(RSF/IFEX) – RSF a demandé au procureur du Burkina Faso, le 20 octobre 2006, de rouvrir l’enquête sur l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et de trois autres personnes, tués le 13 décembre 1998, en apportant de nouveaux éléments mettant en cause François Compaoré, le frère du chef de l’Etat, et l’homme d’affaires Oumarou Kanazoé. En […]
(RSF/IFEX) – RSF a demandé au procureur du Burkina Faso, le 20 octobre 2006, de rouvrir l’enquête sur l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et de trois autres personnes, tués le 13 décembre 1998, en apportant de nouveaux éléments mettant en cause François Compaoré, le frère du chef de l’Etat, et l’homme d’affaires Oumarou Kanazoé.
En tant que membre de la Commission d’enquête indépendante (CEI) mise en place après le crime, Robert Ménard, secrétaire général de l’organisation, a fourni à la justice burkinabé la version complète du rapport de celle-ci, avant qu’elle ne soit édulcorée sous la pression de deux de ses membres, représentant le gouvernement. Ceux-ci avaient finalement refusé de signer la synthèse des travaux de la CEI, même après que celle-ci eut été amputée de plusieurs passages mettant en cause, en soulignant leurs mensonges devant la CEI, Compaoré et Kanazoé.
Dans le courrier accompagnant l’intégralité du prérapport final, daté du 26 avril 1999, Ménard souligne les « différences importantes » existant entre le document établi à l’issue des travaux de la CEI et celui remis au Premier ministre, le 7 mai. Certains passages, détaillant les contradictions de Compaoré dans sa déposition et le rôle joué par Kanazoé pour tenter de faire taire Zongo, ont été purement et simplement supprimés. Les conclusions de la CEI y sont beaucoup plus affirmatives et circonstanciées, mettant beaucoup plus précisément en cause les « six principaux suspects » désignés par la CEI, tous membres de la garde présidentielle.
Le 16 août 2006, la chambre d’accusation du tribunal de grande instance de Ouagadougou avait confirmé le non-lieu rendu en faveur de l’adjudant Marcel Kafando, chef de la garde présidentielle et seul inculpé dans cette affaire, par le juge Wenceslas Ilboudo. Selon le code de procédure pénale, seules des « charges nouvelles » susceptibles de « fortifier les charges qui auraient été trouvées trop faibles » ou de « donner aux faits de nouveaux développements utiles à la manifestation de la vérité » permettaient de rouvrir l’enquête.
RAPPEL DES FAITS :
Zongo était le directeur de l’hebdomadaire « L’Indépendant ». Il a été retrouvé mort, avec trois autres personnes, carbonisés dans leur véhicule, le 13 décembre 1998. Le journaliste enquêtait sur les circonstances de la mort de David Ouédraogo, chauffeur personnel de Compaoré, frère du chef de l’Etat Blaise Compaoré. Ouédraogo avait lui-même été torturé à mort par des membres du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP).
En août 2000, trois militaires de la garde présidentielle, dont Kafando, avaient été reconnus coupables d' »avoir séquestré et torturé à mort » Ouédraogo. Ce dernier, chauffeur de François Compaoré, était soupçonné de lui avoir volé de l’argent. Il est mort sous la torture, quelques jours après avoir été arrêté par la garde présidentielle. Zongo enquêtait sur cette affaire lorsqu’il a été tué. En février 2001, Kafando a été inculpé d' »assassinat » et « incendie volontaire » par le procureur général dans le cadre du dossier Zongo. Or, malgré une inculpation aussi grave, Kafando coule des jours tranquilles en liberté, à son domicile.
Le 19 juillet 2006, le juge d’instruction Wenceslas Ilboudo a prononcé un non-lieu en faveur de « Marcel Kafando et X », sur la base de la rétractation d’un témoin à charge, huit ans après les faits. Cette décision a été confirmée en appel, éteignant ainsi la procédure visant à élucider l’assassinat de Zongo.