Les huit journalistes et professionnels des médias travaillaient sur des sujets sensibles comme la vente d’armes par la France à l’Arabie saoudite ou des protagonistes en lien avec l’affaire Benalla.
En l’espace de quelques semaines, huit journalistes et professionnels des médias enquêtant sur des sujets sensibles ainsi que l’administrateur d’un grand journal ont été convoqués par les services de renseignement. Geoffrey Livolsi, Mathias Destal et Michel Despratx du site d’investigation Disclose, Ariane Chemin du journal Le Monde ainsi que Louis Dreyfus le Président du directoire du quotidien, Benoît Collombat de France inter mais aussi Valentine Oberti et un JRI et un preneur de son de Quotidien, ont été convoqués par la DGSI et pour certains entendus. Tous travaillaient sur des sujets sensibles comme la vente d’armes par la France à l’Arabie saoudite ou des protagonistes en lien avec l’affaire Benalla.
“Il faut craindre qu’avec ces convocations les autorités cherchent à intimider les journalistes et leurs rédactions et à identifier leurs sources de manière à les sanctionner ou à les dissuader,” déclare Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Le journalisme d’investigation est aujourd’hui en danger en France car il subit des attaques et notamment la menace de procédures judiciaires. Si dans un pays le secret des sources n’est pas garanti, s’il est fragilisé par des actions comme celles-ci, les citoyens seront privés de leur droit à avoir des informations non officielles . Face à cette stratégie d’intimidation des médias à l’oeuvre dans les services de la sécurité intérieure, RSF demande au gouvernement de fournir des explications.”
Il faut remonter à 2017 pour trouver des affaires similaires avec les convocations d’Edwy Plenel de Mediapart et Clément Fayol accusés d’avoir publié un document secret défenseur l’action de la France au Tchad. La même année, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, journalistes au Monde, avaient eux aussi été convoqués par la DGSI au sujet d’un article ancien évoquant un possible bombardement de bases militaires du régime de Bachar al-Assad.
En 2006, des journalistes de Midi libre avaient été perquisitionnés et poursuivis pour recel de violation du secret professionnel car ils avaient cité un rapport critiquant la gestion du conseil régional, dont une copie avait été retrouvée dans les locaux du journal. En 2005, les rédactions du Point et de L’Equipe avaient reçu simultanément la visite de deux juges d’instruction, accompagnées de plusieurs policiers, pour perquisitionner les ordinateurs, après la publication d’écoutes téléphoniques dans le cadre d’une affaire de dopage au sein de l’équipe Cofidis.
Dans ces deux affaires, la Cour européenne des droits de l’homme avait condamné la France, en estimant que ces perquisitions étaient disproportionnées et violaient l’article 10 de la convention des droits de l’homme, qui consacre la liberté d’expression.
Enfin pour rappel, une tentative de perquisition a eu lieu au siège de Mediapart, lundi 4 février 2019, après la publication d’articles sur des enregistrements d’Alexandre Benalla l’ex-conseiller de l’Elysée. Des perquisitions ne sauraient porter atteinte au secret des sources, acquis fondamental de la profession, inscrit dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui permet au journaliste d’assurer sa mission d’intérêt public en révélant des informations parfois dérangeantes sans craindre de mettre en danger ses informateurs. La loi affirme que les journalistes ne sont “en aucun cas” obligés de révéler leurs sources.
La France occupe aujourd’hui la 32e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2019 de RSF.