"Zaour Gambarov n’est pas emprisonné pour une agression, mais bien pour ses publications critiques et révélatrices des problèmes socio-économiques de la région de Gadabay.”
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 9 mars 2021.
Après avoir été frappé par un fonctionnaire et son chauffeur, Zaour Gambarov a été condamné pour “troubles à l’ordre public”. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une affaire fabriquée de toutes pièces et appelle le gouvernement azerbaïdjanais à libérer le journaliste.
Il a été agressé, mais c’est lui qui a été condamné. Le correspondant du site d’information Anews.az, Zaour Gambarov, a écopé, le 28 février, de trois ans et demi de prison pour “troubles à l’ordre public” après une altercation avec le directeur adjoint de la Caisse de protection sociale de Gadabay, à l’ouest du pays. Les faits remontent au 4 mai 2020 lorsque le journaliste se rend dans les locaux de l’agence pour enquêter sur une plainte. Il est alors frappé par le directeur adjoint, Ibrahim Alasgarov, ainsi que son chauffeur qui le menacent de le poursuivre en justice pour le faire emprisonner.
À la suite de cette attaque, le journaliste et sa rédaction envoient une requête au ministère du Travail. La police a déclaré ouvrir une enquête. Pour le reporter, son agression est une conséquence directe de la diffusion d’une vidéo deux jours plus tôt sur les problèmes de gestion de la pandémie de Covid-19 dans la région. Il y décrivait un système de corruption au sein de l’antenne locale de la Caisse de protection sociale.
Mais l’affaire se retourne contre Zaour Gambarov, qui se retrouve accusé d’être à l’origine de l’attaque. Le fonctionnaire et son chauffeur affirment en effet que le journaliste a utilisé une chaise comme arme pour les agresser. Si la scène a été filmée par les caméras de surveillance du bâtiment, le tribunal a refusé de montrer les vidéos et les empreintes sur la chaise n’ont pas été relevées.
“Ce retournement de situation cynique illustre une fois de plus l’impunité dont bénéficient en Azerbaïdjan les auteurs de violences contre les journalistes, dénonce la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie Centrale de RSF, Jeanne Cavelier. Zaour Gambarov n’est pas emprisonné pour une agression, mais bien pour ses publications critiques et révélatrices des problèmes socio-économiques de la région de Gadabay. RSF condamne fermement une décision injustifiée, dans une affaire montée de toutes pièces, et appelle à sa libération immédiate.”
Signe de l’impunité qui règne dans le pays, l’assassinat par balles du rédacteur en chef de Monitor, Elmar Huseynov, reste irrésolu seize ans après les faits. Une enquête journalistique, publiée le 2 mars, montre les obstructions et multiples erreurs commises par la police et l’appareil judiciaire dans cette affaire. Les journalistes indépendants sont par ailleurs régulièrement victimes d’accusations fabriquées par les autorités. Le rédacteur en chef de Xeberman et de Press Az, Polad Aslanov, a été condamné le 16 novembre dernier à 16 ans de prison pour “haute trahison”, sur la base de faits montés de toutes pièces.
L’Azerbaïdjan occupe la 168e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.