Reporters sans frontières (RSF) est scandalisée par le verdict du tribunal militaire de Yaoundé, qui condamne le journaliste camerounais Ahmed Abba, correspondant de RFI, à 10 ans de prison et une lourde amende pour “blanchiment du produit d’un acte terroriste”.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 25 avril 2017.
Reporters sans frontières (RSF) est scandalisée par le verdict du tribunal militaire de Yaoundé, qui condamne le journaliste camerounais Ahmed Abba, correspondant de RFI, à 10 ans de prison et une lourde amende pour “blanchiment du produit d’un acte terroriste”.
Le 24 avril, le juge du tribunal militaire de Yaoundé a rendu son verdict dans le procès du correspondant en langue hausa de RFI au Cameroun, Ahmed Abba. Après une 18e comparution, le journaliste a été condamné à 10 ans d’emprisonnement ainsi qu’à une amende de 55 millions CFA (environ 85 000 euros).
“Cette condamnation est scandaleuse, déclare Clea Kahn-Sriber, responsable du Bureau Afrique de Reporters sans frontières. Après tant de mois de harcèlement judiciaire, le journaliste se retrouve condamné à une peine totalement disproportionnée, alors que l’accusation n’a pas su présenter une seule preuve tangible. Il s’agit d’une décision éminemment politique destinée à effrayer tous les journalistes et plus particulièrement ceux qui souhaiteraient couvrir la question de la sécurité dans le nord du Cameroun.”
Ahmed Abba avait été arrêté le 30 juillet 2015 en lien avec sa couverture des attaques du groupe terroriste Boko Haram. Il avait passé sept mois détenu au secret durant lesquels il avait subi des sévices, avant d’être finalement présenté à un juge le 29 février 2016. Depuis, les demandes de libération sous caution de ses avocats ont été systématiquement ignorées lors des 17 audiences de son procès.
Le journaliste devra donc purger une peine de 10 ans de prison. Ce dernier a déjà passé 20 mois en détention dans l’attente de ce verdict inique. Les avocats du journaliste ont immédiatement annoncé leur intention de faire appel.
RFI a publié un communiqué officiel se disant “consternée par le verdict” et rappelant qu’elle avait apporté des “preuves irréfutables” démontrant que la production journalistique d’Ahmed Abba était irréprochable.“Cette condamnation est celle d’un journaliste qui n’a fait qu’exercer son métier”, a déclaré Cécile Mégie, directrice de RFI .
Les avocats du journaliste ont régulièrement dénoncé au cours du procès les failles de procédures, notamment les abus du procureur lors de l’audience du 6 avril, ou l’irrecevabilité des rapports d’expertise commandés par l’accusation.
Lors de la précédente audience, le 20 avril, Ahmed Abba avait été reconnu non coupable d’apologie du terrorisme. Il a néanmoins été reconnu coupable de “non-dénonciation” et “blanchiment du produit d’un acte terroriste”. La prison à perpétuité avait été requise pour cette dernière charge. Pour rappel, les accusations de non-dénonciation se basent sur une visite d’une localité attaquée par Boko Haram où le journaliste était accompagné des autorités locales qui ont donc découvert les lieux en même temps que lui. Quand à l’accusation de “blanchiment du produit d’un acte terroriste”, il n’est fondé que sur des éléments peu tangibles et datant de 2010.
Le Cameroun occupe la 126ème place sur 180 pays au Classement mondial 2016 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.