Elias Atayi fait partie de ces rares artistes qui à travers des chansons, dénoncent les abus et éveillent les consciences pour une prise en compte des droits des femmes et des enfants.
Cet article a été initialement publié sur fr.globalvoices.org le 31 janvier 2023.
Si la jeunesse écoute le rap, il faut parler la même langue musicale
Elias Atayi est un artiste musicien et chanteur togolais qui fait de la promotion des droits des femmes et des enfants son cheval de bataille.
La protection et la promotion des droits humains est l’une des questions qui motive l’engagement de nombreux Togolais. Sur plusieurs aspects liés aux droits de l’homme, même si les autorités font des efforts pour améliorer sa situation , les défis demeurent. Les citoyens pour leur part, font du mieux qu’ils peuvent pour apporter leurs pierres à l’édification d’un État où le respect des droits humains sera effectif.
C’est le cas d’Elias Atayi, Eli Amaté Atayi à l’état civil, chroniqueur et co-animateur de l’émission Nek’tar sur la TVT, et artiste engagé pour la cause des droits humains. Il fait partie de ces rares artistes qui à travers des chansons, dénoncent les abus et éveillent les consciences pour une prise en compte des droits des femmes et des enfants. Il se sert de son art pour provoquer des changements positifs comme en témoigne cette vidéo YouTube:
Global Voices s’est entretenu par Whatsapp avec Elias Atayi pour comprendre les raisons de son engagement.
Jean Sovon (JS): D’où vous est venu cet amour pour la musique?
Elias Atayi (EA) La musique est innée et je le pratique depuis tout petit. Quand je grandissais, je participais aux classes de musique d’artistes togolais comme Gospel Renya, Edi Togovi. Je fréquentais des groupes de musique et des chorales. J’ai commencé à toucher à plusieurs instruments dont la guitare solo, mon fidèle ami de tous les jours. J’ai intégré l’orchestre de l’Université de Lomé où j’ai vu passer plusieurs noms qui sont aujourd’hui des artistes confirmés de la musique togolaise: Foganne avec lequel j’ai sorti Mon Rêve (un morceau qui peint le monde en couleur blanche) et Victoire Biaku (lauréate de The Voice Afrique francophone).
JS: A travers vos chansons, on perçoit un engagement pour les droits humains. Pourquoi ce choix de mettre son art au service des droits humains?
EA: En 2018, j’ai intégré le Centre de Documentation et de Formation sur les Droits de l’Homme (CDFDH). A travers différentes formations et activités sur le terrain, mon engagement est devenu plus poussé. Avec cette structure, l’opportunité m’a été offerte de composer et d’enregistrer une chanson qui devait accompagner Xonam, une application numérique mise au service de la défense des droits humains. C’était une belle expérience et cela m’a conforté dans mon engagement. Le constat est simple: le message et le canal doivent être adaptés à la cible. Si les jeunes écoutent du rap, apportons leur les notions de droits humains via le rap. Je suis de ceux qui pensent que l’artiste a un grand rôle à jouer dans l’atteinte des Objectifs du Développement Durable ODD. Il est écouté, aimé et suivi par des millions de personnes, ses messages et plaidoyers auront donc plus d’impacts et provoqueront des changements auprès de ses followers. Parce que la musique rentre dans toutes les maisons, et quand la musique est bien jouée, les paroles restent ancrées dans l’esprit sans qu’on le sache. C’est le but recherché par mon engagement: que les paroles des chansons aient un impact sur leurs habitudes et comportements. En période de Covid, quand la pandémie battait son plein, nous avons sorti deux singles (Respecte les mesures et La prophétie) pour sensibiliser les populations sur la pandémie et ses méfaits. Le message a été bien accueilli même si ces chansons n’ont pas cartonné, je pense que c’est un début surtout que nos moyens étaient très limités.
JS: Aujourd’hui, quelle lecture faites-vous de la situation des droits humains au Togo?
EA: Il y a encore beaucoup de travail, surtout dans les localités reculées, des millions de gens qui ne connaissent pas leurs droits, des femmes abusées sans voix, des enfants non scolarisés – surtout les filles. C’est vrai qu’il y a quelques avancées mais nous sommes loin d’atteindre le minimum. La situation des droits de l’homme au Togo dans les années 80 n’a rien à avoir avec celle des années 2000. Mais, nous devons accentuer faire plus, trouver de nouvelles stratégies, de nouvelles manières d’intéresser les jeunes, les femmes et les enfants. On doit apporter de la joie, apporter de la lumière aux jeunes des milieux reculés en organisant diverses initiatives axées sur des thématiques droits de l’homme, des formations pratiques pour outiller ces populations… Nous sommes prêts à aller sur le terrain.
JS: A part la musique, à travers quel autre moyen contribuez vous à la promotion des droits humains au Togo?
EA: En 2019, j’ai créé mon association Equal Rights For All (ERFA) pour promouvoir les droits de l’homme et l’engagement citoyen à travers l’art, la culture et le sport. Un pari pas évident vue la place qu’occupe l’art en politique. Oui, il faut de l’art pour promouvoir les droits de l’homme parce qu’ un peuple qui ne connaît pas ses droits ne saura pas se défendre. Souvent, le peuple ne sait pas si l’oppresseur est en train de violer ses droits ou non. Il assiste donc impuissamment à des situations dans lesquelles il devrait normalement réclamer justice pour des violations commises et demander le respect de ses droits. Actuellement, nous avons défini plusieurs stratégies toutes innovantes et jeunes. Nous avons prévu des concours de danse, des tournois de football, des marathons, des soirées Ciné et une série rassemblant plusieurs humoristes locaux autour de nos thématiques. Toutes ces actions sont tournées vers la jeunesse qui est notre première cible.
JS: Envisagez-vous de faire un album qui sera consacré à cette cause?
EA: Un album de douze titres dénommé Life’s Colors (Les couleurs de la vie) sur lequel on retrouvera des thèmes comme Enfant de rue, Engagement citoyen, Paix, Non à l’extrémisme violent, Protection de l’environnement, Égalité, etc… Je me suis aussi tourné vers l’authenticité, l’Afrique et sa culture, et ses rythmes donc. Ça sera un album purement droits humains avec des sonorités africaines.
JS: Un mot de la fin pour nos lecteurs et lectrices?
EA: Nous croyons en un monde meilleur et nous croyons que l’art, la culture et le sport peuvent apporter un changement radical et un impact énorme. L’appel est lancé à tous mes confrères artistes: il est temps de véhiculer des messages importants, sans trop de vulgarité. Avec ce que nous voyons et écoutons aujourd’hui sur les médias, je crains pour nos jeunes frères et nos enfants. Au niveau de l’association nous avons prévu une campagne qui va être lancée incessamment sur les réseaux, suivie d’actions fortes, mais j’aimerais déjà les sensibiliser à travers cette interview.