(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au président Jean-Bertrand Aristide, RSF a demandé que les responsables de la mort du journaliste Brignol Lindor soient immédiatement arrêtés. Au cours d’une enquête sur place, l’Association des journalistes haïtiens (AJH) a pu recueillir les déclarations de membres de l’organisation populaire (OP) Dormi Nan Bois, proche de Fanmi Lavalas, […]
(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au président Jean-Bertrand Aristide, RSF a demandé que les responsables de la mort du journaliste Brignol Lindor soient immédiatement arrêtés. Au cours d’une enquête sur place, l’Association des journalistes haïtiens (AJH) a pu recueillir les déclarations de membres de l’organisation populaire (OP) Dormi Nan Bois, proche de Fanmi Lavalas, qui reconnaissent avoir tué le journaliste. « Nous vous demandons également que M. Dumay Bony, l’adjoint au maire de Petit-Goâve qui avait publiquement appelé au meurtre de Brignol Lindor, soit lui aussi arrêté », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF. « Vous disposez ici d’une occasion unique de mettre un premier frein à l’impunité qui règne en Haïti », a conclu l’organisation.
Selon des informations recueillies par RSF, l’AJH a annoncé, le 5 décembre 2001, que plusieurs membres de l’OP Dormi Nan Bois, proche de Fanmi Lavalas, le parti au pouvoir, avaient reconnu avoir assassiné Lindor. Ces aveux ont été recueillis par Guyler Delva, président de l’AJH, qui s’est rendu, avec la police, sur le lieu du crime. Les assassins, qui ont exigé de le voir seul, ont affirmé à Delva avoir tué Lindor « non en tant que journaliste mais comme membre de l’opposition ». Ils ont expliqué qu’il s’agissait d’un acte de représailles contre la Convergence démocratique (opposition) après l’agression, le matin même, de Joseph Céus Duverger, un membre de leur organisation. Cependant, le frère de la victime a fermement démenti que Lindor a appartenu à l’opposition.
D’après l’AJH, les membres de Dormi Nan Bois avaient tout d’abord enlevé un membre de la Convergence démocratique, Love Augustin. Ce dernier rapporte que ses agresseurs se sont désintéressés de lui au moment où ils ont aperçu Lindor. Ils se sont alors dirigés vers le véhicule de Lindor en faisant expressément référence au fait qu’il s’agissait du journaliste désigné par Bony, l’adjoint au maire de Petit-Goâve, comme étant celui à qui il fallait appliquer la « tolérance zéro ». Les responsables de Dormi Nan Bois ont reconnu avoir détenu Augustin. Ils précisent que l’assassinat n’est pas uniquement leur fait mais aussi celui de la foule présente sur place. Ils reconnaissent cependant avoir bouclé la zone pour retrouver Emmanuel Clédanor afin de le tuer. Ce dernier, ancien correspondant de Radio Plus, accompagnait Lindor et était parvenu à prendre la fuite.
Delva a déclaré avoir remis toutes les informations à Bellande Dumerzier, substitut du commissaire du gouvernement, en charge du dossier. Ce dernier affirme avoir émis des mandats d’arrêts contre les assassins du journaliste et Bony, et contre les agresseurs de Duverger. La police n’a pour l’instant procédé à aucune arrestation.
Lindor, responsable de l’information de Radio Echo 2000, une station privée de la ville de Petit-Goâve (68 km au sud-ouest de Port-au-Prince), a été tué à coups de pierres et de machette le 3 décembre. Le journaliste avait reçu de nombreuses menaces de mort de la part d’autorités locales, membres du parti au pouvoir, après avoir invité des personnalités de l’opposition à intervenir dans son émission « Dialogue ». Le 30 novembre, Bony avait appelé à appliquer à l’opposition la formule « tolérance zéro », en citant le nom de Lindor. Selon la politique de « zéro tolérance », lancée le 28 juin par le président Aristide, il n’est pas nécessaire de juger les délinquants pris en flagrant délit. Depuis, plusieurs dizaines de criminels présumés ont été lynchés par la population avec la complicité supposée de policiers, selon des organisations de défense des droits de l’homme.
Lindor, trente-deux ans, ancien correspondant local de Radio Signal FM et ancien secrétaire général adjoint de l’Association des journalistes de Petit-Goâve, était aussi directeur d’école et inspecteur de la douane de la ville.