"Il est très positif que le président Petro implique directement son cabinet dans le traitement des graves attaques visant les professionnels des médias. Cela permettra à l'État de réagir rapidement pour sauver des vies et d'envoyer un message clair aux agresseurs dans tout le pays sur la lutte contre l'impunité des violences commises contre les journalistes."
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 21 août 2024.
Reporters sans frontières (RSF) s’est joint à son partenaire colombien la Fondation pour la liberté de la presse (FLIP) lors d’une rencontre avec le président colombien Gustavo Petro, le 20 août à Bogota. Affirmant sa volonté d’agir de manière ferme, celui-ci s’est engagé à ouvrir un canal de communication avec les deux organisations afin que l’État traite rapidement les graves cas d’attaque qui visent les journalistes dans le pays.
Ce mardi 20 août, RSF et la FLIP ont été reçus par Gustavo Petro au palais présidentiel dans la capitale colombienne. Les deux organisations ont plaidé en faveur d’une lutte plus efficace contre l’impunité des crimes contre les journalistes, rappelant que cinq journalistes ont été assassinés depuis le début de son mandat en août 2022 – dont deux qui étaient pourtant sous la protection de l’État.
Le président colombien a reconnu l’importance de traiter rapidement les cas de violence envers les journalistes et a déclaré : “Les enquêtes sur la violence envers la presse exigent une action décisive de la part de l’État.” Il s’est donc engagé auprès des deux organisations à créer un canal de communication direct avec elles, afin que la présidence puisse gérer ces situations en urgence. Un canal d’alerte qui doit permettre une meilleure coordination entre le bureau du président, l’Unité nationale de protection (UNP) – qui met en œuvre la politique de protection de l’intégrité des personnes menacées en Colombie –, et le ministère de la Défense, pour mener des actions urgentes de protection et d’enquête, et travailler avec les procureurs pour donner la priorité à ces dossiers.
Le président a également réitéré sa demande auprès de l’UNP de garantir une réponse rapide dans les cas les plus graves – 164 journalistes sont actuellement sous la protection de l’État colombien. L’UNP devrait donc commencer prochainement la mise à jour de son protocole de traitement des journalistes, qui date de 2016.
“Il est très positif que le président Petro implique directement son cabinet dans le traitement des graves attaques visant les professionnels des médias. Cela permettra à l’État de réagir rapidement pour sauver des vies et d’envoyer un message clair aux agresseurs dans tout le pays sur la lutte contre l’impunité des violences commises contre les journalistes, qui menacent le droit à l’information dans le pays.”
Artur Romeu, Directeur du bureau Amérique latine de RSF
Lors de ce rendez-vous, RSF et la FLIP ont pointé les terribles conséquences de ces violences et de cette impunité qui conduisent au développement de zones de non-information, privant la population de son droit à l’information. Elles ont également alerté sur les risques que les discours stigmatisants de la part de hauts fonctionnaires font courir aux professionnels des médias, notamment en conduisant à une banalisation des épisodes de violence contre les journalistes à travers le pays.
Deux journalistes tués et 330 atteintes à la liberté de la presse depuis janvier
Depuis le début de l’année, RSF a recensé deux journalistes tués pour avoir exercé leur mission d’information en Colombie, et la Fondation pour la liberté de la presse (FLIP) y a enregistré 330 autres atteintes à la liberté de la presse, dont 133 cas de menaces, 43 cas d’attaques verbales et 11 agressions physiques. Sur l’ensemble des attaques, 81 ont été perpétrées par des fonctionnaires et 69 par des groupes armés, ce qui révèle la complexité de la lutte contre ce phénomène croissant dans ce pays, qui est l’un des plus dangereux d’Amérique latine pour les journalistes.
L’ensemble de la Colombie est touché par ces violences. Selon les données de la FLIP, des attaques ont été perpétrées dans 21 des 32 départements du pays par des groupes armés. Ceux-ci exercent des pressions sur les journalistes, les intimident ou s’immiscent dans la ligne éditoriale de leurs médias. Les journalistes sont particulièrement visés, contraints de se taire ou entravés dans leur travail lorsque des conflits territoriaux éclatent entre groupes armés.
La coordinatrice du plaidoyer de RSF pour l’Amérique latine, Bia Barbosa, était présente lors de cette rencontre avec le président Petro, aux côtés du directeur exécutif de la FLIP, Jonathan Bock, accompagné de membres du conseil de la fondation, du directeur de l’UNP, Augusto Rodriguez Ballesteros, du ministre des Technologies de l’information et des Communications, Mauricio Lizcano, de la directrice du département administratif de la présidence de la République, Laura Sarabia, et de représentants du secrétariat à la communication et du ministère de la défense.
La Colombie occupe actuellement la 119e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024.