des écoutes de journalistes, le “Predatorgate”. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités grecques à mettre fin à l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes.
Après un mois de procès, le tribunal mixte d’Athènes – composé de juges professionnels et de jurés – a acquitté les deux frères accusés d’avoir assassiné le 9 avril 2021 Giorgos Karaivaz, un journaliste spécialisé sur les affaires criminelles. La cour a jugé que leur culpabilité n’était pas démontrée hors de tout doute raisonnable, contrairement au réquisitoire du procureur qui avait requis une condamnation.
« C’est une triste semaine d’impunité pour les crimes commis contre les journalistes grecs. L’acquittement dans le dossier de l’assassinat de Giorgos Karaivaz s’ajoute à la décision judiciaire de ne pas poursuivre les services de renseigenement grecs dans l’affaire des écoutes de reporters, le Predatorgate. Nous assurons la famille et les confrères de Giorgos Karaivaz de notre soutien et que nous n’aurons de cesse d’exiger que justice soit faite. Nous appelons la justice grecque à tout mettre en œuvre pour en finir avec cette insupportable impunité, en premier lieu pour le meurtre ignoble de ce journaliste. »
Pavol Szalai, Responsable du bureau UE-Balkans de RSF
Le procès des deux frères s’est déroulé dans des circonstances troublantes. Une semaine avant le verdict, le procureur a annoncé qu’une des pièces du dossier, un CD contenant les données du portable du journaliste, avait été endommagée : il aurait été percé par une agrafeuse. Le juge a pourtant lu, le 23 juillet en audience, la liste des contacts WhatsApp de Giorgos Karaivaz stockés sur le CD, parmi lesquels figuraient les numéros de deux hauts dignitaires de l’État : Panagiotis Kontoleon, l’ancien directeur des services de renseignement grecs (EYP) et Grigoris Dimitriadis, neveu et ancien secrétaire général du bureau du Premier ministre grec, qui avait sous son autorité l’EYP. Ces derniers avaient démissionné dans la foulée du scandale “Predatorgate” en 2022.
Malgré les enquêtes journalistiques qui ont révélé l’implication des services secrets dans la surveillance illégale de reporters et de responsables politiques, la Cour suprême grecque a décidé, le 30 juillet dernier, de ne pas poursuivre l’EYP. Également truffée d’irrégularités, cette enquête avait subi, selon RSF, un sabotage politique. Si le procès n’a pas mis en évidence de lien entre ces deux affaires, ces décisions judiciaires rendues à un jour d’intervalle rappelle la nécessité de mettre fin à l’impunité.
Située au 88e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024, la Grèce figure pour la troisième année consécutive en dernière position dans l’Union européenne.