Journalistes et médias doivent affronter de plus en plus fréquemment les menaces et la censure des entreprises privées et d'État, selon RSF.
(RSF/IFEX) – Le 26 août 2010 – Journalistes et médias doivent affronter de plus en plus fréquemment les menaces et la censure des entreprises privées et d’État. Cette privatisation de la violence et de la censure contre les journalistes s’est illustrée au cours des dernières semaines par des affaires graves pour la liberté de la presse en Chine. Tout récemment, deux journalistes ont eu mailles à partir avec la police pour avoir publié une enquête sur une entreprise de biotechnologie. Par ailleurs, un journaliste réputé de Pékin a été sévèrement agressé, il y a quelques semaines, après plusieurs reportages retentissants sur des entrepreneurs du secteur de la santé. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il tend à s’accélérer dangereusement.
Reporters sans frontières dénonce ce harcèlement de certaines entreprises à l’encontre des journalistes qui les dérangent. Régulièrement accusées de corrompre les médias locaux, de nombreuses sociétés chinoises utilisent aujourd’hui leur influence sur les autorités (police et Département de la propagande) pour éviter les reportages négatifs. Paradoxalement, ce phénomène va de pair avec un souci croissant des Chinois pour le droit des consommateurs et la qualité des produits et des services.
Nous appelons les autorités de Pékin à prendre des mesures énergiques pour mieux protéger les journalistes chinois qui se mettent parfois en danger de mort pour enquêter sur ces entreprises. L’organisation note avec satisfaction le communiqué de la General Administration of Press and Publication (GAPP), en date du 30 juillet, qui apporte son soutien aux professionnels de l’information. Il est temps que les autorités se saisissent de toutes ces affaires.
Reporters sans frontières a recensé et enquêté sur les principales affaires de liberté de la presse impliquant des entreprises chinoises.
Dernière en date, l’interpellation de Liu Hongchang, qui avait publié, en association avec son confrère A Liang, une enquête sur une entreprise de biotechnologie. Le 9 août, Liu Hongchang a été interpellé par la police de Laiyang pour avoir divulgué des informations sur l’entreprise de biotechnologie Hanlin, basée dans cette ville de la province du Shandong (Est). Le rapport des deux journalistes révélait les ambitions du groupe de devenir un « géant » du secteur, ainsi que des problèmes internes. Ce rapport a été publié sur le site internet qianlong.com, ensuite contraint de le retirer, sur ordre des autorités locales.
En effet, le Bureau de la propagande de Laiyang a alerté les autorités de Pékin. Lors de l’interrogatoire de Liu Hongchang, les questions se sont focalisées sur ses sources, et d’éventuels pots-de-vin qui auraient poussé les journalistes à écrire ce rapport. A Liang, quant à lui, n’a pas encore été interrogé, car il était absent de Pékin. La police a menacé de lancer un mandat d’arrêt s’il ne se présentait pas de lui-même à la convocation.
Plusieurs journalistes ont exprimé publiquement leur soutien à Liu Hongchang et A Liang, considérant que les procédés de la police violent la liberté de la presse.
Dangereux pour la santé, dangereux pour les journalistes
Reporters sans frontières réitère sa demande aux autorités de mener une enquête exhaustive sur l’agression, le 24 juin dernier, à Pékin, de Fang Xuanchang, journaliste scientifique du magazine Caijing. Alors qu’il rentrait à son domicile, le journaliste a été violemment agressé, frappé notamment à la tête et au dos à coups de barre de fer et a dû être hospitalisé d’urgence. A ce jour, la police n’a pas mené d’enquête exhaustive sur cette tentative d’assassinat.
« Ils ont essayé de me tuer », a déclaré Fang Xuanchang au journal en ligne http://www.foreignpolicy.com en parlant de ses deux mystérieux assaillants. Mais qui a essayé de tuer Fang Xuanchang et pour quelles raisons ? Le journaliste explique ne pas connaître l’identité ni le motif de ses assaillants, cependant il émet des hypothèses : ces hommes pourraient avoir été engagés par un médecin qu’il avait dénoncé dans un de ses articles. En effet, Fang Xuanchang s’intéresse au charlatanisme, inventions mensongères, et autres incompétences scientifiques qui se multiplient dans les milieux médicaux. Il a publié plusieurs enquêtes sur des petites entreprises du secteur de la santé aux pratiques douteuses.
Autres hypothèses pour expliquer cette agression : il avait révélé la présence de céréales génétiquement modifiées en Chine ; réfuté, dans une émission télévisée, la thèse d’un scientifique qui affirmait pouvoir prédire les séismes ; ou encore dénoncé l’abus de confiance d’un médecin qui prétendait avoir trouvé un remède miracle contre les cancers.
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