(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF : Au moins 18 journalistes agressés par des militants du BNP et du Jamat-e Islami Le BCDJC et RSF demandent au Premier ministre du Bangladesh de lutter contre l’impunité Depuis la très large victoire électorale de l’alliance construite autour du Bangladesh Nationalist Party (BNP), les journalistes […]
(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF :
Au moins 18 journalistes agressés par des militants du BNP et du Jamat-e Islami
Le BCDJC et RSF demandent au Premier ministre du Bangladesh de lutter contre l’impunité
Depuis la très large victoire électorale de l’alliance construite autour du Bangladesh Nationalist Party (BNP), les journalistes d’opposition sont victimes d’une nouvelle vague de violences de la part de militants du BNP et du Jamat-e Islami (parti islamiste, membre de la coalition). Des responsables du BNP et de la nouvelle majorité ont par ailleurs proféré des menaces à l’encontre de certains médias indépendants.
Dans ce contexte, le Centre du Bangladesh pour le développement, le journalisme et la communication (BCDJC, Bangladesh Centre for Developement, Journalism and Communication) et Reporters sans frontières (RSF) demandent au nouveau Premier ministre de prendre des dispositions énergiques pour faire cesser ces violences. Les deux organisations de défense de la liberté de la presse appellent solennellement Begum Khaleda Zia à s’engager dans une lutte déterminée contre l’impunité dont jouissent les assassins et les agresseurs de journalistes. « Quels que soient leur couleur politique ou leurs protecteurs, les auteurs d’atteintes graves contre la liberté d’expression doivent être identifés, jugés et punis », ont déclaré les directeurs du BCDJC et de RSF.
« Les récentes violences augurent mal de la politique de votre gouvernement à l’encontre de la presse d’opposition », ont ajouté les deux organisations qui ont décidé de s’unir pour lutter contre l’impunité et défendre la liberté d’expression au Bangladesh. Enfin, RSF et le BCDJC demandent au Premier ministre de rappeler à l’ordre les responsables des autres partis membres de la coalition, notamment le Jamat-e Islami, suite à leurs propos à l’encontre de la presse d’opposition. « Tout dérapage et appel à la violence devront être sanctionnés ».
Selon les informations recueillies par RSF et le BCDJC, au moins 18 journalistes ont été l’objet d’agressions ou de menaces depuis la victoire électorale du BNP, le 1er octobre 2001.
Le 3 octobre, un groupe d’émeutiers attaque les domiciles de trois journalistes à Bhola (sud du pays). Ils se rendent tout d’abord chez Amitabah Apu, correspondant du quotidien Jugantor. Ils pillent sa maison, tirent en l’air, avant de lancer un cocktail Molotov. Le journaliste est absent de son domicile. Ils vont ensuite chez Farid Hossain Babul, correspondant du Prothom Alo. Ils font également le coup de feu, puis pillent et tentent de brûler sa maison. Enfin, les assaillants s’en prennent au domicile de Hahibur Rahman, directeur du journal local Banglar Kantha. Ils arrachent notamment sa ligne téléphonique.
Au même moment, dans le district de Jamalpur (nord du pays), un groupe de terroristes se réclamant du BNP ordonne à Lutfur Rahman, correspondant du journal Muktakantha, et à Shafiqul Islam, journaliste du quotidien Manvzain Munshi, de quitter la région sous peine de représailles. Ces derniers ont publié des articles sur les violences qui ont entaché la campagne électorale.
Chakor Malitha, correspondant du quotidien Prothom Alo à l’université de Jahangirnagar (près de Dakha), est agressé, le 6 octobre 2001, par des militants de la branche étudiante du BNP, le Jatiyatabadi Chattra Dal (JCD). Un groupe d’étudiants pourchasse le journaliste dans les locaux de l’université. Alors qu’il tente de prendre un bus pour rejoindre le centre de Dakha, Chakor Malitha est frappé à coups de barre de fer et de bâton. Très gravement blessé, il est transféré en urgence dans un hôpital où les médecins doivent lui poser au moins vingt-cinq points de suture. Selon des collègues du journaliste, les militants voulaient ainsi se venger de la couverture des activités de la JCD dans le Prothom Alo. Jahidul Islam, correspondant du quotidien Jugantor à l’université, aurait également reçu des menaces de mort de la part des étudiants du BNP.
La même semaine, des militants de la branche universitaire du Jamat-e Islami adressent des menaces de mort à Abul Kashem Khan, président du club de la presse de Mirzapur (au nord de la capitale). Le 6 octobre, le journaliste porte plainte et demande à la police d’assurer sa protection. Selon lui, les fondamentalistes lui reprochent des articles critiques.
Le 6 octobre, un groupe de militants du JCD investit par la force des locaux du club de la presse Khaliakor. Ils installent une pancarte indiquant : « Section locale du JCD ». Le président du club de la presse porte plainte. Les journalistes protestent également auprès du responsable local du BNP en signalant notamment que le frère du vice-président du parti était le meneur de ce coup de force. Aucune action n’est entreprise par le BNP ou les autorités. En revanche, les militants menacent de mort les trois journalistes qui dirigent le club de la presse.
Entre le 5 et le 7 octobre, trois journalistes sont violemment agressés à Satkhira (sud-ouest du pays). Le 5, Abdul Wahab, correspondant du quotidien Samachar, est conduit à l’hôpital après avoir été frappé par des inconnus dans la rue. Le lendemain, Moslem Ahmed, correspondant du journal gouvernemental aujourd’hui disparu Banglar Bani, est passé à tabac près du bazar Kolarua de la ville. Selon l’organisation de défense de la liberté de la presse Media Watch, la police l’aurait ensuite arrêté pour des raisons encore inconnues. Le 7 octobre, Abu Ahmed, correspondant du Daily Star et responsable d’un syndicat allié à la Ligue Awami, est agressé par quatre inconnus, dont on ne connaît pas les motivations.
Swapan Basu, reporter de l’agence de presse gouvernementale Bangladesh Sangbad Sangstha à l’université de Dakha, est agressé, le 8 octobre 2001, par des militants de la branche étudiante du BNP. Roué de coups par une quinzaine d’activistes, le jeune correspondant, également militant du mouvement d’étudiants de la Ligue Awami, doit être hospitalisé. Il a perdu deux dents. Deux photographes de presse, Zia Islam et S.M. Gorky, sont également frappés alors qu’ils prennent des clichés de l’attaque contre Swapan Basu.
Le 10 octobre, la branche étudiante du Jamat-e Islami menace la presse lors d’un meeting à l’université de Rajshahi. « Attention à vous, votre temps est fini. C’est maintenant à notre tour de nous imposer. Vous avez tous beaucoup écrit contre nous. Maintenant abandonnez vos stylos ou sinon vous allez souffrir pour ce que vous avez fait », a déclaré Shafiqul Islam, leader de ce groupe.
Au même moment, Maulana Delwar Hossain Sayeedi, député du Jamat-e Islami, menace de représailles Shafiul Haque Mithu, correspondant du journal privé Janakantha , s’il ne quitte pas Pirojpur (sud du pays). Le journaliste a publié un article sur la participation de ce responsable du parti fondamentaliste dans des massacres au cours de la guerre d’indépendance de 1971.
Le 10 octobre, des hommes de main de Bacchu Mollah, fils du nouveau ministre des Postes et télécommunications, Ahsanul Haque Mollah, vandalisent le domicile de Jahurul Islam, correspondant du quotidien Jugantor à Daulatpur (district de Kushtia, ouest du pays). Le journaliste est absent, mais son frère aîné est frappé puis amené à la résidence du fils du leader du BNP par ses assaillants. Ils lui font signer un document dans lequel il atteste qu’il leur transmettra toutes informations sur son frère. Quatre jours plus tard, le fils du ministre tient une conférence de presse. Il menace les journalistes de représailles s’ils le mettent en cause dans cette agression. Le 15, la police perquisitionne le domicile de Bacchu Mollah, mais il leur échappe. L’ordre venait du ministre de l’Intérieur. Le même jour, le ministre des Postes se plaint de l’attitude de la police auprès du Premier ministre, dès son retour de La Mecque. Khaleda Zia lui aurait répondu qu’il serait « démissionné » du gouvernement s’il ne contrôlait pas les agissements de son fils.
Le 14 octobre, des inconnus attaquent le club de la presse de Gazipur (ville au nord de Dhaka). Ils détruisent du matériel de bureau, un téléviseur et le portrait de Shiekh Mujibur Rahman, premier président du Bangladesh. Les responsables du club portent plainte et accusent des militants du BNP d’être les auteurs de cette agression. Les autorités locales se sont contentées jusqu’à présent d’exprimer leur préoccupation.
Le 15 octobre, des partisans de Salauddin Quader Chowdhury, conseiller du Premier ministre et député du BNP à Chittagong (sud-est du pays), se rendent dans le bureau du Prothom Alo de cette ville et menacent de mort les journalistes. La veille, le journal a publié un article sur les activités des hommes de main de ce député. « Qui a écrit cet article ? » ont demandé les agresseurs.
Depuis leur très large victoire aux élections législatives du 1er octobre 2001, les militants du BNP et du Jamat-e Islami (parti islamiste allié du BNP) ont tué plus de trente personnes et blessé plus de mille autres. La plupart des victimes de ces actes de vengeance sont des militants de l’ancien parti au pouvoir, la Ligue Awami, et des membres des minorités religieuses ou ethniques. Selon le journal indépendant Daily Star : « La présidente du BNP a adressé des appels répétés à ses partisans pour qu’ils fassent preuve de plus de retenue à l’égard de l’opposition. Mais ils sont tombés dans des oreilles de sourds ».
RSF et le BCDJC vont également poursuivre leurs efforts pour obtenir l’arrestation et le jugement de l’ancien député Joynal Hazari, auteur de multiples atteintes à la liberté de la presse. Le candidat défait de la Ligue Awami pour la circonscription de Feni (sud-est du pays) a été inscrit sur la liste des prédateurs de la liberté de la presse dans le monde. Il y rejoint le mollah Omar, Jiang Zemin et le dictateur birman Than Shwe.
RSF et le BCDJC disposent d’informations sur l’implication directe de Joynal Hazari dans l’agression de Tipu Sultan, correspondant de l’agence de presse UNB à Feni. Selon des témoignages, les hommes qui ont brisé les jambes et les bras du journaliste sont des proches du député et ont agi sous ses ordres. Les deux organisations sont disposées à prouver la culpabilité de Joynal Hazari devant la justice du Bangladesh.
RSF et le BCDJC sont également très heureux d’annoncer que Tipu Sultan, dont la famille subit toujours les menaces des partisans de Hazari, a été nominé pour le prix Reporters sans frontières Fondation de France 2001. L’extrême brutalité de l’agression dont il a été victime et sa lutte contre l’impunité font de lui un exemple dans notre combat pour la liberté de la presse. Six autres journalistes sont en compétition pour l’attribution de ce prix : Sihem Bensedrine (Tunisie), Michèle Montas (Haïti), Qi Yanchen (Chine), Reza Alijani (Iran), Geoffrey Nyarota (Zimbabwe) et Grigory Pasko (Russie). La décision finale sera rendue publique le 28 novembre 2001.