"Jusqu’à ce que, rentrés à Ouagadougou, j’ai fait constater l’impact par un professionnel des armes qui a confirmé ce que nous redoutions : Il s’agissait bel et bien d’un impact de balle... Si la balle avait pu transpercer la vitre, elle se serait logée dans ma poitrine », a avancé le journaliste Ladji Bama.
Cet article a été initialement publié sur mfwa.org le 23 décembre 2020.
De retour de la ville de Dori, dans la région du Sahel, où il avait co-animé un panel sur la corruption électorale pendant la campagne électorale, le véhicule dans lequel se trouvait le journaliste d’investigation Ladji Bama aurait essuyé « un tir de balle », selon les témoignages du journaliste.
Yacouba Ladji Bama avait co-animé l’émission organisée par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et les autorités locales en compagnie du professeur Luc Marius Ibriga, Contrôleur Général d’Etat et de Rodrigue Tagnan, Responsable de la Communication du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC), un panel sur la corruption électorale. C’était en pleine campagne électorale pour les élections du 22 novembre 2020.
L’activité s’est déroulée sans violence particulière, selon les affirmations du journaliste, hormis les échanges quelque peu houleux entre lui et certains intervenants portant sur des pratiques (« phénomène d’achat de conscience à travers la distribution de T-shirts Oranges, couleur dudit parti au pouvoir ») qu’il a dénoncées au cours de son intervention. Mais, à l’issue du panel, sur le chemin du retour, le véhicule dans lequel se trouvait Ladji Bama, Rodrigue Tagnan et un chauffeur, aurait essuyé un « tir de balle » en pleine circulation dans les encablures du village de Yalgo vers 18h.
« Pendant que le véhicule était en pleine course, l’impact est soudainement apparu sur la vitre, devant moi, suite à un grand bruit produit par un violent coup. Tous les trois à bord, nous nous sommes interrogés longuement sur l’origine d’un tel impact. Tout en le soupçonnant, nous nous sommes refusé de croire que ce soit vraiment un impact de balle.
Jusqu’à ce que, rentrés à Ouagadougou, tard aux environs de 22 heures, j’ai fait constater l’impact par un professionnel des armes qui a confirmé ce que nous redoutions : Il s’agissait bel et bien d’un impact de balle, précisément du plomb. Et d’ajouter que ma chance est due au fait qu’apparemment, le tireur était un peu éloigné de sa cible. Si la balle avait pu transpercer la vitre, elle se serait logée dans ma poitrine », a avancé le journaliste d’investigation.
Mais qui lui en veut autant ? Ladji Bama a, en tout cas, déposé une plainte contre inconnu, pour tentative d’attentat à sa vie : « A ce stade, je n’ai aucun élément pour accuser qui que ce soit ». Cependant, il suspecte le parti au pouvoir et une société minière contre qui pèsent de fortes suspicions d’exploitation illégale d’or à travers un « faux » charbon fin. La saisie des conteneurs avait été d’abord dévoilée sur les réseaux sociaux en décembre 2018 avant que le journal « Le reporter », avec lequel Ladji Bama collaborait, ne diffuse l’information. Cette affaire est toujours pendante devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou.
Ce n’est pas la première fois que le rédacteur en chef du « Courrier Confidentiel » fait l’objet de menace ou d’attaque.
Dans la nuit du 6 au mardi 7 janvier 2020 à Ouagadougou, son véhicule, garé à la maison, avait subitement pris feu. Après avoir réussi à maîtriser les flammes, il a pu constater qu’une bouteille pleine d’essence avait été projetée du dehors de la cour sur la vitre arrière de la voiture avec une flamme qui avait commencé à consumer l’intérieur du véhicule.
« Dieu merci, la bouteille n’a pas pu éclater, sinon les dégâts auraient pu être plus importants. On rend grâce au bon Dieu pour n’avoir pas permis à ces personnes qui sont derrière cet acte ignoble d’atteindre leur objectif qui était certainement de voir la voiture exploser et peut-être mettre la maison entière en flamme », a dit Ladji Bama. Aucun des actes à l’encontre du journaliste d’investigation n’a été jusque-là revendiqué.
Plusieurs fois lauréats du prix anticorruption et du prix Norbert Zongo du journalisme d’investigation, Ladji Bama n’est plus à présenter dans le paysage médiatique burkinabè. Il est connu pour tremper sa plume dans des affaires non élucidées. Son article intitulé « Moumouni Djiguemdé, un ex-prisonnier dans le gouvernement de Zida » paru pendant la Transition de 2015, avait poussé à la démission le ministre Moumouni Djiguemdé (pourtant qui contestait au début avec vigueur).
Ladji Bama n’est pas le seul dans ce lot de journalistes qui se sent menacé. Dans la nuit du vendredi 27 au samedi 28 novembre 2020, un individu a « tagué » le portail du domicile du Secrétaire général du Syndicat Autonome des Travailleurs de l’Information et de la Culture (SYNATIC), Siriki Dramé. Dans un français approximatif mais explicite, il a laissé le message suivant : « Je viendra se soir pour vous tue ». Les Forces de sécurité (Police, Gendarmerie) ont été saisies de la situation.
Dans la même veine, les organisations professionnelles des médias ont également appris le 2 décembre 2020 que le domicile du journaliste Sery Baoula, a essuyé des tirs dans la matinée. Le journaliste à la RTB/Radio n’était pas à la maison lorsque les faits se sont produits. Mais des membres de sa famille présents ont été les premiers témoins de ces évènements et ont vécu un moment de grande frayeur.
Les tirs enclenchés par le ou les auteurs ont percuté le fronton de l’auvent, laissant des marques visibles même de loin, ont noté les organisations professionnelles des médias dans un communiqué. Sans préjuger de l’origine, des mobiles ou encore des auteurs de cette attaque, l’Association des journalistes du Burkina (AJB), la Société des éditeurs de la presse privée (SEP) et le Syndicat autonome des travailleurs de l’information et de la culture (SYNATIC) ont condamné cet énième acte à l’encontre des journalistes burkinabè. Il faudrait, en tout cas, élucider toutes ces affaires au plus tôt afin de contribuer à faire redresser l’état de la liberté de la presse qui semble déjà en chute libre dans le pays.
La MFWA se joint à la fraternité des médias burkinabè pour exhorter les autorités du Faso de prendre tous les dispositifs nécessaires pour assurer la sécurité de Ladji Bama celle de sa famille. Nous appelons également aux autorités d’assurer que les auteurs de ces menaces contre le journaliste soient arrêtés et traduits devant la justice.