Numéro spécial de la Journée internationale pour mettre fin à l'impunité : la dernière synthèse en date de Reyhana Masters sur l'Afrique, basée sur des rapports des membres de l'IFEX et des informations de la région, met en lumière les liens entre l'impunité, la sécurité des journalistes et les élections.
Ceci est une traduction de la version originale de l’article.
À la lumière des élections à fort enjeu de cette année au Nigéria, au Zimbabwe et en Sierra Leone, au cours desquelles les médias ont été pris au piège des tensions croissantes avant le jour du scrutin, le thème de l’UNESCO pour la Journée internationale 2023 pour mettre fin à l’impunité des crimes contre les journalistes (IDEI) est approprié. La notion de « donner de la visibilité au rôle d’une presse sûre et libre pour garantir l’intégrité des élections et de nos systèmes démocratiques » devient de plus en plus importante avec huit élections prévues durant le reste de l’année.
Comme le souligne un rapport d’International Media Support :
« Les périodes électorales dans n’importe quel pays peuvent être controversées, tendues et avec une probabilité de conflit plus élevée que d’autres périodes, en particulier dans les environnements de transition et d’après-conflit. C’est également dans ces environnements que les journalistes et les professionnels des médias sont plus susceptibles d’être victimes d’agressions, de violences et d’abus. »
Dissiper ces tensions politique pour améliorer la sécurité des journalistes devient une composante essentielle du travail de plaidoyer des défenseurs de la liberté d’expression et de la liberté des médias sur le continent africain. Les interventions se concentrent sur trois piliers principaux : la formation à la sécurité des journalistes, les reportages électoraux sensibles aux conflits et le dialogue police-médias.
Une activité nouvelle et innovante visant à minimiser les attaques contre les professionnels des médias et leurs médias a été la facilitation de réunions et de discussions entre la police et les médias par la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) et l’Institut des Médias d’Afrique Australe (MISA) dans leurs régions respectives.
[ Traduction : ICYMI : : @TabaniMoyo, le directeur de @misazimbabwe, partenaire de la DW Akademie, revient sur les récentes élections au Zimbabwe. Il explique également comment son organisation travaille avec la DW Akademie sur la question de la liberté de la presse au [Zimbabwe].Lire l’intégralité de l’interview: ]
La stratégie de rapprochement n’a peut-être pas complètement éliminé le harcèlement et les arrestations de journalistes, mais elle contribue certainement à une réduction des violations commises par la police et le secteur de la sécurité, en particulier parce que les séances de dialogue ont joué un rôle déterminant en fournissant « une opportunité aux deux groupes d’avoir des discussions franches sur les défis que la police rencontre avec les médias et vice versa. » Ces conversations ne sont pas toujours faciles, mais si elles reposent sur la compréhension que « l’échange est basé sur une communication franche, la reconnaissance des zones de conflit (réelles, perçues ou potentielles) et une compréhension mutuelle que la discussion peut être difficile et toucher des zones de tension », il existe une opportunité « d’aller au-delà de la polarisation et des arguments polarisés et de travailler ensemble vers des objectifs mutuellement bénéfiques ».
[ Traduction : Dans le cadre d’un engagement d’une semaine en Sierra Leone visant à consolider les acquis du pays en matière de liberté d’expression et à améliorer davantage le développement des médias, MFWA a rencontré le juge en chef Desmond Babatunde Edwards et l’inspecteur général de la police lors de réunions séparées. 1/3 ]
Bien entendu, le contexte de chaque pays est différent et un dialogue efficace peut entraîner des transformations autres que celles attendues. Comme cité dans le rapport de l’IMS : « Au Togo, par exemple, l’un des défis majeurs était la fracture de la communauté médiatique. Il existait de nombreux (au moins dix) syndicats et associations de médias et les relations étaient caractérisées par la rivalité et les tensions. Il était rare que ces organisations travaillent ensemble. Assurer la réussite de l’organisation et de la mise en œuvre d’un forum de dialogue a cependant incité ces organisations à travailler ensemble et à mettre de côté leurs différences. »
Les réunions convoquées au Zimbabwe ont été tout aussi productives, car MISA note qu’« après la proclamation des élections zimbabwéennes de 2023 le 31 mai 2023 et la tenue des élections le 23 août 2023 (une période généralement caractérisée par une recrudescence des violations de la liberté des médias), seules trois (3) violations impliquant des acteurs politiques ont été enregistrées. Aucune violation des droits des médias impliquant la police ou d’autres services de sécurité de l’État n’a été enregistrée au cours de cette période.
[ Traduction : Kwekwe – Réunion d’engagement Police/Média pour réfléchir sur les relations entre la police et les médias lors des élections qui viennent de se terminer. La réunion a également été marquée par des discussions sur la manière de renforcer davantage ces relations. #PoliceMedia #MediaSafety ]
Au cours des séances de dialogue organisées dans tout le Zimbabwe entre les comités provinciaux des médias et les agents de police de la zone locale, la police a accepté de :
- Créer un environnement de travail sûr pour les journalistes grâce à la formation des policiers sur le rôle des journalistes et des médias ;
- Élargir leur compréhension des normes relatives aux droits humains, et
- Engager les organismes professionnels des médias à faire part de leurs préoccupations concernant la conduite ou le contenu des médias ;
tandis que les professionnels des médias ont convenu de :
- Se familiariser avec les politiques, réglementations et lois relatives aux questions électorales ;
- S’engager à produire des reportages précis et équilibrés et à corriger les informations inexactes, sincèrement et sans préjugés ;
et les deux secteurs ont convenu :
- D’organiser des formations à l’intention des journalistes et des policiers sur la manière de gérer les situations de conflit ;
- Que les partis politiques devaient être associés à ces discussions, car ils étaient également à l’origine des violations de la liberté des médias.
Le code de conduite du Lesotho : un tournant décisif
En 2022, certains acteurs de la confrérie médiatique ont pris l’initiative d’atténuer la violence caractéristique du paysage électoral du Lesotho en élaborant un engagement visant à respecter les principes éthiques du journalisme pendant les élections.
[ Traduction : Les journalistes du Lesotho ont signé un engagement à couvrir les élections de manière éthique et professionnelle. ]
Cet outil de plaidoyer simple mais efficace « a grandement contribué à garantir un meilleur environnement de travail pour les journalistes du pays alors qu’ils couvraient les élections de 2022 », a rapporté MISA dans une étude post-électorale.
CIPESA et KICTANet dévoilent le qui, le comment et l’impact de la désinformation
Alors que l’intégrité électorale est de plus en plus compromise par les menaces qui pèsent sur l’environnement de l’information et en particulier par la désinformation généralisée, Collaboration on International ICT Policy for East and Southern Africa (CIPESA) et Kenya ICT Action Network (KICTANet) ont diffusé les résultats de leurs recherches sur la nature, les voies de diffusion et les effets de la désinformation à l’approche des élections kenyanes.
Les principaux points à retenir de leur étude ont souligné que :
- Le maillon le plus faible de la désinformation est le citoyen. Par conséquent, l’un des moyens les plus efficaces de s’attaquer au problème est de donner aux citoyens les moyens de détecter la désinformation et d’y répondre judicieusement. Si le grand public n’est pas informé, c’est une bataille perdue.
- La frontière entre la désinformation et la mauvaise information est mince et elle peut facilement être floue.
- La loi kenyane de 2018 sur l’utilisation abusive de l’ordinateur et la cybercriminalité est une arme à double tranchant qui censure, tout en essayant d’obtenir une certaine responsabilité du grand public en ce qui concerne la diffusion de fausses informations.
- L’opérateur Safaricom a signalé que lors des élections de 2017, 50 % de son temps avait été consacré à la surveillance des interactions frauduleuses.
La campagne d’International Press Centre (IPC), basé au Nigeria, visant à créer un environnement favorable aux journalistes comprenait la révision et la mise à jour du Code médiatique nigérian de couverture électorale en 2022, quelques mois avant les élections. Pendant la période électorale de février 2023, IPC a mis en place un bureau d’alerte pour la sécurité des journalistes, doté d’une ligne d’assistance téléphonique permettant aux journalistes de signaler les violations et d’obtenir de l’aide.
En octobre, l’appel du directeur exécutif régional de MISA, le Dr Tabani Moyo, à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), pour exhorter les gouvernements d’Afrique australe à intégrer le Plan d’action des Nations Unies pour la sécurité des journalistes, est lancé à un moment où l’impunité pour les crimes commis contre eux est en hausse.
Comme la directrice exécutive de l’IFEX Rachael Kay l’a souligné dans une séance de questions-réponses sur la sécurité des journalistes, « ces dernières années, le réseau de l’IFEX a constaté avec insistance une augmentation de la fréquence et des types d’attaques auxquelles sont confrontés les journalistes et les travailleurs des médias à l’échelle mondiale. Les menaces numériques croissantes, les conflits et crises géopolitiques et environnementaux, ainsi que la prolifération du populisme et d’autres idéologies extrêmes ont multiplié les menaces contre la sécurité des journalistes, les femmes et les personnes vivant dans des contextes vulnérables étant confrontées à des impacts jamais vus et disproportionnés. »
Les observations de Kay et le plaidoyer du Dr Moyo s’inscrivent dans le contexte de la mort suspecte du journaliste rwandais John Williams Ntwali, des meurtres brutaux des journalistes camerounais Martinez Zogo, Jean-Jacques Ola Bebe et Anye Nde Nsoh et du journaliste de radio du Lesotho Ralikonelo Joki.
En bref
- Pour mieux comprendre qui fera quoi lors des deux prochains tours des élections à Madagascar, Global Voices a développé un mini-guide « mettant en avant les sources d’information qui méritent d’être prises en compte pour se tenir au courant de l’actualité malgache ».
- En Érythrée, les familles de Dawit Isaak, Seyoum Tsehaye, Amanuel Asrat et Dawit Habtemichael se sont réunies dans le cadre de la campagne mondiale de plaidoyer du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de l’homme, Hear Their Voices [Écoutez leurs voix]. Ces journalistes et leurs collègues – qui « n’ont plus été revus depuis » – ont été « détenus au secret pendant 22 ans sans inculpation ni procès, et sans accès à leur famille, à l’assistance consulaire ou au droit à un avocat. »
- Un peu plus d’une semaine après que des hommes en civil ont enlevé Samira Sabou chez elle, lui ont mis une cagoule sur la tête et l’ont emmenée en voiture, les autorités du Niger l’ont inculpée de trahison et de cybercrimes. Si elle est reconnue coupable, Sabou risque la peine de mort. Le Comité pour la protection des journalistes a demandé sa libération immédiate, rapportant qu’en janvier 2022, « le tribunal de grande instance de Niamey a condamné Sabou à un mois de prison avec sursis et à une amende pour « diffamation par moyen de communication électronique » liée à sa couverture du trafic de drogue au Niger. » Elle avait été libérée provisoirement le 11 octobre.
- Johnathan Beukes, rédacteur en chef du journal d’Etat New Era, a été suspendu après avoir publié un éditorial critiquant le système judiciaire de Namibie.