Selon des sources à Radio Liberté, il est reproché à une de ses émissions "d'inciter la population de Kisangani au sabotage des institutions provinciales".
(JED/IFEX) – Trois agents de l’agence nationale de renseignement ont fait irruption, vendredi 26 février 2010 peu avant midi, dans les studios de Radio Liberté, une station privée émettant à Kisangani, capitale de la Province Orientale au nord-est de la RD Congo. Ils ont interrompu l’émission « Académie Plus », un programme quotidien de débats politiques, consacré ce jour au rejet la veille de la motion de défiance contre le gouverneur de la Province Orientale. Deux participants à l’émission, M. Simon Bokongo, responsable local du MLC (Mouvement pour la libération du Congo, parti de l’opposition), et l’ancien vice-gouverneur de la province orientale, M. Abibu Sakapela, ont été interpellés tandis que l’enregistrement de l’émission a été emporté. Le troisième invité de l’émission, M. Augustin Osumaka, responsable local du PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie, parti majoritaire au pouvoir), n’a pas été inquiété.
Selon des sources contactées par Journaliste en danger (JED) à Radio Liberté, il est reproché à cette émission « d’inciter la population de Kisangani au sabotage des institutions provinciales ».
L’un des agents de l’ANR venu à la Radio a dit que « cette émission porte des insultes à l’endroit du gouverneur de la province. Nous ne pouvons pas tolérer cela ». Contacté par JED, Franck Wasanga, présentateur de l’émission incriminée et chargé des programmes à Radio Liberté, a déclaré qu' »aucune insulte ni incitation quelconque n’ont été proférées à qui que ce soit au cours de l’émission. Nous avons été surpris par cette invasion des agents des services des renseignements qui ont ravis mon matériel de travail et ont emmené avec eux deux de mes invités ».
Contacté à son tour par JED, M. Emmanuelli Kahaya, directeur de cabinet du gouverneur de province, a déclaré que l’ordre d’intervention de l’ANR dans les locaux de Radio Liberté n’est pas venu du gouverneur de la province.
JED condamne vigoureusement l’intervention musclée des agents de l’ANR dans les locaux de Radio Liberté. « Même si par l’absurde Radio Liberté a commis un délit de presse au travers de son émission Académie Plus, aucune disposition de l’ordre judiciaire congolais ne donne mandat au service de renseignement pour connaître de cette affaire. Il s’agit ni plus ni moins d’un abus de pouvoir de plus dans le chef de l’ANR », estime JED.
JED rappelle que dans son Rapport 2009 sur l’état de la liberté de la presse en RDC, l’ANR est apparue comme le service le plus répressif de la liberté de la presse en RDC avec un total de 26 cas sur les 75 cas d’atteintes à la liberté de la presse observés par son service de monitoring. La majorité des atteintes attribuées à l’ANR l’ont été dans les provinces.