(RSF/IFEX) – Le 14 décembre 2005, un procureur de Séoul a rendu publiques les conclusions de son enquête sur une affaire d’écoutes téléphoniques par les services secrets sud-coréens. Ces écoutes avaient notamment révélé une affaire de corruption politique dont les protagonistes ne seront pas inculpés, en raison d’une prescription. En revanche, deux journalistes ont été […]
(RSF/IFEX) – Le 14 décembre 2005, un procureur de Séoul a rendu publiques les conclusions de son enquête sur une affaire d’écoutes téléphoniques par les services secrets sud-coréens. Ces écoutes avaient notamment révélé une affaire de corruption politique dont les protagonistes ne seront pas inculpés, en raison d’une prescription. En revanche, deux journalistes ont été inculpés pour avoir rendu publique cette affaire.
« Les conclusions de cette longue enquête aux implications politiques énormes sont des plus surprenantes. Alors que l’on attendait de connaître les noms des 75 professionnels des médias victimes de ces écoutes illégales, on voit la justice s’intéresser seulement aux journalistes qui ont révélé au public cette affaire d’Etat. Les corrupteurs et les commanditaires des écoutes sont blanchis, tandis que les journalistes qui ont fait l’effort d’enquêter sur cette affaire risquent des peines de prison. C’est ubuesque. Nous demandons au ministre coréen de la Justice, Chun Jung-Bae, de bien vouloir intervenir afin que la décision du procureur soit révisée, dans la mesure où elle va à l’encontre de la liberté de la presse garantie par la Constitution », a déclaré Reporters sans frontières.
Le 14 décembre, Hwang Kyo-an du Bureau des procureurs de Séoul-Centre a rendu public le rapport d’enquête sur les écoutes clandestines réalisées de 1993 à novembre 1997 par les services secrets sud-coréens. A cette époque, les conversations de plus de 5 400 personnes, dont 75 journalistes, ont été écoutées.
Au motif de la prescription, aucune charge n’a été retenue contre les hauts responsables politiques impliqués dans des affaires de corruption politique. Les écoutes avaient notamment révélé qu’un ancien président du parti conservateur (opposition) avait reçu illégalement dix millions de dollars de l’entreprise Samsung en 1997.
En revanche, le procureur a inculpé Lee Sang-ho, reporter de la chaîne privée MBC, et Kim Yeon-kwang, directeur du mensuel « Chosun », pour violation de la loi sur les communications privées. MBC avait révélé cette affaire en juillet 2005. Lee Sang-ho a été entendu plusieurs fois par le parquet, alors que Kim Yeon-kwang n’a été entendu qu’une seule fois pendant deux heures, le 7 décembre 2005.
Après ces révélations, Kong Un-yeong, ancien responsable de l’unité d’écoutes « Mirim », a tenté de se suicider en juillet. Il est actuellement détenu. De même, William Park, un homme d’affaires américano-coréen, a été condamné à quatorze mois de prison pour tentative de chantage de la société Samsung et pour avoir donné les enregistrements au journaliste de MBC.
Début décembre, Lee Sang-ho a reçu un prix de l’organisation internationale Transparency International pour son rôle actif dans la lutte contre la corruption. Interrogé par Reporters sans frontières, le journaliste a déclaré : « Je place toujours le droit du public à être informé au-dessus du respect d’une loi sur les informations privées adoptée par le même gouvernement qui réalisait ces milliers d’écoutes illégales ».
C’est la première fois que des journalistes sont inculpés en vertu de cette loi sur la protection des communications privées. Ils risquent dix ans de prison. Leur procès pourrait commencer en janvier 2006.