« Ils ont menacé de me tuer à plusieurs reprises. Ils ont posé leurs fusils sur mon front et ont dit qu'ils allaient faire sauter ma cervelle », a dit M. Ouahmane au CPJ.
(CPJ/IFEX) – New York, le 30 mars 2012 – Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) condamne des actes d’intimidation enregistrés contre plusieurs journalistes au cours de reportages sur les suites du coup d’Etat militaire du 22 mars courant au Mali qui a renversé le président Amadou Toumani Touré (ATT). Tous les journalistes intimides étaient de la presse étrangère.
« Nous sommes alarmés d’apprendre que des journalistes ont été victimes d’actes d’intimidation verbale et physique en tentant de rapporter l’actualité suivant le coup d’Etat au Mali », a déclaré Mohamed Keita, coordonnateur du Plaidoyer pour l’Afrique du CPJ. « Plus les journalistes pourront faire leur travail librement, mieux le monde sera informé sur l’actualité du Mali. Les autorités militaires du CNRDRE doivent tenir leur engagement d’assurer la sécurité publique et de respecter le travail de la presse. Nous allons suivre de près la situation dans ce pays », a-t-il martelé.
Des soldats fidèles au chef de la junte, le capitaine Amadou Haye Sanogo, ont détenu et menotté mercredi soir le journaliste français Omar Ouahmane, reporter de la chaîne de radio d’Etat française, Radio France, selon une interview du CPJ avec le journaliste et un reportage de l’Associated Press, une agence de presse américaine. M. Sanogo est le chef de la junte militaire au pouvoir au Mali et est responsable de la destitution d’ATT. Selon des journalistes locaux, des soldats ont arrêté M. Ouahmane a l’entrée de son hôtel situé en face des locaux de l’Office de radiodiffusion télévision du Mali (ORTM) qui est contrôlée par la junte.
M. Ouahmane a déclaré au CPJ que les soldats sont devenus agressifs lorsqu’ils ont découvert qu’il était un journaliste français. La junte considère les médias français comme ayant un parti pris pour ATT depuis que Radio France Internationale, une chaîne financée par le gouvernement français, a diffusé une interview exclusive avec le président déchu la semaine dernière, selon des journalistes locaux.
« Ils ont menacé de me tuer à plusieurs reprises. Ils ont posé leurs fusils sur mon front et ont dit qu’ils allaient faire sauter ma cervelle », a dit M. Ouahmane au CPJ. « J’ai été forcé de m’agenouiller et menotté pendant environ deux heures tandis que mes poignets saignaient. Ils ont pris mon téléphone et mon dictaphone », a-t-il souligné.
Jeudi soir, des soldats du capitaine Sanogo ont arrêté dans la banlieue de Bamako cinq journalistes qui tentaient d’interviewer ATT. Ces journalistes, qui travaillent pour des médias internationaux, mais ont préféré garder l’anonymat, ont été détenus dans une base militaire mais libéré plus tard cette nuit-là, ont déclaré deux d’entre eux au CPJ.
Dans un entretien avec le CPJ aujourd’hui, Alassane Souleymane, conseiller en communication de la junte, a souligné que la junte n’a agressé aucun journaliste, mais a reconnu la détention de certains journalistes. « Des agents de sécurité ont arrêté certains journalistes sur la route, et pour leur sécurité, ils ont été escortés vers un endroit sûr et autorisés à partir. Aucun journaliste n’a été agressé », a-t-il dit.
Le capitaine Sanogo a été fortement critiqué pour le coup d’Etat qui a renversé le président légitime du Mali, à un mois des élections présidentielles d’avril 2012. Le Mali a été l’une des démocraties les plus stables et prospères de l’Afrique, jouissant d’une presse entièrement libre. Il convient de souligner que la dernière violation de droits contre la presse malienne documentée par le CPJ remonte à 2007.