Les installations de Radio Umoja et Radio Baraka ont été prises d’assaut par un groupe de militaires à la recherche des journalistes qu’ils ont accusé d’avoir diffusé le message de la société civile locale appelant la population à observer deux jours de « ville-morte ».
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 10 mai 2016.
Reporters sans frontières (RSF) se joint à Journaliste en danger (JED), dont elle est partenaire en République démocratique du Congo (RDC), pour condamner l’attaque, par des militaires des Forces armées de la RDC (FARDC), de deux stations de radio au Sud-Kivu, ainsi que l’arrestation de deux journalistes – dont l’un est toujours en détention.
RSF demande aux autorités congolaises de prendre des sanctions contre cet abus et de libérer immédiatement le journaliste toujours détenu. Le journaliste détenu, Eboko Amani, a été arrêté le 9 mai dans le sud de la province du Sud-Kivu, près de Fizi. Sa radio avait évoqué la supposée implication des FARDC dans l’assassinat d’un coupeur de route. La veille, les soldats FARDC avaient fait irruption dans les locaux de Radio Umoja et de Radio Baraka, près de Baraka. Ils cherchaient des journalistes qui avaient diffusé l’appel de la société civile à observer une journée “ville-morte” en signe de protestation contre l’insécurité qui sévit dans la ville.
Ci-dessous le communiqué de JED, daté du 10 mai 2016 :
“Journaliste en danger (JED) exprime sa profonde inquiétude sur la sécurité physique des professionnels des médias évoluant dans la province du Sud-Kivu (Est de la RDC) où s’observe depuis quelques jours la multiplication des cas d’attaques, commises par des éléments des Forces Armées de la RD Congo (FARDC), contre les journalistes en plein exercice de leur profession.
Selon les informations concordantes parvenues à JED, le journaliste Eboko Amani, correspondant de la Radio Muungano à Sebele, un village situé à 12 Km de Fizi, une cité située à 165 Km de Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, a été arrêté à son domicile, lundi 9 mai 2016 vers 15 heures, par un groupe d’éléments des FARDC. Le journaliste a été conduit à Fizi où il est détenu en toute illégalité au quartier général de ces forces armées.
Eboko Amani a été arrêté pour avoir diffusé, le samedi 7 mai 2016, une information sur la tuerie d’un coupeur de route à Sebele par des éléments des FARDC.
Le lendemain de cette diffusion, deux autres stations de radios émettant à Baraka, cité située à environ 190 Km de Bukavu, ont été attaquées nuitamment par un groupe d’hommes armés. En effet, les installations de Radio Umoja et Radio Baraka ont été successivement prises d’assaut, le dimanche 8 mai 2016 vers 21 heures, par un groupe de militaires à la recherche des responsables de ces deux médias qu’ils ont accusé d’avoir diffusé le message de la société civile locale appelant la population à observer deux jours de « ville-morte », en signe de protestation contre l’insécurité qui sévit dans la cité de Baraka.
Après s’être rendus dans les installations de la Radio Baraka où ils n’ont trouvé aucun journaliste, ces hommes en uniforme s’étaient par la suite dirigés vers le studio de la Radio Umoja où ils ont procédé à l’arrestation du journaliste Gilbert Wasokye qui présentait une émission d’animation.
Le journaliste a été conduit manu militari au cachot des FARDC où il a été gardé pendant plusieurs heures avant d’être libéré le lundi 9 mai 2016 vers 9 heures.
Contacté par JED, M. Luc Lokendo, directeur de la Radio Baraka, a déclaré : « Le message de la société civile que nous avons relayé n’a pas incité la population à se soulever contre les autorités locales. Dans nos différentes éditions des journaux parlés, nous avons accordé la parole à l’administrateur du territoire qui appelait ses administrés à vaquer librement à leurs occupations quotidiennes et à la société civile qui demandait à la population d’observer la ville morte. »
Journaliste en danger (JED) condamne fermement les attaques dont sont victimes les médias et les journalistes dans cette province du Sud-Kivu.
JED demande instamment aux responsables militaires ainsi qu’aux autorités locales et provinciales de faire cesser les interférences des services de sécurité dans le travail de la presse.”
La RDC est classée 152ème sur 180 pays au Classement sur la liberté de la presse établi par RSF en 2016.