L’organe recommande la réhabilitation de Rocil Otouna sans délai et dénonce dans ses conclusions “l'interventionnisme”, les “mesures arbitraires” et la “censure exacerbée” de la part de l’autorité de tutelle sur la télévision publique congolaise.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 13 mai 2020.
A l’instar de l’organe de régulation des médias qui a rendu ses conclusions, Reporters sans frontières (RSF) demande la réhabilitation d’un journaliste injustement écarté de la télévision publique congolaise après l’interview d’un ministre sur le coronavirus.
Les téléspectateurs de Télé Congo vont-ils revoir Rocil Otouna à l’antenne? L’un des présentateurs phares des journaux de la chaîne publique congolaise a été discrètement congédié à la suite d’une émission qu’il animait sur le coronavirus le jeudi 30 avril. Au cours des débats, le journaliste avait interrogé le ministre de la Justice sur le manque d’informations concernant les personnes malades ou guéries du coronavirus, sur la contradiction entre les chiffres du gouvernement et ceux donnés par le président de la République concernant le nombre de cas ou encore sur les conséquences économiques et sociales du confinement. Le journaliste n’est plus apparu à l’antenne depuis cette émission. Plusieurs médias congolais ont alors évoqué une suspension consécutive à cette interview.
Dans un communiqué, le ministère de la Communication avait par la suite démenti une quelconque sanction, semant la confusion. Les informations recueillies par RSF auprès de plusieurs sources indiquent pourtant que le journaliste a bel et bien été écarté et que la décision lui a été communiquée de manière orale, sans doute pour ne pas laisser de traces. Le 3 mai, à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, une présentatrice de Télé Congo avait même interpellé Philippe Mvouo, président du Conseil supérieur de la liberté de communication (CSLC) sur la sanction visant son collègue. Le dirigeant de l’organe de régulation des médias avait alors indiqué que cette affaire serait examinée. Après enquête et auditions, le CSLC indique très clairement que le journaliste a bien été suspendu de la présentation des journaux. L’organe recommande sa réhabilitation sans délai et dénonce dans ses conclusions “l’interventionnisme”, les “mesures arbitraires” et la “censure exacerbée” de la part de l’autorité de tutelle sur la télévision publique congolaise.
“Les informations recueillies par RSF rejoignent les conclusions de l’organe de régulation des médias et il est indéniable que le journaliste a fait l’objet d’une sanction à la suite d’une interview qu’il a conduite avec ce ministre sur la gestion de l’épidémie de coronavirus par les autorités congolaises, constate Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. La bataille contre le coronavirus ne se gagnera pas en écartant un journaliste qui se fait l’écho de préoccupations légitimes. Il n’y a pas de mauvaises questions. Ce journaliste n’a commis aucune faute et sa mise à l’écart est complètement injustifiée. Il doit être réhabilité et pouvoir retrouver son poste sans délai.”
Dans sa décision l’organe de régulation demande également l’arrêt des menaces et intimidations contre les journalistes et rappelle “l’absence de faits prouvant la participation de Vox TV à une campagne de dénigrement ou d’intoxication contre le ministre de la Communication et des médias ou sapant l’action du gouvernement contre le Covid-19”. Dans son communiqué sur l’affaire Rocil Otouna, le ministère de la Communication s’en était pris à cette chaîne de télévision privée, l’une des plus populaires du pays, l’accusant de relayer des “informations fantaisistes” et d’avoir créé un visuel de soutien pour Rocil Otouna à la suite de sa mise à l’écart.
La République du Congo occupe la 118e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.