"La fragilité structurelle des médias taïwanais les rend particulièrement vulnérables aux campagnes de désinformation, ce qui pose une réelle menace pour la démocratie, particulièrement en période électorale" - RSF
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 13 décembre 2023.
Reporters sans frontières (RSF) appelle les candidats à l’élection présidentielle du 13 janvier 2024, ainsi que tous les partis politiques en lice pour les élections législatives prévues le même jour, à prévoir des réformes qui permettraient de renforcer la confiance du public dans les médias et de lutter contre la désinformation.
À un mois des élections présidentielles et législatives, RSF appelle tous les candidats et les partis politiques à adopter des réformes et à défendre des programmes qui favorisent le journalisme indépendant : garantir davantage l’indépendance éditoriale des rédactions ; mettre en place des mécanismes de lutte contre la désinformation ; augmenter de manière significative les ressources allouées aux médias publics ; soutenir le journalisme éthique et développer l’éducation aux médias (voir les recommandations détaillées ci-dessous).
RSF s’adresse dès lors aux candidats des trois principaux partis en lice pour les élections présidentielles : le Democratic Progressive Party représenté par Lai Ching-te et Hsiao Bi-khim, le Kuomintang représenté par Hou Yu-ih et Jaw Shaw-kong, et le Taiwan People’s Party représenté par Ko Wen-je et Cynthia Wu.
« La fragilité structurelle des médias taïwanais les rend particulièrement vulnérables aux campagnes de désinformation, ce qui pose une réelle menace pour la démocratie, particulièrement en période électorale. Il est urgent de prendre les mesures nécessaires pour restaurer la confiance dans les médias et protéger le bon fonctionnement du système démocratique du pays. »
Cédric Alviani RSF, Directeur du bureau Asie-Pacifique de RSF
Taïwan, ou République de Chine de son nom officiel, est une démocratie libérale et la 21e économie mondiale. Si la liberté de la presse y est généralement respectée, les journalistes taiwanais souffrent d’un environnement médiatique très polarisé politiquement et dominé par le sensationnalisme et la recherche du profit. Taiwan est aussi victime de tentatives d’ingérences croissantes dans les médias de la part de la République populaire de Chine, qui revendique agressivement sa souveraineté sur l’île.
En novembre 2023, RSF lançait un appel pour inciter les médias taiwanais à mieux prendre en compte l’éthique journalistique dans leur couverture des élections à venir. Cette initiative, rejointe par six médias, vise à rétablir le lien entre le public et les journalistes, dans un pays qui souffre d’un des plus bas taux de confiance dans les médias parmi les démocraties (28 %) et où la communauté médiatique est souvent critiquée pour son manque d’éthique.
RSF réitère ses recommandations :
● Adopter un cadre réglementaire qui garantisse l’indépendance des rédactions vis-à-vis de leurs employeurs et de leurs conseils d’administration ; renforcer l’indépendance de la Commission nationale des communications, augmenter ses ressources et étendre son mandat à l’ensemble des médias.
● Adopter des règles contre la désinformation conformes aux normes internationales en matière de liberté d’expression ; mettre en place un mécanisme prévoyant un contrôle judiciaire lorsque les autorités gouvernementales ou les plateformes en ligne décident de bloquer ou de supprimer des contenus.
● Soutenir l’émergence de nouveaux médias qui s’engagent à respecter l’éthique journalistique, par le biais d’incitations économiques et fiscales ; soutenir les initiatives indépendantes de vérification des faits ; encourager les médias à adhérer à des projets de certification indépendants tels que la Journalism Trust Initiative (JTI).
● Mettre l’accent sur la réflexion critique et l’éducation aux médias dans les programmes scolaires et les mesures éducatives publiques ; veiller à ce que les écoliers apprennent dès leur plus jeune âge à discerner les faits de la fiction.
Taïwan occupe le 35e rang sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2023 par RSF. La Chine, plus grande prison au monde pour les journalistes et défenseurs de la liberté de la presse avec au moins 123 d’entre eux actuellement détenus, occupe le 179e rang.