« L’emprisonnement d’un journaliste pour diffamation porte non seulement atteinte à ses droits, mais également à la liberté de l’information en général, en raison de l’autocensure que de telles mesures entraînent. »
Au Cameroun, trois journalistes, accusés de diffamation, sont actuellement derrière les barreaux, Reporters sans frontières dénonce le musèlement de la presse dans le pays et exhorte le gouvernement à dépénaliser les délits de presse.
Guy Nsigué, reporter pour le site internet mboafootball.com et la Radio Sport Info (RSI) a été interpellé, mardi 21 octobre, par les hommes du secrétariat à la Défense, le quartier général de la gendarmerie camerounaise. Le même jour, Zacharie Ndiomo, le directeur de publication du bimensuel Le Zénith, était déféré à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé après son audience avec le procureur. Amungwa Tanyi Nicodemus, directeur de publication de l’hebdomadaire The Monitor, est lui incarcéré depuis le 29 mars dans une prison de Bamenda, dans le nord-ouest du Cameroun. Tous trois sont visés par des plaintes en diffamation pour des articles publiés dans leurs médias respectifs.
« Ces trois affaires mettent en évidence les contradictions d’un régime qui se veut démocratique tout en ne respectant pas ses propres lois et en mettant le quatrième pouvoir derrière les barreaux, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. L’emprisonnement d’un journaliste pour diffamation porte non seulement atteinte à ses droits, mais également à la liberté de l’information en général, en raison de l’autocensure que de telles mesures entraînent. Nous appelons les autorités camerounaises à libérer Guy Nsigué, Zacharie Ndiomo et Amungwa Tanyi Nicodemus sans plus tarder ».
Guy Nsigué a été arrêté devant le secrétariat à la Défense, piégé par une source qui lui avait donné rendez-vous. Le journaliste est actuellement en garde à vue pour avoir accusé dans un article Joseph Owona, le président du Comité de normalisation de la fédération camerounaise de football, de malversations financières.
Zacharie Ndiomo a été arrêté le 13 octobre, suite à une plainte en diffamation déposée par Urbain Ebang Mve, le secrétaire général du ministère des Finances. La dernière édition du Zénith avait publié un article intitulé « Enrichissement illicite : Urbain Noël Ebang Mve aux portes de la prison ». L’épouse de Zacharie Ndiomo rapporte qu’elle n’a pas pu lui rendre visite ni lui apporter ses médicaments depuis son transfert à la prison de Kondengui.
Amungwa Tanyi Nicodemus a lui été reconnu coupable de diffamation contre le réseau d’établissement de microfinance Cameroon Co-operative Credit Union League, pour une série d’articles publiés dans The Monitor dans lesquels il dénonçait les pratiques corrompues de l’institution. Le 10 mars 2014, il a été condamné à quatre mois de prison et 10 millions de francs CFA (soit 15 000 euros) de dommages et intérêts – une amende supérieure à celle prévue par le code pénal camerounais. Incapable de payer cette somme, Amungwa Tanyi Nicodemus est toujours derrière les barreaux.
Ces arrestations et condamnations violent les lois nationales camerounaises. D’après l’article 305 du code pénal camerounais, la diffamation peut entraîner jusqu’à six mois de prison et une amende de deux millions de francs CFA (quelque 3 000 euros). De plus, selon l’article 218 du code de procédure pénale, si l’inculpé peut justifier d’un domicile connu, la détention provisoire n’est légale qu’en cas de crime. Or ces journalistes sont aujourd’hui derrière les barreaux.
Ironiquement, le Cameroun accueillera, les 29 et 30 octobre 2014 à Yaoundé, un séminaire organisé par l’Union des syndicats et professionnels de la presse et de la communication de l’Afrique centrale (USYPAC) sur la dépénalisation des délits de presse.
Le Cameroun est classé 131ème sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2014 établi par Reporters sans frontières.