C’est le premier journaliste à payer de sa vie sa volonté de couvrir l’actualité au Myanmar. Le photoreporter indépendant Soe Naing a été déclaré mort ce matin, à la suite d’un interrogatoire violent, et ce au terme de quatre jours de détention.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 14 décembre 2021.
La mort de Soe Naing, durant un interrogatoire, a été précédée de trois nouvelles arrestations de journalistes. Reporters sans frontières (RSF) appelle la communauté internationale à dénoncer la vague de répression sans précédent qui frappe actuellement les journalistes qui tentent de couvrir l’actualité en Birmanie, et à exécuter en conséquence des sanctions ciblées contre les généraux au pouvoir.
C’est le premier journaliste à payer de sa vie sa volonté de couvrir l’actualité en Birmanie. Le photoreporter indépendant Soe Naing a été déclaré mort ce matin, mardi 14 décembre, à la suite d’un interrogatoire violent, et ce au terme de quatre jours de détention. Il avait été arrêté vendredi 10 décembre, alors qu’il couvrait une manifestation silencieuse organisée dans les rues de Rangoun, dans le quartier de Latha, pour marquer la journée internationale des droits humains.
Il a été interpellé par des militaires en compagnie d’un confrère, Zaw Tun lui aussi photojournaliste pigiste, qui travaille notamment pour l’Agence France-Presse. Selon des informations recueillies par RSF et recoupées par plusieurs sources, dont l’une émanant de sa famille, le corps sans vie de Soe Naing a été remis à ses proches ce matin. Zaw Tun est, pour sa part, toujours maintenu en détention.
Signal d’alarme
“Avec le décès de Soe Naing, un nouveau cap tragique a été franchi ce matin dans la terreur que les militaires birmans exercent à l’encontre des journalistes, déplore le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Cette mort doit servir de signal d’alarme, et pousser la communauté internationale à imposer de nouvelles sanctions ciblées à l’encontre des responsables de la junte au pouvoir depuis février 2021, à commencer par son chef, le général Min Aung Hlaing. Le monde ne peut plus regarder sans rien faire.”
Signe d’un durcissement encore plus fort de la répression qui s’abat actuellement sur les journalistes dans l’ensemble du territoire birman, deux autres reporters ont été arrêtés il y a deux jours, le dimanche 12 décembre.
Aung San Lin, qui travaille pour l’agence Democratic Voice of Burma, a été interpellé par des militaires en pleine nuit, au domicile qu’il occupait dans le village de Pin Zin, à Wetlet, un canton situé près de Mandalay, la grande ville du nord du pays. Selon les informations de RSF, son arrestation a été ordonnée en représailles à un reportage qu’il a récemment publié sur des incendies volontaires perpétrés par des soldats contre des militants pro-démocratie.
54 journalistes détenus
Quelques heures plus tard, à Monywa, une ville située à 100 kilomètres de Mandalay, le reporter Min Theik Tun était à son tour embarqué en compagnie de onze individus, alors qu’il couvrait une manifestation pour une agence de presse régionale, selon le site Mizzima News. Ni lui, ni Aung San Lin, n’ont pu s’entretenir avec un membre de leur famille ni avec un avocat.
RSF a tiré la sonnette d’alarme concernant l’actuelle escalade de la répression contre les journalistes en Birmanie dès la semaine dernière, après l’arrestation violente, le 5 décembre, de deux reporters de la Myanmar Pressphoto Agency, Kaung Sett Lin et Hmu Yadanar Khet Moh Moh Tun. Cette dernière, grièvement blessée lors de son interpellation, serait toujours, d’après les dernières informations disponibles, dans un état de santé critique.
D’après le baromètre mis à jour en permanence par RSF, le nombre de journalistes actuellement maintenus en détention dans les geôles birmanes s’élève désormais à au moins 57.
Le pays se situe à la 140e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF début 2021.