**Pour d’autres informations sur le cas Zongo, veuillez consulter les alertes de l’IFEX du 1 décembre, 9 juillet, 7 mai et 18 janvier 1999, 22, 16 et 15 décembre 1998** (RSF/IFEX) – Ci-dessous, veuillez trouver le communiqué de presse ainsi que le texte intégral du rapport sur l’affaire Norbert Zongo: Communiqué de presse Pour diffusion […]
**Pour d’autres informations sur le cas Zongo, veuillez consulter les
alertes de l’IFEX du 1 décembre, 9 juillet, 7 mai et 18 janvier 1999, 22, 16
et 15 décembre 1998**
(RSF/IFEX) – Ci-dessous, veuillez trouver le communiqué de presse ainsi que
le texte intégral du rapport sur l’affaire Norbert Zongo:
Communiqué de presse
Pour diffusion immédiate Paris, 7 décembre 1999
Où en est l’enquête sur la mort de Norbert Zongo ?
A l’occasion du premier anniversaire de la mort du journaliste Norbert
Zongo, le 13 décembre 1999, Reporters sans frontières rend public un rapport
qui fait le point sur les avancées de l’enquête et sur les promesses faites
par les autorités burkinabés pour élucider cette affaire.
« Le fait, constate l’organisation, qu’aucun des six suspects cités par la
Commission d’enquête indépendante n’ait été inculpé à ce jour, et que
François Compaoré, le frère du chef de l’Etat, n’ait même pas été entendu
par le juge d’instruction, témoigne que le pouvoir, malgré ses déclarations,
n’est toujours pas décidé à faire toute la lumière sur cette affaire. »
L’organisation ajoute que « l’expulsion à deux reprises des représentants de
Reporters sans frontières – en mai et septembre 1999 – témoigne de la
mauvaise volonté des autorités burkinabés. Ces mesures ne contribuent pas à
apaiser la situation créée par la mort de Norbert Zongo et renforcent
l’impression que le régime a des choses à cacher. »
Reporters sans frontières s’inquiète également de la lenteur de la justice
burkinabé dans cette affaire : « L’argument largement invoqué de la
présomption d’innocence ne saurait cacher le peu d’empressement dont la
justice fait preuve pour mettre en cause les véritables responsables de la
mort du directeur de L’Indépendant. Aujourd’hui, le juge d’instruction en
charge du dossier dispose de tous les moyens matériels pour mener à bien son
enquête, mais sûrement pas de la latitude nécessaire. »
Enfin, Reporters sans frontières recommande « aux principaux bailleurs de
fonds du Burkina Faso, et tout particulièrement à l’Union européenne
(l’article 5 de la Convention de Lomé IV conditionne l’aide apportée par les
instances de Bruxelles au « respect des droits de l’homme »), de faire
pression sur les autorités de Ouagadougou pour que toute la lumière soit
faite sur les assassinats de Norbert Zongo et de ses trois compagnons. »
Ce rapport, dans un souci de transparence, a été envoyé au gouvernement
burkinabé plus d’un mois avant sa diffusion. A ce jour, Reporters sans
frontières n’a reçu aucune réponse.
Par ailleurs, toujours à l’occasion du premier anniversaire de la mort du
journaliste, l’organisation mène une campagne de presse dans sept pays
d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali,
Niger et Togo). Une vingtaine de journaux ont accepté d’offrir de l’espace
publicitaire pour diffuser la photo du véhicule carbonisé de Norbert Zongo
accompagnée du message : « Monsieur le président du Burkina Faso, vous aviez
fait des promesses concernant les assassins du journaliste Norbert Zongo.
Seraient-elles parties en fumée, elles aussi ? ».
Paris, le 7 décembre 1999
Où en est l’enquête sur la mort de Norbert Zongo ?
Le 7 mai 1999, la Commission d’enquête indépendante, chargée de faire la
lumière sur la mort du journaliste Norbert Zongo et de ses trois compagnons,
remet son rapport au Premier ministre burkinabé. Mise en place à
l’initiative des autorités, elle conclut, après avoir auditionné plus de
deux cents personnes, que, « concernant les mobiles de ce quadruple meurtre
(S), il faut les chercher du côté des enquêtes menées depuis des années par
le journaliste, et notamment sur ses récentes investigations concernant la
mort de David Ouedraogo, le chauffeur de François Compaoré, conseiller à la
présidence ». Et d’ajouter : « En ce qui concerne les auteurs du crime, la
Commission d’enquête indépendante ne dispose pas de preuves formelles
permettant de les désigner. Elle a cependant relevé des contradictions et
des incohérences dans les auditions d’un certain nombre de personnes
suspectées en relation avec leur emploi du temps du 13 décembre 1998 [jour
de l’assassinat de Nobert Zongo et de ses compagnons], notamment le soldat
Christophe Kombacéré, le soldat Ousseini Yaro, le caporal Wampasba Nacoulma,
le sergent Banagoulo Yaro, le sergent Edmond Koama et l’adjudant Marcel
Kafando du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP). Cela n’en fait pas
des coupables mais de sérieux suspects. »
Réagissant aux conclusions de la Commission d’enquête indépendante, le
président Blaise Compaoré annonce, le 21 mai, dans un discours à la nation,
« la réorganisation et le recasernement du Régiment de la sécurité
présidentielle » et s’engage à faciliter la tâche de la justice à qui il
appartient, selon lui, de « trancher désormais en toute souveraineté ». Le
chef de l’Etat explique également que des dispositions seront prises pour
« assurer une couverture sociale aux veuves et orphelins de Norbert Zongo, de
ses compagnons, ainsi que de David Ouedraogo ».
Le 1er juin, un « Collège de sages » est mis en place à l’initiative du
président Blaise Compaoré avec pour « mission d’oeuvrer à la réconciliation
des cours et la consolidation de la paix sociale ». Présidé par Mgr Anselme
Sanou, évêque de Bobo-Dioulasso, il comprend seize membres, dont trois
anciens chefs d’Etat, des représentants des autorités religieuses et
coutumières, et des « personnes ressources ». Le 17 juin, le « Collège de
sages » demande l’arrestation des personnes mises en cause dans la mort de
David Ouedraogo. Le lendemain, trois membres de la garde rapprochée du
président Blaise Compaoré (Yaro Ousseini, Edmond Koama et Marcel Kafando)
sont écroués à la Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou (MACO),
inculpés de « coups mortels, coups et blessures volontaires et recel de
cadavre » dans le cadre de la mort du chauffeur de François Compaoré. Mais ce
dernier n’a pas été inquiété.
Le rapport du « Collège de sages », remis le 2 août au président Blaise
Compaoré, fait un certain nombre de « propositions de solutions pour la
sortie de crise » : « mise en place d’un gouvernement d’union nationale de
large ouverture », création d’une « commission vérité et justice pour la
réconciliation nationale » et constitution d’une « commission ad hoc
consensuelle chargée de la relecture de certains articles de la Constitution
et de l’élaboration des textes relatifs à la vie des partis politiques ».
Concernant l’affaire Norbert Zongo et les autres « crimes récents », le
« Collège de sages » propose notamment d’accélérer l’instruction et que l’Etat
prenne en charge les veuves et les orphelins.
Lors de la cérémonie de remise du rapport du « Collège de sages », le chef de
l’Etat déclare qu’il « prend acte » des propositions des sages, et affirme
qu’il prendra « les mesures qui vont dans le sens de l’intérêt supérieur du
peuple burkinabé » après avoir mené des consultations.
Ce rapport a pour objectif de faire le point sur la mise en oeuvre effective
des propositions de la Commission d’enquête indépendante et des suggestions
du « Collège de sages » concernant exclusivement l’assassinat de Norbert
Zongo. Des recommandations ont été faites par ces deux structures, depuis
maintenant sept mois par la première et depuis quatre mois par la seconde.
Au-delà des discours et des promesses, qu’en est-il réellement des suites
données par les autorités concernant les recommandations de la Commission
d’enquête indépendante et du « Collège de sages » sur la mort du directeur de
l’hebdomadaire L’Indépendant et de ses trois compagnons ?
1. La Commission d’enquête indépendante recommande « qu’une suite judiciaire
soit donnée aux résultats de l’enquête et que des moyens matériels et
financiers suffisants soient alloués au magistrat chargé de ce dossier ».
L’affaire Zongo est entre les mains du juge d’instruction Wenceslas Ilboudo
du cabinet n°1 du tribunal de grande instance de Ouagadougou, depuis le
début de l’année 1999. Une somme de plus de 20 millions de francs CFA a été
débloquée sur un compte ouvert à son nom. Il dispose, par ailleurs, de
matériel (véhicules 4×4, téléphone cellulaire, ordinateurs, etc.) et de
personnel (gendarmes et policiers) pour assurer sa sécurité.
Le juge Ilboudo a ouvert une information contre X. Plusieurs personnes, déjà
auditionnées par la Commission d’enquête indépendante, ont été entendues.
Mais il ne semble pas que les personnalités au centre de cette affaire aient
été auditionnées, et notamment François Compaoré, le frère du chef de
l’Etat. A ce jour, aucun des six suspects désignés par la Commission
d’enquête indépendante n’a été inculpé.
Pour les organisations locales de défense des droits de l’homme, le juge
aurait pu prendre en compte les résultats des travaux de la Commission
d’enquête indépendante et inculper les six membres de la garde
présidentielle ainsi que François Compaoré, le frère du chef de l’Etat. Il
s’agirait, selon elles, d’un véritable recul.
2. La Commission d’enquête indépendante recommande « que les veuves et les
orphelins de Norbert Zongo et de ses compagnons bénéficient d’une prise en
charge par les services de l’Etat ».
Le « Collège de sages » va dans le même sens, suggérant « que les veuves et
orphelins des victimes soient pris en charge par l’Etat sur la base d’un
texte de loi ».
Le 11 juin 1999, un arrêté conjoint du ministre de l’Economie et des
Finances et du ministre de l’Action sociale et de la Famille a été
promulgué. Il faisait suite à deux décrets, en date des 9 et 11 juin,
portant respectivement sur la « prise en charge sociale des ayants droit des
feus Norbert Zongo, Ernest Yembi Zongo, Ablassé Nikiema, Blaise Ilboudo et
David Ragnagnèwendé Ouedraogo », et sur « l’octroi d’une allocation spéciale
accordée à titre exceptionnel aux familles » de ces mêmes personnes.
Cet arrêté précise que la famille Norbert Zongo recevra la somme de 3 900
000 francs CFA, la famille Ernest Zongo 420 000 francs CFA, la famille
Ablassé Nikiema 1 080 000 francs CFA, la famille Blaise Ilboudo 720 000
francs CFA et la famille David R. Ouedraogo 1 440 000 francs CFA. L’article
2 de l’arrêté précise que cette « dépense est imputable sur le budget de
l’Etat ». Ces sommes auraient été calculées en fonction du nombre de
personnes à la charge des défunts et de leurs revenus.
La famille Zongo a décidé « de ne pas entrer en possession de la moindre
somme tant que les auteurs du crime ne seront pas connus ». Et d’ajouter :
« La famille demande que la lumière soit faite sur cette affaire, sinon il
n’est pas question que l’Etat [nous] parle de prise en charge car ce n’est
pas l’argent qui [nous] intéresse mais [la recherche du] coupable d’abord et
avant toute chose. »
3. La Commission d’enquête indépendante recommande « que les textes en
matière de police soient respectés de façon rigoureuse afin de faire la
distinction entre fonctions militaires et fonctions policières, y compris en
matière de sécurité d’Etat ».
Pour le moment, explique un homme de loi : « Aucune mesure pratique n’a été
envisagée ». Et d’ajouter : « Il est vrai que les fonctions policières
exercées par les membres de la garde présidentielle ne relèvent pas de la
loi, mais d’une pratique arbitraire ». Dans l’esprit de la Commission
d’enquête indépendante, il s’agissait d’en finir avec ce qui s’était passé
au moment de la mort du chauffeur de François Compaoré : comme l’enquête l’a
révélé, David Ouedraogo a été arrêté par des membres de la garde
présidentielle, alors que dans le cas d’un vol, l’auteur présumé aurait dû
être immédiatement remis à la gendarmerie nationale. Dans cette affaire, les
gendarmes n’ont fait que « couvrir », après coup, les agissements de la garde
présidentielle.
4. La Commission d’enquête indépendante recommande « que le Conseil de
l’Entente, qui abrite la garde présidentielle, soit soumis aux règles d’une
armée républicaine et que le Régiment de la sécurité présidentielle se
limite à sa mission qui est d’assurer la protection du chef de l’Etat ».
Le « Collège de sages » propose de son côté « d’organiser la protection
républicaine du chef de l’Etat par la gendarmerie et la police ».
Le « Conseil de l’Entente » continue d’abriter le Régiment de la sécurité
présidentielle. Si des mutations ont eu lieu au niveau de la hiérarchie de
la garde présidentielle, ce sont, pour l’essentiel, les mêmes hommes qui
assurent la sécurité du chef de l’Etat.
Ces changements d’affectation – dont on ne connaît pas le détail –
surviennent alors que la mauvaise humeur de certains militaires s’est fait
entendre jusque dans la rue. Au cours de ces derniers mois, les hommes de
troupe ont fait part de leur mécontentement concernant notamment des
indemnités de logement qui auraient été détournées.
Certains observateurs font remarquer que le régime du président Blaise
Compaoré s’appuie largement sur l’armée et, tout particulièrement, sur la
garde rapprochée du chef de l’Etat. Aussi, ajoutent-ils, « il semble
invraisemblable que le président de la République se sépare d’un régiment
qui fait sa force et son autorité ».
Concernant le « recasernement » annoncé par le chef de l’Etat, il n’est
toujours pas effectif : le Régiment de la sécurité présidentielle occupe
toujours les mêmes locaux. Une nouvelle caserne serait en construction dans
le quartier de Ouaga 2000.
5. La Commission d’enquête indépendante recommande « que l’ensemble des
dossiers de « disparitions » et d’assassinats toujours sans explication soient
ouverts et définitivement réglés ».
De son côté, le « Collège de sages » propose de « faire toute la lumière sur
ces affaires, sans passion, sans pression et sans parti pris », de « prendre
toutes les mesures utiles pour accélérer l’instruction des dossiers »,
« d’inculper tous les auteurs, commanditaires et complices conformément aux
règles du droit », de « rendre la justice en toute liberté et équité dans des
délais raisonnables » et « d’appliquer effectivement les sanctions prononcées
à l’exclusion de la peine de mort ».
Aucun dossier concernant des affaires passées et jamais élucidées n’a fait
l’objet d’une véritable instruction ou de nouvelles investigations. Seule,
« l’Affaire David » est aux mains d’un tribunal militaire, le dossier sur
Norbert Zongo relevant de la justice pénale. La proposition du « Collège de
sages » de mettre en place une « commission vérité et justice pour la
réconciliation nationale » n’a toujours pas été suivie d’effet. Déjà, en
1998, saisie par le Mouvement burkinabé des droits de l’homme et des peuples
(MBDHP), la Commission des droits de l’homme et des peuples de
l’Organisation de l’unité africaine, qui siège à Banjul (Gambie), avait
demandé à l’Etat burkinabé de tout mettre en oeuvre pour faire la lumière
sur ces affaires. Ouagadougou s’y était engagée. Mais rien n’a été fait.
Les organisations locales de défense des droits de l’homme affirment que les
autorités ne les ont toujours pas interrogées sur les différents cas de
« disparitions » et d’assassinats toujours inexpliqués. Pour le MBDHP, on ne
peut rien attendre de la justice dans l’état actuel du Burkina Faso. Même
si, depuis la remise des conclusions de la Commission d’enquête
indépendante, certains des magistrats, les plus contestés, ont changé
d’affectation, le MBDHP affirme que « ces mesures n’ont pas ébranlé
l’affreuse situation de dépendance de la justice ». Et d’ajouter : « Ce ne
sont même pas des réformettes. Le plus gros reste à faire ».
Interrogé sur la nécessité de « faire toute la lumière sur cette affaire »,
comme le demandait le « Collège de sages », un responsable d’un média local
résume bien le sentiment de beaucoup quand il affirme que « pour l’instant,
le pouvoir n’a pas amorcé un début de solution ».
6. La Commission d’enquête indépendante recommande « qu’en raison de la
barbarie avec laquelle il a été commis et la cruauté qu’il dénote, des
dispositions législatives soient prises afin que le crime du 13 décembre
1998 soit considéré comme un crime imprescriptible ».
Les autorités ne se sont toujours pas prononcées sur cette proposition de la
Commission d’enquête indépendante. Avec l’ouverture d’une information
judiciaire, le risque de voir le crime prescrit est écarté. Reste que pour
les familles des victimes, comme pour les militants des droits de l’homme,
cette mesure doit être rapidement votée par le Parlement. Selon les uns et
les autres, il s’agit, avant tout, d’une affaire de morale, d’un symbole. Un
test de la bonne volonté du pouvoir.
Conclusions et recommandations
Les autorités burkinabés n’ont que partiellement donné suite aux
propositions de la Commission d’enquête indépendante et du « Collège de
sages » concernant l’assassinat de Norbert Zongo et de ses trois compagnons
(ce rapport n’a pas pour objet de se prononcer sur les recommandations
politiques et économiques du « Collège de sages »). Des allocations spéciales
pour les familles des victimes ont été débloquées, le juge d’instruction a
été doté de moyens suffisants et l’enquête judiciaire se poursuit. Mais le
fait qu’aucun des six suspects cités par la Commission d’enquête
indépendante n’ait été inculpé à ce jour, et que François Compaoré, le frère
du chef de l’Etat, n’ait même pas été entendu par le juge d’instruction,
témoigne que le pouvoir, malgré ses déclarations, n’est toujours pas décidé
à faire toute la lumière sur cette affaire.
L’expulsion à deux reprises des représentants de Reporters sans frontières –
en mai et septembre 1999 – témoigne de la mauvaise volonté des autorités
burkinabés. Ces mesures ne contribuent pas à apaiser la situation créée par
la mort de Norbert Zongo et renforcent l’impression que le régime a des
choses à cacher.
Une importante opération de « relations publiques » a été menée par les
responsables burkinabés auprès des bailleurs de fonds, des partenaires
politiques et des médias internationaux. Mais concrètement, on constate que
la transparence n’est pas à l’ordre du jour : l’argument largement invoqué
de la présomption d’innocence ne saurait cacher le peu d’empressement dont
la justice fait preuve pour mettre en cause les véritables responsables de
la mort du directeur de L’Indépendant. Aujourd’hui, le juge d’instruction en
charge du dossier dispose de tous les moyens matériels pour mener à bien son
enquête, mais sûrement pas de la latitude nécessaire.
Sans une pression, tant au niveau local qu’international, il serait naïf
d’espérer que le pouvoir burkinabé accepte que toute la lumière soit faite
sur la mort du directeur de L’Indépendant. Comme la Commission d’enquête
indépendante l’a démontré, cet assassinat est trop directement lié à la
famille présidentielle elle-même, pour que le chef de l’Etat, sauf s’il y
est contraint, laisse la justice aller jusqu’au bout de ses investigations.
Après avoir mis en place la Commission d’enquête indépendante et le « Collège
de sages » – deux initiatives qu’il faut saluer -, les autorités de
Ouagadougou semblent aujourd’hui paralysées, effrayées de leur propre
audace. Après avoir pris les bonnes décisions – sous la pression de la rue,
ajoutent certains -, elles semblent aujourd’hui dans l’incapacité de laisser
les investigations se dérouler normalement. D’où les tergiversations, les
retards, les arguties invoqués depuis la remise du rapport de la Commission
d’enquête indépendante au Premier ministre.
Aujourd’hui, les dossiers concernant David Ouedraogo et Norbert Zongo sont
au point mort. Le juge militaire qui a hérité du cas de David Ouedraogo a
des difficultés pour accéder au fond du dossier constitué par les deux
premiers juges qui ont eu à instruire cette affaire. Dans quelques jours, le
13 décembre 1999, on commémorera le premier anniversaire de l’assassinat du
directeur de L’Indépendant et de ses trois compagnons, un crime toujours
impuni.
Reporters sans frontières demande aux autorités burkinabés de mettre enfin
en oeuvre toutes les recommandations de la Commission d’enquête indépendante
et du « Collège de sages », et notamment la réorganisation de la sécurité du
chef de l’Etat.
Reporters sans frontières s’étonne que le juge en charge du dossier du
quadruple meurtre de Sapouy n’ait pas engagé des poursuites et procédé à
l’arrestation des trois autres membres de la garde présidentielle cités dans
le rapport de la Commission d’enquête indépendante et toujours en liberté,
ainsi que de François Compaoré, directement impliqué dans « l’affaire David
Ouedraogo », un dossier à l’origine de l’assassinat du directeur de
L’Indépendant (le juge d’instruction, avant qu’il ne soit dessaisi du
dossier au profit d’une juridiction militaire, avait inculpé celui-ci de
« meurtre » et « recel de cadavre »).
Reporters sans frontières recommande aux principaux bailleurs de fonds du
Burkina Faso, et tout particulièrement à l’Union européenne (l’article 5 de
la Convention de Lomé IV conditionne l’aide apportée par les instances de
Bruxelles au « respect des droits de l’homme »), de faire pression sur les
autorités de Ouagadougou pour que toute la lumière soit faite sur les
assassinats de Norbert Zongo et de ses trois compagnons.
N. B : Reporters sans frontières, dans un souci de transparence, a envoyé le
présent rapport au Ministre de la Justice, au Ministre de la Communication
et à l’Ambassadeur du Burkina Faso à Paris, plus d’un mois avant sa
diffusion. A ce jour, notre organisation n’a reçu aucune réponse.