Raymond Malonga, dessinateur de presse bien connu au Congo et directeur de publication de "Sel-Piment", un journal satirique très critique du pouvoir, a été arrêté par des hommes en civil sur son lit d’hôpital.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 5 février 2021.
Poursuivi pour de simples faits présumés de diffamation, un directeur de publication a été arrêté alors qu’il était hospitalisé. Reporters sans frontières (RSF) dénonce des méthodes iniques, une détention illégale, et demande sa libération immédiate.
Difficile d’y voir autre chose qu’une mesure de représailles ciblées. Raymond Malonga, dessinateur de presse bien connu au Congo et directeur de publication de Sel-Piment, un journal satirique très critique du pouvoir, a été arrêté par des hommes en civil sur son lit d’hôpital, mardi 2 février.
Selon les informations obtenues par RSF, le journaliste était hospitalisé pour une crise de paludisme dans une clinique située près de son domicile de Brazzaville lorsque des agents de la Centrale d’intelligence et de documentation (CID, ex-DGST), ont débarqué pour l’interpeller. Il est actuellement détenu dans un espace dédié aux personnes placées en quarantaine en raison de l’épidémie de Covid-19 à la maison d’arrêt de la capitale du pays. Cette arrestation ferait suite à des convocations que le journaliste n’aurait pas honorées.
A l’origine de cette affaire, la reproduction, par le journaliste dans l’édition du 18 janvier de Sel-Piment, d’un article du site Sacer Infos Congo qui relatait des accusations de détournements de fonds de la part de Georgette Okemba, la femme de Jean-Dominique Okemba, dit “JDO”. Ce dernier est le neveu du président Denis Sassou Nguesso, qui cumule 36 années au pouvoir et qui est en lice pour un nouveau mandat à l’occasion de l’élection présidentielle prévue le 21 mars. Très puissant de par sa proximité avec le chef de l’Etat, il dirige le Conseil national de sécurité du Congo, qui coiffe l’ensemble de services civils et militaires du pays.
“Faire arrêter un journaliste sur son lit d’hôpital par des services de renseignements pour de simples faits présumés de diffamation comme s’il s’agissait d’un dangereux terroriste témoigne clairement du caractère politique et punitif de cette décision, dénonce le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. Les textes au Congo sont très clairs : ils n’autorisent pas la détention de journalistes pour de simples faits de diffamation lorsque ces derniers n’ont pas déjà fait l’objet d’une condamnation définitive. A quelques semaines de la présidentielle, cette arrestation envoie un signal très négatif et confirme la grande fragilité de l’environnement dans lequel évoluent les journalistes congolais. RSF demande la libération de ce journaliste dans le respect des textes en vigueur.”
RSF a également appris, auprès de plusieurs sources, que Sel-Piment a fait l’objet d’une mesure conservatoire de la part du Conseil supérieur de la liberté de communication (CSLC). Contacté à plusieurs reprises, l’organe de régulation des médias n’a pas répondu aux sollicitations de notre organisation concernant cette décision et l’arrestation de Raymond Malonga.
Si les détentions de journalistes restent relativement peu fréquentes au Congo, elles prennent parfois une coloration très politique et reflètent l’hostilité très forte du régime contre les journalistes les plus acerbes du pays. Les circonstances de l’arrestation de Raymond Malonga rappellent tristement celles du directeur de l’hebdomadaire indépendant Talassa Ghys Fortuné Bemba dont la publication avait été suspendue à la veille de son arrestation par les services de renseignement le 11 janvier 2017. Le journaliste avait été libéré après 18 mois de détention au terme d’une intense campagne de mobilisation, notamment menée par RSF. A sa sortie de prison, il avait dû quitter son pays pour des raisons de sécurité. Dans son livre De l’enfer à la liberté publié en 2019, il témoignait des conditions déplorables dans lesquelles il avait été détenu : placement à l’isolement complet sans possibilité de parler avec les gardiens, absence de toilettes, d’eau et d’électricité dans sa cellule, privation de nourriture…
Le Congo occupe la 118e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2020 par RSF.