Au moins 48 amendes ont été infligées à des journalistes indépendants au Bélarus depuis le début de l’année 2018. Elles concernent quasiment toutes des collaborateurs de la chaîne en exil Belsat TV.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 17 mai 2018.
Au moins 48 amendes ont été infligées à des journalistes indépendants au Bélarus depuis le début de l’année 2018. Elles concernent quasiment toutes des collaborateurs de la chaîne en exil Belsat TV. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une campagne ciblée contre les dernières voix critiques et réitère sa demande de mettre fin au harcèlement judiciaire des journalistes.
Jusqu’où ira l’étouffement économique des journalistes indépendants au Bélarus ? Entre les 7 et 14 mai 2018, dix amendes ont été prononcées contre des collaborateurs de la chaîne en exil Belsat TV, pour avoir « travaillé pour un média étranger sans accréditation ». Le recours à cette pratique, devenue courante ces dernières années, ne cesse de s’intensifier. Passé de 10 en 2016 à 69 l’année suivante, le nombre d’amendes infligées aux journalistes atteint déjà 48 à la mi-mai 2018. Dont 46 concernent des collaborateurs de Belsat TV.
C’est un cercle vicieux savamment orchestré : à l’image de Belsat TV, basée en Pologne, plusieurs médias indépendants bélarusses ont été contraints à l’exil par la répression. Une loi de 2008 interdit aux journalistes de travailler pour un média étranger sans accréditation du ministère des Affaires étrangères, sous peine d’amende. Mais les autorités rejettent toutes les demandes de Belsat TV d’ouvrir un bureau à Minsk et d’accréditer ses correspondants. Poussés à travailler dans l’illégalité, ces journalistes écopent d’amendes toujours plus nombreuses, sans compter les difficultés en termes de sécurité et d’accès à l’information.
Dans un pays où le salaire mensuel moyen est inférieur à 400 euros, cet acharnement peut peser très lourd. Déjà condamné à dix amendes en 2017, le contributeur de Belsat TV Kastus Joukovski en a déjà reçu six en 2018, totalisant plus de 2 300 euros. Sa collègue Volha Tchaïtchits, condamnée sept fois en 2017, a reçu cinq nouvelles amendes en 2018 pour un montant de plus de 1 700 euros.
Selon le correspondant de Belsat TV Pavel Majeïka, interpellé en mars alors qu’il filmait une interview dans un festival à Minsk, la police vise spécifiquement les collaborateurs de son média. « Leur but est de punir et d’intimider pour montrer que nous sommes sous leur contrôle, qu’ils peuvent nous ratrapper à tout moment », a-t-il déclaré à RSF. Le journaliste a été condamné, le 14 mai, à une amende de 857 roubles bélarusses (350 euros environ).
« La hausse exponentielle du nombre d’amendes infligées depuis le début de l’année témoigne d’une campagne ciblée visant à réduire au silence les journalistes de Belsat TV, déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Il est urgent que les partenaires internationaux du Bélarus incitent les autorités à mettre fin au harcèlement judiciaire et économique des journalistes indépendants. L’obligation d’accréditation des médias étrangers doit être supprimée, et non étendue comme le prévoit le projet de loi sur les médias actuellement à l’étude. »
La répression contre les voix critiques s’est particulièrement intensifiée au Bélarus après les manifestations antigouvernementales du printemps 2017, couvertes par les médias indépendants dont Belsat TV. Le Bélarus occupe la 155e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2018, établi par RSF.