"Pendant que les débats du procès en appel de Sandra Muhoza reprennent sur ordre des autorités judiciaires, la détention arbitraire de la journaliste continue, déjà plus d’un an après son incarcération."
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 30 avril 2025.
Alors que le jugement en appel de la journaliste burundaise Sandra Muhoza était attendu le 26 avril, la cour d’appel a décidé de rouvrir les débats pour statuer sur l’incompétence du premier juge. Reporters sans frontières (RSF) craint une stratégie visant à ralentir le traitement du dossier, plus d’un an après son incarcération et appelle à la libération immédiate de la journaliste.
Surprise générale à Bujumbura. Alors que la défense de Sandra Muhoza s’attendait à connaître le jugement du procès en appel de la journaliste burundaise, la Cour d’appel a finalement ordonné la réouverture des débats. La raison ? Les juges souhaitent statuer sur la question de la compétence territoriale du premier juge, situé à Bujumbura, le lieu de détention de Sandra Muhoza, et non à Ngozi au nord du pays, lieu de résidence de la journaliste et où la supposée infraction aurait été commise.
Si l’examen de cette question pourrait constituer une avancée vers la justice – l’incompétence du premier juge entraînant de facto l’annulation de tous les actes judiciaires posés dans le dossier et, par conséquent, la levée du mandat d’arrêt – il est à craindre qu’il soit, en fait, utilisé pour repousser à nouveau la fin de ce procès. Contacté par RSF, l’un des avocats de Sandra Muhoza, Prosper Niyoyankana, y voit, en effet, une façon de ralentir le traitement du dossier : “Cette question avait été soulevée devant le premier juge, qui n’y avait accordé aucune attention. Le juge d’appel ne l’avait pas non plus relevé pendant les débats”, explique-t-il.
En outre, cette réouverture des débats intervient dans un procès en appel marqué par trois reports pour des motifs douteux, voire fallacieux, tel “l’indisponibilité du véhicule” qui devait conduire la journaliste de la prison au tribunal, faute de carburant. L’audience du procès en appel s’était finalement tenue le 26 mars. Le ministère public avait alors dévoilé de nouvelles accusations sans preuves solides, alléguant l’existence de contacts entre la journaliste et un activiste, ainsi qu’avec des médias en exil, selon ses avocats.
« Pendant que les débats du procès en appel de Sandra Muhoza reprennent sur ordre des autorités judiciaires, la détention arbitraire de la journaliste continue, déjà plus d’un an après son incarcération. Le motif justifiant cette réouverture des débats est surprenant, car cette question de la territorialité n’a jamais été traitée de façon sérieuse auparavant. Les lenteurs judiciaires chroniques dans cette affaire laissent craindre une stratégie visant à ralentir un peu plus le traitement du dossier de cette journaliste qui n’aurait jamais dû être arrêtée pour son travail. Aujourd’hui, les juges ont une dernière occasion de montrer que ce dossier est judiciaire et non politique. »
Sadibou Marong, Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF
Détenue depuis le 18 avril 2024, Sandra Muhoza avait été condamnée en décembre 2024 à 21 mois de prison – 18 mois pour “atteinte à l’intégrité du territoire national” et trois pour “aversion raciale” – pour avoir relayé, dans un groupe WhatsApp, une information concernant une distribution présumée d’armes par le gouvernement en place.
RSF avait saisi en mars 2025 la rapporteuse spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique au sein de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP).