Avec 63 journalistes actuellement détenus, selon le Baromètre de RSF, la Birmanie détient le triste record mondial du pays qui emprisonne le plus ses journalistes par rapport à sa population
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 27 décembre 2022.
En moins d’une semaine, les militaires birmans ont arrêté le rédacteur en chef d’une agence de presse interdite et prononcé des peines de prison contre trois autres journalistes – dont HanThar Nyein, récemment nominé au Prix RSF. L’organisation appelle les Nations unies à durcir les sanctions internationales contre les généraux birmans pour mettre un terme à cette effrayante fuite en avant.
“La litanie sans fin des arrestations et du maintien en détention de journalistes par les autorités militaires birmanes est telle qu’elle donne la nausée, regrette le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Le monde ne peut pas regarder le pays être ainsi la proie de la terreur orchestrée par la junte pour contrôler l’information. Nous appelons le Rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans le pays, Tom Andrews, à agir pour durcir les sanctions internationales qui visent les généraux birmans.”
La sentence a été prononcée dans le plus grand secret, derrière les murs de la prison d’Insein, en banlieue de Rangoun : le reporter Han Thar Nyein, nominé pour le prix RSF du courage en novembre dernier, a été condamné hier, lundi 26 décembre, à une peine de cinq ans de prison pour avoir prétendument violé l’article 33(A) de la loi sur les échanges électroniques, qui punit, notamment, les “actes préjudiciables à la sécurité de l’Etat”. L’information, qui a fuité sur les réseaux sociaux en birman le jour-même, a pu être vérifiée par RSF.
Législation instrumentalisée
Cette peine vient s’ajouter à une condamnation préalable à deux ans de réclusion criminelle et de travaux forcés prononcée en mars 2022, selon les termes de l’article 505(A) du code pénal qui, au prétexte de punir la diffusion de fausses informations, est massivement instrumentalisé par la junte pour punir les journalistes. Les peines se cumulant, Han Thar Nyein doit passer un total de sept ans derrière les barreaux.
La veille de cette condamnation, c’est le rédacteur en chef de l’agence de presse Kanbawza Tai News (KTZ News), Kyaw Zeya, qui a été arrêté dans la matinée du dimanche 25 décembre. Selon la Democratic Voice of Burma,des soldats ont fait irruption au domicile de ses parents à Gyobingauk, une ville de la région de Bago, dans le centre de la Birmanie.
Basé à Taunggyi, la capitale de l’Etat Shan, plus à l’est, le journaliste avait dû se réduire à vivre dans la clandestinité après que son agence de presse fut interdite au lendemain du putsch du 1er février 2021, qui a marqué le retour de la dictature militaire. À l’époque, cinq de ses confrères de KTZ News avaient été arrêtés, puis condamnés à trois ans de prison pour violation de l’article 505(A) du code pénal.
Triste record mondial
Selon les informations de RSF, c’est, du reste, ce même texte de loi qui a été invoqué, la semaine dernière, pour condamner à trois ans de prison et de travaux forcés deux journalistes de la Myanmar Pressphoto Agency (MPA). La reportrice vidéo Hmu Yadanar Khet Moh Moh Tun et le photojournaliste Kaung Sett Lin ont appris leur sentence, le 21 décembre, derrière les murs de la prison d’Insein. Tous deux avaient été grièvement blessés lors de leur arrestation, il y a un peu plus d’un an, alors qu’ils tentaient de couvrir une manifestation spontanée dans le canton de Kyimyindaing, à Rangoun.
Avec 63 journalistes actuellement détenus, selon le Baromètre de RSF, la Birmanie détient le triste record mondial du pays qui emprisonne le plus ses journalistes par rapport à sa population. Elle se situe dans les limbes du Classement mondial de la liberté de la presse, à la 176e place sur 180 pays.