(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF, daté du 29 novembre 2001 : BANGLADESH Au moins 40 journalistes agressés ou menacés par des supporters du gouvernement de Begum Khaleda Zia Le BCDJC et RSF constatent que le Premier minister ne respecte pas les engagements pris lors de sa campagne électorale Dans une lettre […]
(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF, daté du 29 novembre 2001 :
BANGLADESH
Au moins 40 journalistes agressés ou menacés par des supporters du gouvernement de Begum Khaleda Zia
Le BCDJC et RSF constatent que le Premier minister ne respecte pas les engagements pris lors de sa campagne électorale
Dans une lettre adressée au Premier ministre, Begum Khaleda Zia, Reporters sans frontières (RSF) et le Centre du Bangladesh pour le développement, le journalisme et la communication (BCDJC) ont de nouveau protesté contre les violences orchestrées par des militants du Bangladesh Nationalist Party (BNP) contre les médias. « La multiplication des incidents à l’encontre des journalistes mettant directement en cause des militants du parti au pouvoir contre des journalistes, discrédite la politique du gouvernement en matière de la liberté de la presse », a affirmé Robert Ménard, secrétaire général de RSF. « Nous tenons à vous rappeler que le respect de liberté de la presse figurait dans votre programme de campagne. Nous vous demandons de respecter vos engagements », a déclaré le directeur du BCDJC. Les deux organisations ont demandé à Begum Khaleda Zia d’user de toute son influence pour que les violences cessent, et que leurs auteurs soient jugés. RSF et le BCDJC ont par ailleurs exigé la libération immédiate de Shaharier Kabir et la levée des charges qui pèsent contre le journaliste, détenu pour « possession de documents dangereux pour la stabilité politique du pays ».
Les deux organisations ont noté avec satisfaction la décision du gouvernement de demander à la police de relancer les enquêtes sur les assassinats de sept journalistes survenus au cours des cinq dernières années. « Combattre l’impunité doit être une lutte quotidienne, contre tous les agresseurs, même ceux issus de son propre camp politique », ont tenu à ajouter RSF et le BDCJC. Les deux organisations sont prêtes à collaborer avec la police et la justice pour identifier les assassins et les commanditaires.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Begum Khaleda Zia, au moins 40 journalistes et photographes ont été agressés ou menacés de mort par des militants de la nouvelle majorité composée essentiellement du BNP et du Jamaat-e-Islami (parti fondamentaliste). Pour la seule journée du 20 octobre 2001, deux journaux ont été vandalisés, deux journalistes menacés de mort et un reporter agressé.
Selon des informations recueillies par RSF et le BCDJC, une vingtaine de policiers en civil ont procédé, le 20 novembre, à une perquisition, sans mandat, dans la rédaction du quotidien Dainik Al Ameen à Dhaka. Après avoir menacé le gardien, les policiers ont fouillé le bâtiment à la recherche, selon eux, d’armes non déclarées. D’après certains témoins, ils ont quitté les lieux après plus d’une heure de recherche infructueuse. Le Dainik Al Ameen appartient à Moqbul Hossain, un ancien député de la Ligue Awami, accusé de corruption par le gouvernement.
Le 18 novembre, des hommes de main du député Abdul Momen Talukder se rendent au domicile de Rafiqul Islam Montu, correspondant du Dainik Karotua à Santahar (nord du pays). Ils le malmènent et le forcent à se rendre chez le député qui lui reproche de ne pas avoir écrit « honorable » ou « monsieur » devant son nom. Le parlementaire insulte Rafiqul Islam Montu avant de le laisser partir. En réponse, le club de la presse de Santahar décide de boycotter le député.
Le 12 novembre, des militants de la Jatiyatabadi Chattra Dal (JCD), organisation d’étudiants proche du BNP, ont attaqué Sardar Zobair Hossain, étudiant et correspondant du journal Ittefaq à l’université de Jahangirnagar. Les activistes ont menacé de mort le journaliste s’il ne quittait pas les locaux du campus. La veille, Sardar Zobair Hossain avait écrit un article sur l’implication de ce groupe étudiant dans des violences et du racket.
Le 11 novembre, des activistes armés membres de Jatiyatabadi Juba Dal (JJD), la section jeunesse du parti nationaliste au pouvoir, ont fait irruption dans une conférence de presse organisée à Bagerhat (sud-ouest du pays) par Mozzamel Haque, leader de la Ligue Awami (principal parti d’opposition). Babul Sardar, correspondant du journal Dainik Janakantha, Binu Prasad Chakrabarti, correspondant de la chaîne ETV et de l’agence de presse UNB, Ahad Haider, correspondant du journal Prothom Alo, Shah-e-Alam Tuku, correspondant de l’agence de presse BSS, Azadul Haque, correspondant du Dainik Runner, et Abdur Rob Mollah, correspondant du Dainik Janmabhumi à Khulna, ont été blessés par les assaillants. Babul Sardar a été sérieusement touché à la tête et au cou. La police a arrêté cinq agresseurs dont Mahbubur Rahman Tutul, leader local du JJD et responsable de l’attaque.
Le 5 novembre, M. A. Raquib, correspondant du Dainik Janakantha, et Tariqul Haque Tariq, correspondant du Dainik Prothom Alo, à Kushtia (ouest du pays), ont reçu des menaces de mort après avoir rapporté une affaire mettant en cause Bacchu Mollah, leader local de la jeunesse du BNP et fils du ministre des Télécommunications. Depuis la publication par Jahirul Islam, correspondant du Dainik Jugantor à Kushtia, d’un article mettant en cause Bacchu Mollah et ses hommes de main, les relations entre la presse et les autorités sont extrêmement tendues. Les responsables du BNP ont publié un communiqué dans lequel ils somment la presse de ne pas écrire contre le fils du ministre. « Certains journalistes utilisent leur profession comme un business. Nous allons nous venger », ont écrit les leaders du BNP. Par ailleurs, Jahirul Islam a reçu de très fortes pressions et il a reconnu avoir publié de fausses informations. Le Dainik Jugantor l’a licencié et le journaliste craint pour ses jours. Les proches de Bacchu Mollah ne lui pardonnent d’avoir écrit un article qui a conduit leur « chef » en prison.
Le 3 novembre, Sohel Rana, photographe du Dainik Ajker Kagoj à Chittagong (sud-est du pays), est agressé et son appareil volé par des éléments du mouvement étudiant du Jamaat-e-Islami (parti fondamentaliste). Le photographe couvrait un affrontement entre les jeunes islamistes et des militants de l’ancien parti au pouvoir, la Ligue Awami. Sohel Rana a protesté auprès d’un responsable du mouvement islamiste. Son appareil lui a été restitué et il a reçu des excuses.
Le 30 octobre, Rifat bin Tuha, correspondant du Dainik Janakantha à Narail (sud-ouest du pays), reçoit des menaces de mort de la part de militants du BNP. Ils lui reprochent d’avoir critiqué leur parti. Les supporters du BNP s’attaquent le même jour à un kiosque à journaux. Des centaines d’exemplaires du Dainik Janakantha sont brûlés sur la voie publique. Rifat bin Tuha et le propriétaire du kiosque ont porté plainte à la police. Le journaliste a également demandé que sa sécurité soit assurée. Mais à ce jour, rien n’a été fait.
Le 30 octobre également, des militants de la Islami Chattra Shibir, branche étudiante du Jamaat-e Islami, ont menacé de mort Akil Poddhar, correspondant du Dainik Janakantha à Kushtia (ouest du pays), pour avoir publié des informations « anti-islamiques ». Les fondamentalistes reprochent notamment au quotidien ses articles hostiles à Oussama ben Laden.
Le 26 octobre, Rafiqul Hasan Tuhin, correspondant du Dainik Janakantha à Habigonj (nord-est du Bangladesh), a été violemment frappé par des jeunes supporters du BNP. Ils ont reproché au journaliste des articles sur les violences contre la minorité hindoue. Après avoir reçu des coups au visage et des coups de pied, Hasan Tuhin a été menacé avec un couteau. L’intervention d’un officier de police a permis au journaliste de se sauver. Celui-ci a été hospitalisé pendant quelques heures. Hasan Tuhin a porté plainte et a demandé une protection à la police.
Le 22 octobre, Muktar Hossain Golap, correspondant du Dainik Sangbad à Mitamoin (près de Kishoreganj, au nord-est de Dhaka), est pourchassé par des délinquants armés qui semblent jouir de la protection de responsables du parti au pouvoir. En effet, ces derniers sont allés expliquer à la police que les agresseurs avaient utilisé un pistolet en plastique pour menacer le journaliste. Hossain Golap venait de porter plainte contre ses agresseurs. Le journaliste avait publié un article deux jours auparavant sur l’existence d’un trafic d’armes clandestin dans la ville, illustré par la photo d’un délinquant de Kishoreganj armé. La police a refusé d’entendre la plainte du journaliste.
Le 21 octobre, Mamunur Rashid, correspondant du Dainik Janakantha dans l’université de Dhaka, est forcé de quitter le campus suite aux menaces de militants de la JCD. Ces derniers ont occupé et vandalisé sa chambre universitaire. La JCD a également demandé à cet ancien responsable de l’Association des journalistes de l’université de Dhaka d’écrire plus prudemment à son sujet.
Le 20 octobre, un groupe de jeunes armés, affirmant être membres du BNP, s’est attaqué aux locaux du journal local Dainik Shitalakkhya à Narayanganj (port de Dhaka). Du matériel a été détruit et les journalistes ont été menacés de représailles s’ils ne donnaient pas leur argent. Le 25, la police arrête deux suspects connus pour leurs activités criminelles et politiques.
Le 20 octobre, des délinquants affirmant être affiliés au parti au pouvoir font irruption dans les locaux du journal Dainik Deshhitoishi à Jessore (sud-ouest du pays). Du matériel est vandalisé et les assaillants volent un véhicule du quotidien.
Le 20 octobre, des militants de la JCD bousculent et menacent de représailles Mohammad Muniruzzaman Munir, correspondant du Dainik Jugantor à Nalchity (sud du pays), après la publication d’un article « Chattra Dal attaque le lycée de Nalchity ».
Le 20 octobre, le mafieux Abul Shah, qui affirme être membre du BNP adresse une lettre de menace à Humayun Kabir Mithu, correspondant du Dainik Muktakantha à Daulatpur (près de Kushtia, ouest du pays). « Ton journal a beaucoup trop écrit contre notre leader, c’est pour cela que nous allons te tuer comme un chien », indique la lettre.
Le 20 octobre, K.M. Reza, correspondant du Dainik Matribhumi à Putia (près de Rajshahi, ouest du pays), est pris à partie par des individus proches du BNP alors qu’il se trouve à un arrêt de bus dans cette ville frontalière. Il est bousculé. Ses agresseurs lui reprochent la publication d’articles sur leur implication dans des trafics avec l’Inde. Le journaliste va porter plainte au commissariat. Quelques heures plus tard, ses agresseurs se rendent à son domicile et le menacent de mort s’il ne retire pas sa plainte. Ils l’obligent à signer un papier blanc.
Le 16 octobre, Saiful Islam Rob, correspondant du Dainik Jugantor à Agoiljhara (près de Barisal, sud du pays), est agressé par un inconnu alors qu’il revient de couvrir un incident entre des groupes politiques. L’agresseur n’est pas identifié, mais le journaliste venait d’écrire un article mettant en cause des délinquants proches du BNP dans un système de racket de commerçants.
Le 16 octobre, Muzaffar Rahman, correspondant du journal régional Dainik Janmabhumi à Tala, près de Satkhira (sud-ouest du pays), est menacé de mort par le président local du BNP. Alors que le journaliste s’entretient avec un député, le responsable du BNP le pointe du doigt et lui prédit une mort prochaine pour ses critiques à l’encontre du parti au pouvoir.
Le 14 octobre, Shaukat Milton, correspondant du Dainik Janakantha à Barisal (sud du pays), est menacé de mort par voie de presse. En effet, Mahbubul Alam Mehdi, mafieux proche du BNP, fait publier dans un quotidien local un communiqué accusant le journaliste d’être un menteur. Le mafieux reproche à Shaukat Milton un article du 12 octobre sur les liens entre certains milieux politiques et les mafias locales. Suite aux protestations des organisations de journalistes de la ville, le journal local a publié des excuses. Au cours des dernières années, Shaukat Milton a reçu de nombreuses menaces de la part des partisans de l’ancien parti au pouvoir.
Egalement au cours du mois d’octobre, l’administration bangladeshi a interdit le numéro d’octobre de Desh, un magazine en bengali publié en Inde, et censuré deux pages de Sannanda, un magazine féminin également publié en Inde. Les autorités reprochent à Desh la publication d’une nouvelle de Samaresh Majumder, écrivain indien, qui traite de l’insurrection ethnique dans l’Etat indien de Tripura. Certains rebelles trouveraient refuge au Bangladesh. Pour ce qui est de Sannanda, le gouvernement en a fait retirer des poèmes qui contiennent notamment des descriptions d’art religieux qui pourraient « heurter le sentiment des lecteurs ».