Le CPJ est en train d'enquêter sur des informations non confirmées selon lesquelles Chebeya aurait reçu des menaces d'un groupe de militaires.
(CPJ/IFEX) – New York, le 6 avril 2010 – Suite à l’assassinat lundi dernier du cameraman indépendant, Patient Chebeya, en République démocratique du Congo (RDC), le Comité pour la protection des journalistes appelle le gouvernement congolais à enquêter rigoureusement sur cette affaire et à poursuivre les assassins de journalistes.
Des hommes armés et en tenue militaire ont attaqué Chebeya à l’entrée de son domicile vers 22 heures, juste au moment où son épouse lui ouvrait la porte de sa maison sise dans la ville agitée de Beni à l’est de la RDC, selon l’organisation locale de défense de la liberté de la presse, Journaliste en Danger (JED). La femme de Chebeya a déclaré que les hommes armés ont dépouillé son mari de son sac contenant des téléphones portables, des cassettes vidéo et de l’argent, lui disant qu’ils étaient venus le tuer. Ils ont ensuite abattu le journaliste de plusieurs balles tirées à bout portant, selon JED.
Citant un responsable de la police de Beni, l’agence de presse américaine Associated Press a rapporté aujourd’hui l’arrestation de deux militaires suspectés dans ce meurtre. La presse locale a décrété deux jours de black-out médiatique pour protester contre cet assassinat, ont dit au CPJ des journalistes, qui ont indiqué que le mobile de ce meurtre reste pour l’instant flou.
En vue de déterminer si son assassinat est lié à son travail de journaliste, le CPJ est en train d’enquêter sur des informations non confirmées selon lesquelles Chebeya aurait reçu des menaces d’un groupe de militaires.
Chebeya est le cinquième journaliste tué depuis 2005 dans l’est de la RDC, où l’application inefficace de la loi a conduit à des enquêtes et des poursuites qui ont laissé des zones d’ombres sur les assassinats de journalistes, selon des recherches du CPJ.
« Nous sommes choqués par l’assassinat brutal de Patient Chebeya et présentons nos condoléances à sa famille, ses amis et ses collègues », a déclaré le directeur de la section Afrique du CPJ, Tom Rhodes. « Malgré des arrestations et poursuites de suspects suivant la plupart des meurtres de journalistes, les autorités congolaises ont conduit des enquêtes et des procès qui ont manqué de rigueur, notamment dans la poursuite de toutes les pistes sur le mobile du crime et l’implication de possibles commanditaires, laissant ainsi des points d’interrogation sans réponse. Nous exhortons les autorités à tourner la page de cette tendance en allant jusqu’au bout cette foi-ci », a-t-il ajouté.
Le maire de Beni a annoncé qu’un tribunal militaire allait juger les suspects dans les 48 heures, selon des journalistes locaux. En effet, les tribunaux militaires ont fait valoir leur autorité sur de telles affaires, en partant du principe que des militaires avaient été mis en cause dans les meurtres ou que des crimes avaient été commis avec des « armes de guerre ». Cependant, cette autorité est contestée par les avocats des droits de l’homme qui disent que les assassinats de journalistes devraient être jugés par des tribunaux civils et indépendants. Outre ce procès à Beni, des militaires et des civils accusés d’être impliqués dans l’assassinat en 2008 du journaliste Didace Namujimbo, comparaissent actuellement devant le tribunal militaire de Bukavu.
Jacques Kikuni, un journaliste local qui s’est confié au CPJ, est parmi les dizaines de personnes qui sont venues en masse assister à l’enterrement de Chebeya dans un cimetière de Beni. M. Kikuni, qui connaissait Chebeya depuis 1998, a déclaré que ce cameraman excellait dans le tournage et les reportages et qu’il assurait la couverture des activités des responsables municipaux et provinciaux. Il rentrait chez lui après avoir terminé l’édition des images de la visite d’un responsable des douanes au cours du week-end lorsqu’il a été tué, a déclaré M. Kikuni. Chebeya était âgé de 35 ans et père de quatre enfants.