(JED/IFEX) – JED a suivi les conclusions de la commission d’enquête sur l’assassinat du président Laurent-Désiré Kabila telles que rapportées par des journaux parus le jeudi 24 mai 2001 à Kinshasa. Les résultats de cette commission, instituée le 16 février par décret du Chef de l’État, ont été rendus publics le 23 mai à Kinshasa […]
(JED/IFEX) – JED a suivi les conclusions de la commission d’enquête sur l’assassinat du président Laurent-Désiré Kabila telles que rapportées par des journaux parus le jeudi 24 mai 2001 à Kinshasa. Les résultats de cette commission, instituée le 16 février par décret du Chef de l’État, ont été rendus publics le 23 mai à Kinshasa par son président, le procureur général de la république, Luhonge Kabinda Ngoy.
Après analyse du compte-rendu fait par la presse à ce sujet et se fondant sur le droit du public à l’information, garanti par les articles 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, textes auxquels la RDC est partie, JED émet les considérations suivantes :
1. La commission gouvernementale d’enquête n’a pratiquement pas apporté une nouvelle information en dehors de celles qui ont été données par la rumeur. Elle n’a pas répondu à la question capitale de savoir qui avait intérêt et qui a profité de la mort du président Kabila. Ce qui est inexplicable pour un travail qui aura duré près de quatre mois et aura coûté de l’argent au contribuable congolais.
1.1. Le rapport de la commission d’enquête reste ambigu sur des questions fondamentales comme la date et le lieu de la mort du président Kabila. La commission atteste que Kabila est mort de trois balles dont « une, au niveau de la tempe, qui a traversé l’ensemble, toute la tête » et une autre qui lui a « traversé le coeur ». Au même moment, elle souscrit à la thèse gouvernementale selon laquelle l’ancien président est mort deux jours après l’attentat, c’est-à-dire le 18 janvier.
1.2. La commission confirme que l’assassin présumé de l’ancien chef de l’État, le soldat Rachidi Mizele, a été tué immédiatement après son forfait mais elle se réserve de citer le nom de la personne qui a tué Rachidi et à qui profitait la disparition de ce dernier.
1.3. Alors que, selon la commission, Rachidi a été tué juste après son forfait, probablement dans l’enceinte du palais présidentiel, il est étonnant que l’arme du crime n’ait pas pu être retrouvée jusqu’à ce jour.
1.4. La commission affirme que les citoyens libanais sommairement exécutés à la suite de l’assassinat du président Kabila avaient « participé au complot » et que leur élimination entrait dans la volonté des assassins de faire disparaître les traces. Elle ne donne cependant pas des indices sur les personnes qui avaient intérêt à voir ces sujets libanais disparaître ainsi que le rôle que ces derniers auraient joué dans la conspiration.
2. La commission se retranche derrière le principe de la présomption d’innocence pour ne pas citer les noms des personnes et pays impliqués dans l’assassinat de Kabila. En même temps, elle ne s’empêche pas de citer les noms de Bizima Karaha, Adolphe Onosumba, Joseph Mudumbi et autres Ruberwa, tous membres du mouvement rebelle Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), ainsi que les pays comme l’Ouganda et le Rwanda qui soutiennent la rébellion.
2.1. La commission estime que la charge de tirer au clair cette affaire revient à la justice congolaise, manquant ainsi de justifier sa raison d’être et les pouvoirs immenses qu’elle a eu d’interpeller et d’incarcérer, jusqu’à ce jours, une centaine de suspects.
3. Alors que les conclusions de la commission d’enquête ont été remises au président Joseph Kabila le 20 avril, il est curieux de constater que ce dernier n’a autorisé la publication du rapport que plus d’un mois plus tard.
JED rappelle au gouvernement et aux cours et tribunaux que l’information n’est pas leur propriété personnelle, ils n’en sont que les gardiens agissant au nom du peuple. Aussi, « le souci d’éviter un embarras aux pouvoirs publics ou de dissimuler un comportement fautif de leur part ne saurait en aucune circonstance servir de justificatif » à la non-divulgation de l’information.
JED demande au gouvernement et aux cours et tribunaux de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour assurer la mise en oeuvre du principe de la divulgation maximale et de donner toutes les informations relatives aux circonstances de la mort du président Kabila.