ARTICLE 19 salue l'inscription par la Rapporteur Spéciale à son agenda d'activités futures la célébration du 10ème anniversaire de la Déclaration de Principes sur la Liberté d’Expression en Afrique.
(ARTICLE 19/IFEX) – Le 8 mai 2012 – Ci-dessous, la déclaration d’ARTICLE 19 à la 51ème session ordinaire de la CADHP :
Madame la Présidente de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, honorables membres de la Commission, Messieurs les Représentants des Etats parties, Chers Collègues Défenseurs Mesdames et Messieurs en vos rangs et qualités respectifs,
C’est un honneur pour ARTICLE 19 de prendre la parole en cette 51ème session ordinaire de la Commission.
Permettez avant tout propos que nous puissions vous féliciter pour le travail infatigable que votre Commission abat en matière de promotion et de protection des droits humains sur le continent africain, nos félicitations particulières vont à l’endroit de la Rapporteur Speciale sur la Liberté d’Expression en Afrique qui vient de présenter son brillant rapport d’activités retraçant les efforts que ce mécanisme spécial n’a cessé de faire pour permettre que les africains et les africaines puissent dans leurs pays respectifs, s’exprimer librement et avoir accès à l’information sans restrictions arbitraires.
Madame la Présidente, votre Commission adoptait ici même à Banjul lors de sa 34ème session ordinaire, la Déclaration de Principes sur la Liberté d’Expression en Afrique. Cet instrument d’une valeur inestimable pour les défenseurs de la liberté d’expression atteindra ses dix années d’existence en octobre prochain et il est raisonnable de s’arrêter à cette occasion pour observer le chemin parcouru, les acquis (comme l’adoption de lois sur l’accès à l’information par une poignée d’Etats Africains et la décriminalisation de certains délits de presse par quelques états africains) et les défis dans la mise en œuvre de cette déclaration.
ARTICLE 19 salue l’inscription par la Rapporteur Spéciale à son agenda d’activités futures, la célébration du 10ème anniversaire de la Déclaration de Principes sur la Liberté d’Expression en Afrique et est déjà dans une dynamique de participation à la réalisation de cette importante célébration.
En effet, il est nécessaire de marquer cet anniversaire en cette période où plus que jamais la majorité des Etats africains, comme il ressort des informations émanant des différents acteurs sur le terrain rassemblés lors des assises du forum des ONG qui a précédé la présente session, violent constamment la liberté d’expression et sont promptes à restreindre l’accès à l’information.
Pour preuve, les journalistes et défenseur(e)s des droits humains sont victimes d’arrestations, détentions illégales et arbitraires, tortures, de poursuites judiciaires, d’attaques physiques, d’ harcèlements de toutes sortes et pire, d’assassinats perpétrés par l’Etat ou par des entités privées.
Nous souhaiterions attirer l’attention de la Commission sur la situation particulière de l’Erythrée, où des dizaines de journalistes languissent en prison depuis plus d’une décennie malgré des condamnations de votre Commission, certains sont morts en prison selon nos sources.
Madame la Présidente, ARTICLE 19 est également préoccupée par le cas de l’Ethiopie, siège de l’Union africaine où des journalistes et les défenseurs(e)s des droits humains sont souvent victimes de condamnation basée sur la loi contre le terrorisme, du Soudan, où la censure continue sur des formes plus vicieuses avec des attaques contre la liberté d’expression ; de la Somalie, l’un des pays les plus dangereux pour les journalistes; on compte (4) quatre cas de journalistes tués récemment ; de la Côte d’Ivoire , du Mali, de la Guinée Bissau, où l’instabilité militaro-politique actuelle ou passée est un facteur aggravateur desdites violations qui en plus sont teintées d’une impunité sans émule. Au Nigeria des attaques mortelles et destruction d’organes de presse continuent d’être perpétrées par la secte islamiste boko harra.
Madame la Présidente, il est heureux que la Rapporteur Spéciale ait mise en lumière dans son rapport le cas de la Gambie, pays hôte de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. La situation de la liberté d’expression est inquiétante et ARTICLE 19 l’a constamment dénoncée devant votre Commission Madame la Présidente.
En effet, le bâillonnement par la violence physique et multiforme de la liberté d’expression en Gambie à culminé avec l’assassinat brutale du journaliste Deyda Hydara le 16 décembre 2004 et la disparition sans trace jusqu’à ce jour du journaliste Chief Ebrima Manneh en juillet 2006. Pour tous ces cas, ARTICLE 19 n’a jamais cessé de joindre sa voix aux autres défenseur(e)s des droits humains pour demander justice.
Madame la Présidente, la Rapporteur Spéciale a également attiré l’attention sur le cas, au moment où nous nous adressons à cette assemblée, d’un ancien ministre de l’information, Amadou Scattred Janneh. Leader d’opinion, il croupit en prison, accusé de trahison pour avoir simplement fait imprimer des T-shirts portant la mention «Coalition pour le changement en Gambie- halte à la dictature». Madame la Présidente, à ces cas de violations de la liberté d’expression s’ajoute une restriction systématique des nouveaux medias, notamment internet -plusieurs sites d’informations sont bloqués privant ainsi la population Gambienne des sources alternatives d’informations. Plus grave Madame la Présidente, le cadre juridique encadrant la liberté d’expression et l’accès à l’information souvent utilisé pour museler l’expression est en totale incompatibilité avec les standards internationaux qui lient l’Etat de la Gambie notamment la Déclaration de Principes.
ARTICLE 19 a récemment publié une analyse juridique détaillée de ce cadre légal qui criminalise tout discours et propos critiques à l’égard des pouvoirs publics. Nous avons recommandé à l’Etat gambien d’engager une reforme sérieuse de sa législation en l’amendant et ou en abrogeant carrément certaines dispositions liberticides qui empêchent les Gambiens et les Gambiennes de s’exprimer librement et de participer au débat public national. Aujourd’hui, les journalistes et les défenseur(e)s continuent de travailler dans la peur, certains on fuit la Gambie et les quelques uns qui restent pratiquent leur métier sous haute surveillance par une justice aux ordres.
Madame la Présidente,
– Nous accueillons positivement et soutenons l’annonce de la visite que la Rapporteur Spécial sur la Liberté d’Expression et l’Accès à l’Information en Afrique entend conduire incessamment en Gambie afin de renforcer le dialogue qu’ARTICLE 19 et d’autres institutions ont tenté d’initier entre l’Etat et les acteurs de la société civile sur la question de la liberté d’expression et l’accès à l’information.
– Nous demandons la libération des prisonnier(e)s de conscience en Gambie et veiller à la protection de l’intégrité physique et morale de ces dernier(e)s.
– Enfin, nous réitérons la détermination d’ARTICLE 19 à travailler étroitement et davantage avec le mécanisme du Rapporteur Spécial sur la Liberté d’Expression et l’Access à l’Information en Afrique.