Mai 2023 en Afrique. Tour d'horizon de la liberté d’expression, réalisé sur la base des rapports des membres de l'IFEX et des nouvelles de la région par Reyhana Masters, rédactrice régionale de l'IFEX
Ceci est une traduction de la version originale de l’article.
Mai a été un mois sombre pour le continent africain, avec la fusillade mortelle pour le journaliste camerounais Anye Nde Nsoh, suivie du meurtre de l’animateur de radio de culture basotho Ralikonelo « Leqhashasha » Joki une semaine plus tard.
Anye Nde Nsoh, 26 ans, animateur populaire de radio, a été abattu devant un bar à Bamenda, le chef-lieu du nord-ouest du Cameroun. Nsoh est le troisième journaliste tué au Cameroun cette année. En janvier, le corps mutilé du journaliste d’investigation Martinez Zogo a été retrouvé dans une banlieue de Yaoundé et le corps du présentateur de radio Jean-Jacques Ola Bebe, qui a reçu une balle au visage, a été retrouvé devant son domicile.
[ Traduction : Cameroun : le journaliste Anye Nde Nsoh a été abattu récemment. Il est le troisième professionnel des médias à être tué au Cameroun cette année. ]
Bien qu’il soit difficile de déterminer si son meurtre était lié à son travail, les spéculations vont bon train sur le fait que sa mort est liée au conflit en cours entre les troupes gouvernementales camerounaises et les séparatistes dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest. Des articles des médias du pays, ainsi que du Committee to Protect Journalists (CPJ) et de International Press Institute (IPI), font référence à une déclaration video du chef d’une faction séparatiste selon laquelle le journaliste a été abattu parce qu’il aurait été confondu avec un commandant militaire.
Dans sa condamnation de ce meurtre, Audrey Azoulay, directrice générale de l’UNESCO, rappelle que « les journalistes travaillant dans et autour des conflits doivent être protégés conformément au droit international humanitaire ».
Le meurtre de Joki a choqué la confrérie médiatique du Lesotho et a suscité une réponse rapide des autorités sous la forme d’un couvre-feu national. La section du Lesotho de l’Institut des médias d’Afrique australe (MISA) a exprimé sa consternation face à son assassinat, qui va « à l’encontre de la liberté d’expression et de celle de la presse ».
[Traduction : #MediaAlert @NewMisa_Lesotho DÉCLARATION SUR LE MEURTRE DE M. RALIKONELO ‘LEQHASHASHA’ JOKI, PRÉSENTATEUR DE TSENOLO FM QUI A ÉTÉ ABATTU DE SANG FROID DANS LA NUIT DU DIMANCHE 14 MAI 2023 #JournalismUnderAttack #JournalismIsNotACrime ]
La directrice générale Audrey Azoulay a exhorté les autorités à enquêter sur le crime et à demander des comptes aux personnes impliquées.
« Les attaques violentes contre les journalistes ne doivent pas être utilisées pour les décourager de mener à bien leur travail fondamental, sur lequel repose toute la société. »
En évoquant le meurtre de Joki, The Africa Report a souligné que « trop souvent, ceux qui disent la vérité au pouvoir sont assassinés, avec une impunité désinvolte. Ceci encourage alors de nouvelles attaques contre les journalistes, les défenseurs des droits humains et les dirigeants de l’opposition à travers le continent.
La dure loi anti-gay ougandaise met la lutte contre le VIH « en grave danger »
La discrimination à l’encontre de la communauté LGBTQI+ en Ouganda est encore plus enracinée, après que le président Yoweri Museveni a approuvé la loi anti-homosexualité de 2023 ce mois-ci. Comme l’explique Human Rights Watch : « La nouvelle loi crée de nouveaux délits tels que le vague « promotion de l’homosexualité » et introduit la peine de mort pour plusieurs actes considérés comme relevant de « l’homosexualité aggravée ». Elle augmente également la peine de prison pour toute tentative de « comportement de même sexe » à 10 ans.
[ Traduction : La loi anti-homosexualité d’#Ouganda continuera non seulement à criminaliser les minorités sexuelles et de genre dans le pays, mais aussi les médias, les organisations de la société civile et les artistes, entre autres, qui s’expriment sur les questions #LGBTQI+. ]
La condamnation régionale et internationale a été rapide. La directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Banyama, a expliqué comment la promulgation de cette nouvelle loi entrainera un relâchement dans la lutte contre le VIH/sida, car « les personnes vivant avec le VIH qui se trouvent être également des femmes homosexuelles ou transgenres seront davantage discriminées, il y aura encore plus de discrimination , elles seront exclues de l’accès aux services qui pourraient leur sauver la vie. »
Dans sa déclaration conjointe avec le PEPFAR (le Plan d’urgence du président des États-Unis pour la lutte contre le sida), l’ONUSIDA a félicité l’Ouganda pour son leadership dans la lutte contre le sida jusqu’ici et a souligné qu’avec la nouvelle loi, « les progrès de l’Ouganda dans sa lutte contre le VIH sont désormais gravement menacés. »
Prix de l’impact pour le directeur exécutif de la MFWA
La Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest a eu de nombreuses occasions de célébration en mai, lorsque son directeur exécutif Sulemana Braimah a été nommé lauréat 2023 du prestigieux Prix James and Carol Hovey Eisenhower Fellowships Impact.
[ Traduction : Le directeur exécutif de @TheMFWA Sulemana Braimah @sulemana nommé récipiendaire 2023 du très convoité Prix Eisenhower Fellows’ Impact pour la création réussie de @TheFourthEstate au Ghana : ]
Ce prix lui est attribué en reconnaissance de son travail important dans la mise en place de l’initiative de journalisme d’investigation au Ghana : The Fourth Estate. Braimah a conceptualisé l’idée de créer une équipe de journalisme d’intérêt public à but non lucratif pour tenir le gouvernement redevable durant son séjour en tant que boursier Eisenhower aux Etats-Unis en 2019.
Deux ans après son retour au pays, Braimah a réussi à mobiliser les ressources nécessaires pour créer le bien nommé The Fourth Estate (Le quatrième pouvoir), qui « s’est imposé comme une plateforme de premier plan pour un journalisme d’investigation crédible et d’intérêt public au Ghana ». La présence de The Fourth Estate dans le paysage médiatique ghanéen a eu un impact. Une analyse approfondie des déclarations de patrimoine par les titulaires de mandats publics, comme l’exige la loi, a conduit 294 politiciens à déclarer leurs biens personnels.
La Convention des médias d’Afrique adopte la Déclaration de Lusaka
La deuxième Convention des médias africains convoquée par le réseau Southern African Editors, en collaboration avec le Media Liaison Committee et avec le soutien de l’UNESCO, s’est tenue à Lusaka du 11 au 13 mai.
Elle a réuni plus de 300 délégués, dont des experts des médias, des universitaires, des étudiants, des journalistes, des syndicats et associations de journalistes, des rédacteurs en chef des médias publics et privés, et d’autres acteurs des médias de tout le continent.
[ Traduction : Début de la 2ème Convention africaine des médias à Lusaka, Zambie. Rassemblement des médias africains pour réfléchir sur l’état des médias, partager les leçons sur l’amélioration du rôle des médias dans le développement et comment protéger les droits des médias et de la liberté d’expression. @IMSforfreemedia @MISARegional @Sida ]
- Une session organisée par la Collaboration sur la politique internationale des TIC pour l’Afrique orientale et australe (CIPESA- Collaboration on International ICT Policy for East and Southern Africa) a dévoilé les défis auxquels les journalistes sont confrontés, alors qu’ils s’efforcent de pratiquer un bon journalisme dans un environnement en évolution rapide, de maintenir leur visibilité en ligne, tout en respectant les principes et l’éthique journalistiques.
- Parlant de la prolifération de la désinformation et de la mésinformation, Soren Johannsen, directeur national de BBC Media Action pour la Zambie, a souligné que les initiatives de vérification des faits « ne devraient pas simplement essayer de corriger et de vérifier, mais aider les utilisateurs à comprendre d’où proviennent les fausses informations, leur motivation et les conséquences. »
- Constatant les attaques continues contre les médias, les participants ont souligné la nécessité de mettre en œuvre le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes.
- A l’issue de la conférence, les participants ont adopté la Déclaration de Lusaka,qui met l’accent sur les principaux problèmes qui assaillent le continent, tels que la législation contraignante, l’augmentation des attaques contre les médias, la criminalisation du journalisme par les lois sur la cybercriminalité, ainsi que des problèmes de surveillance et d’interception des communications.
- Comme l’a rapporté Media Rights Agenda, la déclaration a également « souligné les défis uniques auxquels sont confrontées les femmes journalistes et a souligné la nécessité de dispositions qui répondent de manière adéquate à leurs préoccupations, notamment la violence en ligne, le harcèlement sexuel et l’écart de rémunération entre les sexes ».
En bref
Un syndicat pour les modérateurs de contenu : le 1er mai, Journée internationale des travailleurs, plus de 150 modérateurs de contenu africains engagés par des sociétés de sous-traitance pour travailler pour de grandes plateformes technologiques ont voté pour se syndiquer. L’initiative a été lancée par Daniel Motaung, un lanceur d’alerte qui a été licencié en 2019 après avoir tenté de créer un syndicat pendant son passage en tant que modérateur de contenu pour Sama, le sous-traitant kenyan de Meta.
Des hommes armés congolais, qui visaient le journaliste de radio Jean Christian Bafwa, ont enlevé à sa place le présentateur de radio Deogratias Dhessaba et l’ont brutalement agressé. Il a été libéré après que les hommes armés se soient rendus compte qu’ils avaient commis une erreur.
Vérification des faits et élections : en amont des élections d’octobre 2023 au Libéria, le Programme des Nations Unies pour le développement a soutenu le lancement d’un outil automatisé de vérification des faits, iVerify, qui est géré par Local Voices Liberia (LVL), un réseau de journalistes basé dans la capitale, Monrovia.
Hausse des atteintes aux droits des médias : Le dernier rapport de l’Index de la liberté de la presse publié le 23 mai par le Réseau des droits humains pour les journalistes en Ouganda (HRNJ-Ouganda) signale l’augmentation des agressions contre les journalistes dans le pays, ainsi que l’environnement hostile dans lequel ils opèrent. .
Décès d’une « rock star intellectuelle » : ses amis et ses collègues ont exprimé leur choc et leur chagrin suite au décès du journaliste radio et auteur Eusebius McKaiser. McKaiser était bien connu pour avoir dénoncé l’homophobie et mis en avant les questions de justice sociale.
[ Traduction :Faites silence. Un grand esprit est passé. Comme son homonyme, un polémiste d’excellence. Un micro retentissant s’est tu. Un stylo acéré s’est posé. Reposez-vous calmement, Eusebius McKaiser. Digne fils de notre sol. ]