Intimidations, arrestations, suspensions de médias… La couverture de la campagne référendaire au Burundi s'est déroulée dans un climat de peur généralisée empêchant les journalistes d'exercer librement leur mission d'information.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 16 mai 2018.
Intimidations, arrestations, suspensions de médias… La couverture de la campagne référendaire au Burundi s’est déroulée dans un climat de peur généralisée empêchant les journalistes d’exercer librement leur mission d’information. Reporters sans frontières (RSF) dénonce le musellement sans relâche de la presse par le pouvoir alors que le pays doit se prononcer sur un changement constitutionnel.
Le président burundais Pierre Nkurunziza, qui se fait désormais appeler le « guide suprême éternel » par son parti, tentera, ce jeudi 17 mai, de faire adopter par référendum un amendement à la constitution qui pourrait lui permettre de rester au pouvoir jusqu’en 2034.
La campagne officielle s’est ouverte, le 4 mai dernier, par un nouveau tour de vis des autorités burundaises avec la suspension pour six mois de la BBC et de VOA, deux des principales radios internationales du pays, pour « manquements à la déontologie professionnelle ».
Depuis, les intimidations à l’égard de la presse se poursuivent à mesure que le scrutin approche. Le 7 mai, le journaliste Jean Bosco Ndarurenze a été expulsé d’un meeting du parti au pouvoir à Kirundo. Son enregistreur a été confisqué puis restitué avec ordre d’en effacer le contenu. Pacifique Cubahiro et son cameraman de Radio Insanganiro ont subi le même sort alors qu’ils tentaient de faire un reportage sur un massacre de villageois qui a fait 26 morts dans le nord-ouest du pays, le week-end dernier. Les deux journalistes ont été brièvement arrêtés et leurs images confisquées. Le 9 mai, des journalistes du Renouveau Burundi ont quant à eux été empêchés d’assister aux opérations de retrait de cartes d’électeurs à la mairie de la capitale Bujumbura.
« Donner la parole aux opposants, c’est prendre le risque de s’exposer aux représailles des autorités, confirme un journaliste burundais joint par RSF. Depuis le début de la crise en 2015, nous sommes passés de la peur à la résignation ».
« Des journalistes qui ont tenté de couvrir cette campagne de manière impartiale ont été traités d’ennemis de la nation dans un contexte où la presse est déjà fortement muselée, constate Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Il n’y aura pas de consultation démocratique et crédible dans un paysage médiatique verrouillé avec des journaliste constamment intimidés ».
Une poignée de médias qui résistent
Depuis la tentative de coup d’Etat en 2015, plusieurs dizaines de journalistes ont été contraints à l’exil. Le paysage audiovisuel burundais, autrefois foisonnant, a été réduit à quelques rares médias qui tentent de faire survivre une information libre et indépendante. SOS Médias Burundi qui fête son troisième anniversaire cette semaine a résisté malgré les pressions et les violences grâce à un réseau de journalistes équipés de smartphones faisant remonter les informations. Leur page Facebook compte aujourd’hui plus de 47 000 abonnés et constitue l’une des rares publications d’informations crédibles directement collectées et vérifiées à l’intérieur du pays.
Le 12 mars dernier, à l’occasion de la journée mondiale contre la cyber-censure, RSF avait débloqué le site Iwacu, l’un des derniers médias libres du Burundi rendu inaccessible depuis octobre 2017. Jean Bigirimana, journaliste pour cet hebdomadaire indépendant, est porté disparu depuis le 22 juillet 2016. Selon plusieurs témoins, il avait été enlevé par le service national de renseignement (SNR). Depuis, les autorités n’ont depuis jamais communiqué sur sa disparition.
Le Burundi (159è) occupe toujours les bas-fonds du classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.