(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières se fait l’écho d’Hubert Sauper, réalisateur et producteur du « Cauchemar de Darwin », qui dénonce une « campagne d’intimidation » du gouvernement tanzanien à l’encontre des personnes qui ont témoigné dans le film. L’organisation condamne notamment les pressions exercées sur Richard Mgamba, journaliste d’investigation du quotidien indépendant « The Citizen » à Mwanza (Nord). « Le […]
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières se fait l’écho d’Hubert Sauper, réalisateur et producteur du « Cauchemar de Darwin », qui dénonce une « campagne d’intimidation » du gouvernement tanzanien à l’encontre des personnes qui ont témoigné dans le film. L’organisation condamne notamment les pressions exercées sur Richard Mgamba, journaliste d’investigation du quotidien indépendant « The Citizen » à Mwanza (Nord).
« Le chantage à la citoyenneté utilisé par le gouvernement tanzanien contre des journalistes est indigne. Outre que ce procédé est insultant à l’endroit d’un citoyen, il constitue une forme de vengeance arbitraire et scandaleuse à l’endroit d’un journaliste qui n’a fait qu’user du droit à la libre expression garanti par la Constitution. Nous demandons aux autorités tanzaniennes d’arrêter de harceler Richard Mgamba et les autres témoins du film », a déclaré Reporters sans frontières.
« Les autorités, qui menacent de me déporter au Kenya, enquêtent sur moi depuis deux semaines. Elles veulent me déchoir de ma nationalité, alors que je suis né en Tanzanie de parents tanzaniens », a expliqué le journaliste, joint au téléphone depuis Mwanza, par Reporters sans frontières.
« Ce procédé a déjà été utilisé en 2003 contre Generali Ulimwengu, l’un de nos journalistes les plus connus et président du groupe de presse Habari Corporation, et tout récemment à Zanzibar contre Ali Mohammed Nabwa, rédacteur en chef consultant de l’hebdomadaire privé « Fahamu ». En attendant le résultat de l’enquête, il m’est interdit de quitter Mwanza », a ajouté M. Mgamba.
Le 4 août, tandis qu’une manifestation populaire avait été orchestrée à Mwanza contre le « Cauchemar de Darwin », sous la direction des autorités et de la police locale, Richard Mgamba avait dû quitter la ville pour Dar es Salaam en urgence.
« J’ai été traité de mercenaire engagé par les médias occidentaux pour peindre un tableau négatif de l’économie du pays », a rapporté le journaliste, qui a fait une courte apparition dans le film pour donner son avis sur le commerce entre l’Afrique et les pays occidentaux, et qui a aidé Hubert Sauper à traduire du swahili à l’anglais les interviews.
« Je me suis défendu par voie de presse et je suis prêt à le faire aussi, s’il y a lieu, devant la justice. Cette procédure engagée contre moi est un exemple des instruments répressifs illégalement mis en oeuvre par le pouvoir contre la liberté d’expression. Il me semble qu’en terme de démocratie, nous régressons », a ajouté M. Mgamba.
Le président tanzanien, Jakaya Kikwete, a récemment critiqué le film qu’il qualifie de « provocant », selon le quotidien « Daily News », l’accusant de donner une image négative du commerce de la perche du Nil auprès des pays occidentaux. « Le président de la délégation de l’Union européenne en Tanzanie, quand je l’ai interviewé, m’a assuré que l’impact du film avait été minime sur les importations européennes de poisson », rétorque le journaliste.
Raphaël Tukiko, un veilleur de nuit qui témoigne dans le film, a également prévenu Hubert Sauper qu’il était menacé d’arrestation et qu’il devait se tenir à la disposition des autorités.
Sorti sur les écrans en 2005, le « Cauchemar de Darwin » dénonce les effets pervers de la mondialisation, l’exploitation à outrance des ressources naturelles et la misère humaine autour du lac Victoria, en suggérant que les avions de l’aide humanitaire sont détournés pour le trafic d’armes dans la région des Grands Lacs.
« Je n’ai certainement pas voulu faire un film contre ce pays que j’adore, d’autant plus que les problèmes évoqués ne sont pas seulement ceux du gouvernement tanzanien, mais concernent aussi les pays occidentaux, puisque nous sommes dans un contexte mondialisé », selon Hubert Sauper, joint au téléphone par Reporters sans frontières. « C’est cauchemardesque de savoir que des gens sont en danger pour avoir participé à mon film ».