(RSF/IFEX) – Deux journalistes sont aujourd’hui passibles de la peine de mort en Iran. Khalil Rostamkhani et Hassan Youssefi Echkevari sont notamment accusés d’avoir respectivement organisé et participé à une conférence tenue à Berlin les 7 et 8 avril 2000 sur le thème « L’Iran après les élections ». Celle-ci avait été qualifiée d' »anti-islamique » et d' »anti-révolutionnaire » par […]
(RSF/IFEX) – Deux journalistes sont aujourd’hui passibles de la peine de mort en Iran. Khalil Rostamkhani et Hassan Youssefi Echkevari sont notamment accusés d’avoir respectivement organisé et participé à une conférence tenue à Berlin les 7 et 8 avril 2000 sur le thème « L’Iran après les élections ». Celle-ci avait été qualifiée d' »anti-islamique » et d' »anti-révolutionnaire » par la télévision iranienne, qui en avait diffusé des extraits, le 18 avril. Un autre journaliste, Akbar Ganji, a débuté une grève de la faim pour dénoncer les tortures qu’il a subies en prison. RSF demande aux autorités iraniennes l’abandon des poursuites et la libération de ces trois journalistes ainsi que celle des huit autres actuellement emprisonnés. Robert Ménard, secrétaire général de RSF, a qualifié d' »inadmissible qu’un journaliste soit condamné à mort pour avoir exprimé pacifiquement son opinion ». « L’Iran est devenue la plus grande prison pour les journalistes du Moyen-orient », a-t-il ajouté, en rappelant que, « depuis le mois d’avril, la justice iranienne a fermé une trentaine de publications réformatrices et engagé des poursuites contre plus de vingt-cinq professionnels des médias ». Pour RSF, l’Ayatollah Ali Khamenei est l’un des vingt-trois prédateurs de la liberté de la presse dans le monde.
Arrêté le 8 mai, Rostamkhani, journaliste à « Daily News » et « Iran Echo » et directeur d’une maison de traduction, a comparu, le 9 novembre, devant le Tribunal révolutionnaire de Téhéran. Le procureur qui l’a accusé d’être un « mohareb » (combattant contre Dieu), « d’avoir reçu et diffusé des tracts et des communiqués de groupes opposants basés à l’étranger et d’avoir participé à l’organisation de la conférence de Berlin, attentatoire à la sécurité du pays », a requis contre lui la peine de mort.
Echkevari, journaliste pour les publications aujourd’hui suspendues, « Neshat » et « Iran-é-Farda », a été arrêté, le 5 août, à son retour d’Europe. Il s’y était rendu pour soigner son diabète et assister à la conférence de Berlin. Le journaliste et théologien y avait notamment déclaré que le port du voile et le code vestimentaire pour les femmes avaient des origines culturelles et historiques en Iran et que ce n’était pas une nécessité pour l’islam. Durant son procès, qui s’est tenu à huis-clos devant le Tribunal spécial du clergé du 7 au 15 octobre, il a été accusé « d’activités subversives contre la sécurité nationale », de « diffamation envers les autorités », « d’atteinte au prestige du clergé » et d’être un « mohareb ». Le journaliste encourt également la peine capitale.
Neuf autres journalistes sont actuellement emprisonnés à Téhéran pour « propagande anti-islamique », « atteinte à la sécurité nationale », « propagation de fausses nouvelles », « atteinte à l’islam », etc. Quatre d’entre eux, Abdollah Nouri, Emadoldin Baghi, Latif Safari et Machallah Chamsolvaezine, ont été condamnés à des peines allant de deux ans et demi à trois ans et demi de prison. Les autres, comme Ganji, sont en attente ou en cours de jugement. Ce journaliste de Sobh-é-Emrouz a été arrêté à son retour de Berlin, le 22 avril. Il est en grève de la faim depuis le 9 novembre, date de l’ouverture de son procès devant le Tribunal révolutionnaire, pour protester contre l’usage de la torture à son encontre depuis son arrestation. Outre sa participation à la conférence controversée, il est accusé d’avoir mis en cause, dans ses articles, la responsabilité de personnalités iraniennes – dont l’ancien président de la République, Ali Akbar Hashemi Rafsandjani et l’ancien ministre des Renseignements, Ali Fallahian -, dans les meurtres d’opposants et d’intellectuels, fin 1998. Ces accusations peuvent lui valoir une lourde peine de prison.
Cette vague d’arrestations s’est inscrite dans un contexte plus large de répression de la liberté de la presse de la part des conservateurs. Suite à leur défaite aux élections législatives de février, les durs du régime ont déclenché une offensive contre les réformateurs et leur premier soutien, la presse. Le 17 avril, le Parlement iranien sortant, dominé par les conservateurs, a notamment adopté une proposition de loi controversée, renforçant les sanctions pour délits de presse. Une tentative de réforme de cette loi, par le Parlement, au mois d’août, avait été bloquée par l’Ayatollah Khamenei, considéré par RSF comme l’un des vingt-trois prédateurs de la liberté de la presse. En l’espace de six mois, la justice iranienne, dominée par les conservateurs, a fermé une trentaine de publications réformatrices, a arrêté une quinzaine de journalistes et poursuivi plus de vingt-cinq directeurs de journaux ou journalistes.