Les organisations exigent que les donneurs d’ordre de l’incursion de la police dans les locaux de l’agence TAP et des agressions à l’encontre de plusieurs de ses journalistes et agents soient poursuivis.
Tunis, le 29 avril 2021
Des ONG se félicitent du retrait de la nomination d’un directeur controversé à l’Agence de presse tunisienne et expriment leur soutien au droit des Tunisiennes et des Tunisiens à des médias publics indépendants
Les organisations non gouvernementales soussignées, saluent l’annonce par le gouvernement tunisien du retrait de la décision controversée de la nomination politique d’un directeur général pour l’agence nationale d’information du pays, Tunis Afrique Presse (TAP). Elles expriment également leur soutien au droit des Tunisiens à des médias publics indépendants, respectueux du code de déontologie et de l’éthique journalistiques.
Ces ONG condamnent fermement l’incursion, le 13 avril, par les forces de l’ordre du siège de l’agence TAP à Tunis et les agressions qu’elles ont commises à l’encontre de nombreux journalistes et du personnel participant à un sit-in pacifique.
Les journalistes occupaient les lieux pour s’opposer à la décision précitée du Président du gouvernement dont l’annulation a été officiellement annoncée le 19 avril à la suite de la prétendue démission du candidat au poste, Kamel Ben Younes. La proposition de sa candidature, le 5 avril avait en effet provoqué une vague de protestations au sein du milieu journalistique et des organisations de la société civile, y compris la désapprobation de 39 ONG locales le 8 avril.
Les journalistes et agents de la TAP ont mis fin à leur sit-in, après l’annonce de l’annulation de de cette décision. Ils avaient déjà insisté le 6 avril sur leur « refus catégorique de collaborer » avec Ben Younes, en sa qualité de directeur général en raison de son implication, avant 2011, dans « des violations de la liberté de la presse, de la liberté d’expression et de la liberté syndicale, dans la propagande politique au service de Ben Ali et à cause de son allégeance actuelle au Mouvement islamiste d’Ennahdha » qui est associé au pouvoir depuis dix ans.
Les ONG signataires de la présente déclaration considèrent l’incursion de la police dans les locaux d’un média comme un dangereux précédent, inédit, même sous les despotes précédents. Il s’agit d’un abus intolérable dans les pays respectant les droits humains, et tout particulièrement le droit à la liberté d’expression et à la liberté de presse…
Les organisations exigent que les donneurs d’ordre de l’incursion de la police dans les locaux de l’agence TAP et des agressions à l’encontre de plusieurs de ses journalistes et agents soient poursuivis.
Les organisations signataires estiment, en outre, que la décision du Président du gouvernement, Hichem Mechichi de nommer le journaliste Kamel Ben Younes comme directeur général de l’Agence tunisienne de presse, pour succéder à la journaliste Mouna Mtibaa, connue pour son indépendance et son respect de l’éthique journalistique, fait fi de toutes les recommandations et propositions avancées depuis 2011 pour réformer les medias publics. Par ailleurs, ces medias restent toujours soumis en Tunisie à des lois contraires aux normes internationales de la liberté d’expression. Ces dernières remontent au régime despotique renversé depuis 2011.
D’autre part, les organisations expriment leur satisfaction à l’annonce par le gouvernement, le jour de l’annulation de la désignation du directeur général de l’agence TAP, de son retrait de la nomination de Hanan Ftouhi, journaliste également controversée, comme directrice de la radio Shems FM. Cette station appartenait avant 2011 à l’une des filles de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali.
En dépit de ces développements positifs, les tentatives du Président du gouvernement de procéder à des nominations, perçues comme servant ses alliés politiques, constituent une nouvelle preuve de l’absence de volonté politique pour améliorer la qualité des médias publics et des médias confisqués à la famille du dictateur précédent- en coopération avec les organes professionnels et les organisations de la société civile. Ceux-ci n’ont pas cessé, non seulement de défendre le droit à une information politique libérée du joug du pouvoir politique et des lobbys financiers la marche difficile de la Tunisie vers la démocratie.
Les organisations signataires mettent en garde le Président du Gouvernement contre le danger que représente la prise de ce genre de décisions arbitraires et l’invitent à cesser de récompenser les partis qui le soutiennent en permettant leur hégémonie non fondée sur les médias publics et les autres institutions de l’Etat.
C’est pourquoi les organisations exigent l’élaboration, de manière consensuelle, de critères objectifs, fondés sur la compétence, l’indépendance et la transparence, en vue de rompre avec les nominations politiques susceptibles de transformer les médias publics en médias partisans et gouvernementaux. Ces pratiques constituent en effet une violation des valeurs du pluralisme dans les Etats démocratiques et également une violation des normes internationales de la liberté d’expression que le gouvernement tunisien a l’obligation de garantir.