(RSF/IFEX) – Deux journalistes roumains travaillant pour des médias étrangers ont été mis sur écoutes, après avoir été soupçonnés d' »espionnage », a reconnu le 26 janvier 2005 Radu Timofte, directeur du Service roumain de renseignements (SRI), auprès de l’agence Mediafax, refusant par ailleurs de dévoiler leur identité ainsi que les médias pour lesquels ils travaillent. RSF […]
(RSF/IFEX) – Deux journalistes roumains travaillant pour des médias étrangers ont été mis sur écoutes, après avoir été soupçonnés d' »espionnage », a reconnu le 26 janvier 2005 Radu Timofte, directeur du Service roumain de renseignements (SRI), auprès de l’agence Mediafax, refusant par ailleurs de dévoiler leur identité ainsi que les médias pour lesquels ils travaillent.
RSF s’inquiète de cette irruption impromptue des services secrets roumains dans le travail de journalistes, mettant à mal le secret des sources, pendant de la liberté de la presse. « La protection du secret des sources est un principe inhérent à la liberté de la presse, trop primordial pour souffrir des exceptions. La Roumanie doit respecter le droit européen en la matière, notamment l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle doit aussi faire preuve de transparence en matière de mises sur écoutes et cesser cette culture du secret datant d’un autre âge », a déclaré l’organisation dans une lettre adressée à la nouvelle ministre de la Justice, Monica Macovei.
Cette affaire éclate parallèlement à la publication deux jours auparavant par « Ziua », quotidien de Bucarest, d’un document émanant du chef de la direction des renseignements du ministère de l’Intérieur, Virgil Ardelean, daté d’octobre 2003, qui demandait « d’analyser l’opportunité de mettre sur écoutes les agences Mediafax et AM Press ». Le document était adressé au parquet national anticorruption (PNA). Ardelean a expliqué qu’il avait alors besoin de vérifier des informations sur un inspecteur qui « divulguait des éléments sur des enquêtes en cours à des personnes non autorisées (. . .) au sein des deux sociétés de presse ».
S’il a reconnu l’authenticité de ce document, le ministère de l’Intérieur a assuré dans un communiqué, le 24 janvier, que finalement « ni les téléphones de Mediafax et d’AM Press, ni ceux d’une quelconque autre agence de presse n’ont été mis sur écoutes ».
Cette publication a provoqué un véritable tollé dans tout le pays. Des associations de défense de la presse telles que Media Monitoring Agency et des parlementaires ont rejeté les explications de Ardelean et demandé l’ouverture d’une enquête. Le ministre de l’Intérieur, Vasile Blaga, a pour sa part déclaré, le 25 janvier, qu’il limogerait Ardelean s’il s’avérait qu’il avait enfreint la loi.
En revanche, Timofte, directeur du SRI, a déclaré avoir mis sur écoutes les deux journalistes soupçonnés d' »espionnage » en refusant de dévoiler leur identité, et le ou les médias pour lesquels ils travaillent, se contentant d’invoquer des « magazines obscurs » et des « médias étrangers ». Les journalistes sont accusés de « collaborer avec des services secrets étrangers ». Le secret de l’instruction empêche l’obtention de toute information supplémentaire et le flou total règne sur cette enquête. Le porte-parole du SRI a simplement assuré détenir des « informations certaines » contre les journalistes, « impliqués dans des activités de collecte de renseignements en faveur de services d’espionnage étrangers et (. . .) rémunérés pour cela ».
C’est la première fois depuis sa création, début 1990, que le Service roumain de renseignements reconnaît publiquement la mise sur écoutes de journalistes, alors que ce service, qui a remplacé la tristement célèbre Securitate (la police politique du régime Ceaucescu), a souvent été accusé de surveiller les médias. La culture du secret semble encore y être de mise aujourd’hui. Sous le régime communiste, on estime que 700 000 personnes, sur 22 millions d’habitants, étaient placées sur écoutes téléphoniques.