Septembre 2021 en Afrique. Un tour d’horizon de l’état de la liberté d’expression réalisé sur la base des rapports des membres de l'IFEX et des nouvelles de la région par Reyhana Masters, rédactrice régionale de l'IFEX. Une discussion audio relative à cet article, axée sur la Journée #IDUAI, avec Gilbert Sendugwa d’Africa Freedom of Information Centre et Lamin Jahateh, de la Gambia Press Union, est disponible ici.
Ceci est une traduction de la version originale de l’article.
Briser le plafond de verre
Septembre a été un mois particulièrement gratifiant pour les femmes dans le secteur des médias et de la liberté d’expression.
La journaliste, blogueuse et formatrice nigérienne Samira Sabou a recu cette année le Prix 2021 de la liberté d’expression pour le journalisme décerné par Index on Censorship. Cette distinction reconnait son combat contre la censure dans un Niger hostile aux médias.
[ Traduction : Prix #FreedomOfExpression : Notre deuxième nominée catégorie journalisme est la journaliste et blogueuse nigérienne, Samira Sabou. Elle enseigne aux journalistes comment continuer à publier malgré la loi sur la cybercriminalité de 2019, qui restreint sévèrement la liberté d’expression dans le pays. #IndexAwards ]
En juin 2020, Samira Sabou a été arrêtée et détenue pendant 47 jours « à la suite de la plainte en diffamation déposée contre elle par Sani Mahamadou Issoufou, fils du président Mamadou Issoufou et directeur adjoint du cabinet du président ». Les autorités l’ont inculpée de diffamation par un moyen de communication électronique en vertu de l’article 29 de la loi nigérienne sur la cybercriminalité. En cause, un commentaire laissé par un tiers sous une publication Facebook de la journaliste et évoquant des malversations financières au ministère de la Défense autour de l’achat de matériel militaire. Elle a été libérée en juillet 2020 après le classement de l’affaire par un tribunal.
La journaliste d’investigation sud-africaine Khadija Patel a été élue présidente du conseil d’administration de l’Institut international de la presse (IPI). Khadija Patel – ancienne rédactrice en chef du Mail and Guardian d’Afrique du Sud et actuellement responsable des programmes du Fonds international pour les médias d’intérêt public – signe ainsi un certain nombre de premières : la première femme, la première non-européenne/américaine et la première musulmane à présider l’organisation mondiale.
[ Traduction : Khadija Patel, journaliste d’investigation et musulmane de quatrième génération d’origine asiatique, est la première femme présidente de l’Institut international de la presse (IPI) (Source : Arab News) ]
Se décrivant elle-même comme quelqu’un qui « lance les mots au coin des rues », elle insiste sur le fait que « tout comme nous continuons à tenir compte de la façon dont le manque de diversité dans les salles de rédaction affecte la façon dont ces salles de rédaction voient le monde, il est impératif que nous concevions le développement des médias différemment. »
Zoe Titus, directrice du Namibia Media Trust et ardente défenseure des droits des médias, de la liberté d’expression, de l’accès à l’information et des droits numériques, a été élue présidente du comité exécutif du Forum mondial pour le développement des médias (GMMD), lors de l’Assemblée générale qui s’est tenue à Tirana, en Albanie, le 30 septembre 2021.
[ Traduction: Wow. Félicitations à la présidente nouvellement élue du Forum mondial pour le développement des médias @zoetitus]
Parmi les autres Africains qui assument des rôles importants au sein du GFMD, il y a Vusumuzi Sifile, de Zambie, directeur exécutif du Panos Institute en Afrique du Sud, élu au comité exécutif, et Tabani Moyo, directeur régional par intérim de MISA et membre du Conseil de l’IFEX, en tant que membre thématique et politique.
La Journée internationale de l’accès universel à l’information
Comme prévu, la Journée internationale pour l’accès universel à l’information (IDUAI) a provoqué une foule d’activités sur le continent qui l’a enfantée, avec des membres de l’IFEX jouant un rôle de premier plan.
Nous avons produit une édition spéciale de notre podcast Africa Brief, mettant en vedette Gilbert Sendugwa, directeur exécutif de l’Africa Freedom of Information Center (AFIC), membre de l’IFEX, et Lamin Jahateh, directeur de programme pour la Gambia Press Union (GPU), également membre de l’IFEX. Lamin Jahateh a souligné la nécessité d’inclure les groupes vulnérables et marginalisés dès le départ, car ils sont « à peine représentés autour de la table, mais nous croyons pouvoir penser pour eux, que nous savons ce dont ils ont besoin et que nous l’avons inscrit dans la loi ».
[ Traduction : Si vous êtes journaliste ou universitaire, vous pouvez probablement comprendre la frustration de voir votre demande d’accès à l’information retardée ou renvoyée incomplète. Mais imaginez qu’on vous refuse des informations vitales pour votre vie, votre santé ou votre participation à la société : ]
Pendant la pandémie de #COVID19 toujours en cours, le #DroitALInformation a littéralement été une question de vie ou de mort.
Rappelant comment le manque d’informations exacerbe les inégalités entre les sexes, Sendugwa a souligné : « Les marchés publics sont les domaines où les gouvernements africains dépensent plus de 65 % de leurs budgets nationaux, et pourtant les entreprises appartenant à des femmes obtiennent moins de 1 % de ces contrats ». Il a posé la question capitale: « Comment pouvez-vous lutter contre les inégalités quand une partie importante de la population ne profite pas de cet argent ? »
Avant les célébrations du 28 septembre, la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA), membre de l’IFEX, a publié un rapport qui évalue en détail les défis auxquels le public est confronté pour que les organismes gouvernementaux locaux traitent et répondent aux demandes de droit à l’information. Il met en lumière les expériences de citoyens qui ont demandé des informations à leurs représentants dans l’Assemblée locale en vertu de la loi RTI (Right to Information – Droit à l’information), et comment leurs expériences sont conformes ou contrastent avec l’esprit de la loi RTI adoptée en 2019.
Un webinaire organisé par la commissaire Jamesina King, rapporteuse spéciale de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) sur la liberté d’expression et l’accès à l’information, a porté sur un examen du contenu de la Déclaration des principes de la liberté d’expression et d’accès à informations.
Au Nigéria, Media Rights Agenda, membre de l’IFEX, et ses partenaires de la coalition d’organisations de la société civile ont poursuivi leur pratique établie de longue date consistant à classer les ministères, départements et agences du gouvernement en fonction de leur respect de la loi sur la liberté d’information du pays. Ironie : le ministère de l’Information est mal classé dans le Palmarès national 2021 de la liberté d’information (FOE), tandis que le Nigerian Investment Promotion Council occupe la première place.
[ Traduction: Nous sommes heureux d’annoncer la 3e édition du classement national de la liberté d’information, prévue le 28 septembre 2021. Le #FOIRankingNG évalue le niveau de conformité des MDA à la loi #FOIAct ]
La déclaration de MISA-Zimbabwe à l’occasion de la journée #IDUAI cette année a rendu hommage au gouvernement zimbabwéen pour l’attribution de huit licences de radios communautaires, notant que « cela améliorera l’accès à l’information et l’échange d’idées sur les problèmes qui affectent les communautés marginalisées ».
La nouvelle plate-forme de liberté d’expression iSpeak a partagé sa carte interactive qui contient des informations détaillées sur les lois régulant l’accès à l’information FOI/ATI dans les différents pays, ainsi que des informations sur les pays avec une législation en préparation.
L’un des événements saillants de la journée IDUAI de cette année a été l’ouverture du Forum sur la liberté d’Internet en Afrique 2021 (#FIFAfrica2021), organisé pendant trois jours par la Collaboration on International ICT Policy for East and Southern Africa (CIPESA). En plus des événements virtuels, cet événement hybride a organisé des rencontres en présentiel dans cinq pays : la République démocratique du Congo, le Sénégal, la Tanzanie, l’Ouganda et le Zimbabwe.
[ Traduction : Lors de la session d’aujourd’hui à laquelle #WomenAtWebTZ a participé, animée par @cipesaug & @EU_ISS, l’ordre du jour discuté était : Coopérer pour un accès Internet significatif en Afrique #SafeSpacesTZ ]
Le panel était composé de Onica N. Makwakwa, Dawit Bekele, Wairagala Wakabi, Cedric Mbeyet, Esteve Sanz, Patryk Pawlak. La session a cherché à définir les démarches et moyens pour surmonter les défis de la connectivité en Afrique et ce que les acteurs locaux peuvent faire pour faire progresser les normes d’un internet universel et ouvert #FIFAfrica21 ]
L’événement a débuté par une discussion principale sur les droits numériques et sur la manière de créer un Internet sûr et inclusif pour le continent. Cette discussion a réuni Lillian Nalwoga de la CIPESA, la journaliste Samira Sawlani, Tadej Rupel du ministère slovène des Affaires étrangères et les avocats Donald Deya et Michele Sonia Ndoki. Dans sa présentation, Tadej Rupel a souligné l’importance de la collaboration entre l’Afrique et l’Europe sur les droits numériques et la cybersécurité. Un panel d’experts, qui comprenait la responsable des politiques publiques de Facebook pour l’Afrique australe Nomonde Gongxeka-Seopa et le juge de la Haute Cour ougandaise David Batema, a décrypté la violence sexiste en ligne (OGBV) contre les femmes, en particulier depuis la pandémie de COVID-19. Mme Gongxeka-Seopa a évoqué l’engagement de Facebook à lutter contre les discours de haine sur sa plate-forme et à travailler avec des juristes et des groupes de défense des droits numériques pour rendre la plateforme de médias sociaux plus sûre. Le juge Batema a déploré le manque de compréhension des juges et des forces de l’ordre face à la violence sexiste en ligne.
Jamesina King a participé à une discussion sur les tendances du cryptage et les droits numériques en Afrique. Elle a souligné l’importance de l’utilisation efficace du cryptage pour garantir la liberté d’expression et les droits à la vie privée sur le continent.
Des sujets tels que les coupures d’Internet, l’utilisation accrue des langues africaines en ligne, la désinformation, la technologie et le handicap figuraient parmi les sujets abordés lors de la conférence. Une référence constante a été faite à l’impact néfaste de la COVID-19 sur les droits numériques sur le continent, avec un accent particulier sur l’augmentation des violations des droits par les gouvernements qui ont mis en œuvre des mesures contre la COVID-19.
Le responsable du CDH éthiopien honoré
Dans ce qui est jugé par certain comme un mauvais choix, la German Africa Foundation (DAS) a voté à l’unanimité pour accorder sa plus haute distinction à l’avocat, militant et responsable de la Commission éthiopienne des droits humains (EHRC), le Dr Daniel Bekele. Le Prix German Africa a souligné « son engagement incessant pour repérer et dénoncer les injustices ».
Lorsque le défenseur des droits humains a pris ses fonctions à la tête de l’EHRC en Ethiopie en juillet 2019, le pays était encore en train de célébrer le leadership transformationnel du Premier ministre Abiy Ahmid, au sortir d’un État auparavant autoritaire. Après trois ans de leadership qui n’a pas réussi à gérer de manière réfléchie et judicieuse les conflits et les mécontentements ethniques, Daniel Bekele a dû naviguer dans un paysage politique en évolution tout en dénonçant avec véhémence les violations des droits humains dans différentes parties du pays.
Comme Bekele l’admet: « Ce n’est pas une course facile pour nous. Nous avons beaucoup de difficultés ».
En bref
Le directeur exécutif de MRA, Edetaen Ojo, a reçu, de la part de BudgIT, un Prix du 10e anniversaire pour son travail sur les partenariats pour un gouvernement ouvert et l’accès à l’information. BudgIT est une organisation civique qui « utilise une gamme d’outils technologiques pour simplifier la compréhension du budget et les questions de dépenses publiques pour les citoyens, avec pour principal objectif d’élever le niveau de transparence et de responsabilité au sein du gouvernement.
[ Traduction: @MRA_Nigeria félicite notre directeur exécutif, Edetaen Ojo, pour avoir reçu le Prix du 10e anniversaire de BudgIT pour son travail sur le partenariat pour un gouvernement ouvert (OGP) et l’accès à l’information. Nous félicitons également @BudgITng pour 10 ans de travail incroyable ! @EdetOjo @ogpnigeria @opengovpart ]
Un juge libérien a ordonné l’arrestation de Rodney Sieh, l’éditeur et rédacteur en chef de FrontPage Africa, pour avoir prétendument refusé d’accuser réception et de signer une assignation à comparaître. Dans un communiqué, le média a déclaré qu’il n’y avait aucun responsable présent dans les locaux lorsque la convocation a été déposée. La convocation concerne la couverture par le journal de la condamnation de l’ancien ministre de la Défense du pays, Brownie Samukai, dans une affaire de corruption.
Alors qu’il enquêtait sur les problèmes d’exploitation minière artisanale pour Radio Milo, dans la préfecture de Siguiri, le journaliste indépendant guinéen Djanko Dansoko a été attaqué par un groupe de jeunes orpailleurs armés de fusils de chasse et de couteaux. Une intervention du fondateur de Radio Milo l’a sauvé du pire.
Au Ghana, une Haute Cour a ordonné à la National Communications Authority d’arrêter immédiatement la collecte d’informations personnelles des abonnés à la téléphonie mobile et de supprimer les données déjà collectées. Le jugement faisait suite à une contestation judiciaire engagée par un avocat, Francis Kwarteng Arthur, qui affirmait que la collecte de données personnelles constituait une violation de la loi nationale sur la protection des données.
Lors du coup d’État militaire en Guinée, le journal national Horoya et deux autres médias publics ont été attaqués et des ordinateurs, du matériel et des meubles ont été volés. MFWA appelle les autorités à enquêter, arrêter et punir les auteurs de ces actes criminels.
La coupure d’Internet et des télécommunications dans la région en guerre du Tigré, en Éthiopie, rend difficile pour les journalistes et les militants des droits de documenter les atrocités commises lors de ce conflit, toujours en cours. Une série d’articles publiés dans le cadre du Shutdown Stories Project d’Access Now montre qu’en plus de dissimuler des crimes contre des civils, la coupure d’internet et des télécommunications a isolé les membres des familles les uns des autres et perturbé les moyens de subsistance.
Si vous avez aimé cet article, consultez notre édition spéciale d’Africa Brief, dans laquelle deux experts de premier plan du réseau IFEX – Gilbert Sendugwa (Africa Freedom of Information Centre) et Lamin Jahateh (Gambia Press Union) – se joignent à nous pour discuter des raisons pour lesquelles les lois d’accès à l’information #ATI, et plus largement le #DroitÀL’information, sont un fondement essentiel des droits humains.