(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un rapport capsule de RSF daté du 31 août 2006: Deux raisons simples pour lesquelles le scrutin présidentiel ne sera « ni serein ni équitable » Le jour de l’ouverture de la campagne électorale pour l’élection présidentielle du 22 septembre 2006 en Gambie, Reporters sans frontières énonce deux raisons pour lesquelles, du fait des […]
(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un rapport capsule de RSF daté du 31 août 2006:
Deux raisons simples pour lesquelles le scrutin présidentiel ne sera « ni serein ni équitable »
Le jour de l’ouverture de la campagne électorale pour l’élection présidentielle du 22 septembre 2006 en Gambie, Reporters sans frontières énonce deux raisons pour lesquelles, du fait des attaques répétées contre la presse et la liberté d’expression, le scrutin ne sera ni serein ni équitable.
« Des journalistes aux mains liées par la crainte des services de renseignements, un gouvernement faisant usage d’une répression féroce, en dépit des lois et des traités qu’il a signés, et des médias publics sous contrôle: telle est la situation en Gambie, au premier jour d’une campagne électorale d’ores et déjà inéquitable. Outre la persécution politique des membres des partis d’opposition, la situation catastrophique de la liberté de la presse et d’accès à l’information de la population gambienne disqualifie d’avance cette élection. Dans ces conditions, la communauté internationale ne pourra pas dire que le scrutin du 22 septembre se sera déroulé dans des conditions démocratiques », a déclaré Reporters sans frontières.
La presse privée gambienne, déjà durement frappée pendant les deux mandats du président Yahya Jammeh, vit aujourd’hui dans le règne de la peur. Menaces de mort, surveillance, arrestations nocturnes, détentions arbitraires et mauvais traitements sont le lot quotidien des journalistes qui ne chantent pas les louanges du gouvernement. Les professionnels des médias et leurs familles, qui auraient l’audace de se plaindre de cette situation auprès des organisations internationales, font face à des campagnes d’intimidation des services de renseignements, la National Intelligence Agency (NIA). Dans ces conditions, de plus en plus de journalistes gambiens prennent la route de l’exil.
Ainsi, récemment, avant et après le sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine (UA), les 1er et 2 juillet 2006 à Banjul, au moins neuf journalistes ont été arrêtés et maintenus en détention plusieurs jours, en toute illégalité. L’éphémère rédacteur en chef du nouveau quotidien privé « Daily Express », Sulaymane Makato, est en fuite depuis le 14 juillet après avoir reçu deux SMS anonymes, disant : « Bonjour M. le rédacteur en chef, vos amis du « Daily Express » sont à la NIA, faites attention aux appels ou aux invitations étranges même de vos collègues car ils sont après vous pour vous arrêter » à 18h24 (heure locale) et « Dernier avertissement, fuyez avant qu’il soit trop tard » à 18h40. La nuit même, Sam Obi et Abdul Gafari, respectivement directeur et journaliste du « Daily Express », ont été arrêtés et ont passé quatre jours dans les locaux de la NIA. Leur journal entamait sa deuxième semaine d’existence.
Un autre journal a subi les attaques régulières des autorités. Le bihebdomadaire privé « The Independent », dont l’imprimerie avait été incendiée en 2004 par des hommes identifiés par un député de l’opposition comme des membres de la Garde nationale, est mis sous scellés et illégalement empêché de reparaître depuis le 28 mars 2006. Un procès a été intenté à l’un de ses journalistes, Lamin Fatty, détenu pendant plus d’un mois sans avoir eu accès à un avocat. Il est jugé en vertu d’une loi draconienne prévoyant de lourdes peines de prison. Le directeur général du journal, Madi Ceesay, par ailleurs président de la Gambia Press Union (GPU, le syndicat des journalistes), et son rédacteur en chef, Musa Saidykhan, ont été quant à eux détenus au secret pendant près de trois semaines, entre le 28 mars et le 20 avril, en dehors de toute procédure légale. Depuis, Musa Saidykhan est entré dans la clandestinité.
Le déni de justice est également la règle pour les graves violations de la liberté de la presse. Aucune suite judiciaire n’est donnée. En 2004, un événement tragique a frappé de stupeur la communauté journalistique gambienne. Codirecteur du trihebdomadaire privé « The Point », correspondant à Banjul de l’Agence France-Presse (AFP) et de Reporters sans frontières, Deyda Hydara a été assassiné au volant de sa voiture dans la soirée du 16 décembre. Il avait auparavant fait l’objet de menaces de la part des agents de la NIA, lesquels le surveillaient physiquement, quelques minutes avant sa mort. Aucune enquête sérieuse n’a été menée pour identifier ses assassins et leurs commanditaires. La seule communication officielle des enquêteurs gambiens, six mois après l’assassinat, laissait entendre que Deyda Hydara, qualifié de « provocateur », pouvait avoir été tué pour des affaires de moeurs inventées de toutes pièces.
La presse publique, audiovisuelle et écrite, est quant à elle totalement aux ordres de l’Etat. Les informations diffusées par la télévision et la radio publique, les Gambia Radio Television Services (GRTS), sont entièrement contrôlées par le gouvernement. Outre l’actualité internationale ou régionale, les journaux télévisés ne rendent compte chaque jour que des faits et gestes des ministres ou des hauts fonctionnaires. Il n’est également pas rare qu’en première partie de soirée, la télévision diffuse de longues séquences vidéo, accompagnées de musique traditionnelle, sur les « activités » du Président.
De son côté, le « Daily Observer », un quotidien privé appartenant à Amadou Samba, un homme d’affaires proche du Président, a été repris en main au mois d’octobre 2005 par Saja Taal, directeur de publication, et Mam Sait Ceesay, rédacteur en chef. Saja Taal est l’ancien secrétaire permanent du ministère de l’Education et Mam Sait Ceesay l’ancien attaché de presse de la présidence. Les précédents dirigeants du journal, Modou Sanyang et Lamin Cham, ont été révoqués pour leur couverture de la crise ayant opposé le Sénégal et la Gambie sur la question des taxes douanières. Depuis, le journal est devenu le porte-voix du gouvernement, publiant même des articles diffamatoires à l’encontre de journalistes exilés et des éditoriaux attaquant la presse privée, sous prétexte qu’elle « ternit l’image du pays ». Lamin Cham, de son côté, traqué par la NIA, est entré dans la clandestinité.