Empêtré dans un scandale de financement occulte de son parti, Julius Malema, l'une des principales figures de l'opposition sud-africaine multiplie les insultes et menaces envers les journalistes et les médias.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 28 novembre 2018.
Empêtré dans un scandale de financement occulte de son parti, Julius Malema, l’une des principales figures de l’opposition sud-africaine multiplie les insultes et menaces envers les journalistes et les médias. Reporters sans frontières (RSF) dénonce ces méthodes d’intimidation et demande aux autorités de les condamner sans réserve.
Le dirigeant de l’un des principaux partis d’opposition sud-africaine, Julius Malema, multiplie ces dernières semaines les invectives et les menaces envers les journalistes. Le 20 novembre dernier, le responsable des Combattants pour la Liberté Économique (EFF) a ouvertement, lors d’un discours, appelé ses militants à « s’occuper » des journalistes Max du Preez, Ferial Haffajee (News24), Ranjeni Munusamy (Sunday Times), Peter Bruce (Business Day), et Palesa Morudu, « de manière définitive », sans toutefois « avoir recours à la violence ». Ces cinq journalistes ont en commun d’avoir souligné dans leurs articles les contradictions entre la posture anti-corruption affichée depuis des années par Julius Malema et le fait que son parti est soupçonné depuis plusieurs semaines de financement illégal. Le 27 novembre, il a suggéré que ces journalistes ne soient plus invités aux rassemblements de son parti si cela pouvait les aider à se sentir en sécurité.
« Les discours d’incitation à la haine contre les journalistes sont indignes d’un responsable politique, et irresponsables car ils encouragent le passage à l’acte et la violence physique, dénonce Arnaud Froger responsable du bureau Afrique. Ces méthodes d’intimidation n’ont d’autre objectif que de détourner l’attention et le débat public des révélations faites par les médias concernant un fait d’intérêt général. Il est essentiel que les autorités sud-africaines condamnent ces propos dangereux, et envoient un signal clair à tout responsable politique qui choisit l’insulte et la menace pour répondre aux faits dévoilés par les médias. »
La presse a largement relayé le 10 octobre dernier un rapport intitulé The Great Bank Heist, qui révèle le détournement de plus de 120 millions d’euros de la banque mutualiste VBS vers une cinquantaine de personnes, dont une personnalité liée au parti EEF. Dix jours plus tard, le groupe d’investigation du Daily Maverick, appelé Scorpio, a également révélé que l’EFF avait reçu près de 833 000 euros de la part de cette banque et que Julius Malema était directement impliqué dans cette affaire.
Après ces révélations, Julius Malema s’en est pris sur twitter à l’un des membres du groupe d’investigation Scorpio, la journaliste Pauli Van Wyk, en lui écrivant : « va en enfer, Satan ». Le même jour, il a également qualifié le journaliste de News24, Adriaan Basson, de « raciste » et de « jeune garçon blanc » La veille, le reporter avait dénoncé dans un article la campagne d’insultes du leader de l’EPP.
Des insultes à répétition
Ce n’est pas la première fois que Julius Malema s’en prend directement aux journalistes. Fin juin 2018, il avait qualifié de « house niggers » – une insulte désignant la soumission aux personnes blanches pendant la période de l’esclavage – les reporters qui avaient dénoncé dans leurs articles les attaques racistes proférées par Floyd Shivambu, le vice-président de l’EEF, contre un haut responsable du ministère des Finances.
En mars dernier, Julius Malema avait également annoncé sur twitter que la chaîne eNCA soutenait la suprématie blanche. Ces déclarations avaient entraîné une multiplication des menaces de mort contre les journalistes y travaillant.
Julius Malema avait déjà défrayé la chronique en expulsant en 2010 le journaliste de la BBC, Jonas Fisher, après l’avoir traité de « bâtard », d' »agent malveillant » et de « petit garçon ». Ce dernier avait osé l’interrompre au cours d’une conférence de presse.
L’Afrique du Sud occupe la 28e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.