Les deux journalistes ont publié une enquête sur une pénurie de riz, dans laquelle des militaires sont mis en cause.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 26 janvier 2021.
Les deux journalistes ont publié une enquête sur une pénurie de riz, dans laquelle des militaires sont mis en cause. Reporters sans frontières (RSF) dénonce la plainte pour diffamation déposée par l’institution militaire, qui avait tout le loisir de donner sa version des faits à l’agence de presse.
Ils risquent jusqu’à trois ans de prison. Le chef d’édition de l’agence de presse Development Media Group (DMG), Ne Win San, et l’un de ses journalistes, Ma Hnin Nwe, font l’objet de poursuites pénales après une plainte de la Tatmadaw, l’armée birmane, en vertu de l’article 66(d) de la lois sur les télécommunications, qui criminalise la diffamation.
En cause, un article publié le 10 janvier dernier sur une pénurie de riz dans la canton reculé de Kyauktaw, dans l’Etat de l’Arakan, à la frontière ouest de la Birmanie. L’auteur, Ma Hnin Nwe, cite des villageois qui témoignent du vol de leurs rations de riz par une demi-douzaine de soldats.
L’institution militaire, dont les responsables locaux ont refusé de commenter cette information sur demande du journaliste, a décidé de la contester a posteriori en portant l’affaire devant un tribunal.
“L’armée birmane n’a pas saisi l’occasion de donner sa version des faits avant la parution de l’article, mais a directement porté plainte devant une cour pénale, dénonce le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Cette instrumentalisation de la loi sur la diffamation a vraisemblablement pour seul but d’intimider les journalistes de DMG, mais aussi tous les reporters qui travaillent dans l’Etat de l’Arakan. Ce type de pression inadmissible doit cesser.”
Harcèlement répété
L’armée birmane impose un diktat implacable aux journalistes qui tentent de travailler dans l’Arakan, que près d’un million de Rohingyas ont fui ces dernières années, et qui est aujourd’hui traversé par la rébellion autonomiste de l’Armée de l’Arakan. A ce titre, l’agence DMG fait l’objet d’un harcèlement répété.
Le mois dernier, l’un de ses rédacteurs, correspondant du canton de Maungdaw, Aung Kyaw Min, a été visé lui aussi par une plainte pour diffamation au pénal, à la suite d’un article anodin sur l’état d’un pont.
Son site a été purement et simplement bloqué en mars 2020, à l’instar de 220 autres sites internet accusés de diffuser des “fake news”. DMG fait partie des sites que RSF a pu débloquer grâce à son programme Collateral Freedom.
En mai 2019, le rédacteur en chef du site, Aung Marm Oo, a été visé par une plainte déposée par le ministère de l’Intérieur au motif de la loi sur les associations illicites. Craignant pour son intégrité, il se cache, depuis, pour échapper à une arrestation par la police.
La Birmanie occupe actuellement la 139e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF.