Alors que l'Erythrée présentera pour la première fois un rapport devant la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, RSF dénonce un déni de réalité des autorités et dresse un tableau bien plus sombre de la liberté de la presse dans le pays.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 27 avril 2018.
Alors que l’Erythrée présentera pour la première fois un rapport devant la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de l’Union africaine, Reporters sans frontières (RSF) dénonce un déni de réalité des autorités et dresse un tableau bien plus sombre de la liberté de la presse dans le pays.
Il faut le lire pour le croire. « Le principe fondamental sur lequel repose la charte nationale, la constitution de l’Erythrée de 1997, les réglementations nationales et les déclarations officielles est le droit légitime des citoyens à la liberté d’expression et d’opinion » écrivent les autorités érythréennes dans leur premier rapport d’Etat sur la situation du pays entre 1999 et 2016. Il sera présenté les 28 et 30 avril lors de la 62e session ordinaire de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples à Nouakchott en Mauritanie. Dans un rapport parallèle, rédigé par la section suédoise de RSF et envoyé à la commission, l’organisation souligne l’écart abyssal entre la situation décrite par les autorités érythréennes et la réalité.
« Ce rapport est certes une première, mais il relève du déni de réalité, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Les libertés d’expression et d’information sont inexistantes dans la dictature d’Issayas Afeworki qui reste à ce jour la plus grande prison d’Afrique pour les journalistes. Près de 17 ans après la fermeture des médias indépendants, il est temps que l’Erythrée libère les nombreux nombreux journalistes maintenus en détention arbitraire dans le pays. »
Dawit Isaak est-il encore vivant? A l’instar de plusieurs de ses confrères, le journaliste suédo-érythréen, co-fondateur du journal Setit et lauréat 2017 du prix Guillermo Cano de l’UNESCO, se trouve en prison depuis près de 17 ans sans avoir jamais été inculpé, auditionné ou jugé. Il n’a pas non plus accès à un avocat et ses proches sont sans nouvelle de lui depuis 2005. Dawit Isaak a été arrêté le 18 septembre 2001 avec une dizaine d’autres responsables politiques et de journalistes qui avaient ouvertement questionné la dérive autoritaire du régime.
En 2016, dans une interview accordée à RFI, le ministre des Affaires étrangères érythréen assurait que ces « prisonniers politiques » étaient « tous vivants » et qu’ils seraient jugés « lorsque le gouvernement le décidera. »
L’Erythrée (179e), reste cantonnée à l’avant-dernière place du Classement mondial de la liberté de la presse 2018 établi par RSF. Si une poignée de journalistes étrangers a pu accéder à la capitale Asmara sous garde rapprochée en 2016, seule Radio Erena, composée de 4 journalistes érythréens en exil à Paris, est en mesure d’apporter des informations indépendantes sur le pays.
Lire le rapport de RSF parallèle sur la liberté de la presse en Erythrée.