"Ces arrestations rappellent la vague de violations de la liberté de la presse qui a déferlé sur le pays en 2020 lors des manifestations Black Lives Matter, suggérant que les services de police n'ont pas su tirer les bonnes leçons de ces manifestations en ce qui concerne le premier amendement."
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 3 mai 2024.
En une semaine, quatre journalistes ont été arrêtés par la police et quatre autres agressés alors qu’ils couvraient les manifestations sur les campus universitaires. Reporters sans frontières (RSF) condamne cette vague d’arrestations, d’inculpations et de violences à l’encontre de journalistes et demande aux forces de l’ordre et aux responsables d’établissements scolaires de protéger et de respecter les droits de tous les journalistes, y compris ceux des médias étudiants.
Carlos Sanchez couvrait le 30 avril une manifestation à l’Université du Texas à Austin contre la guerre d’Israël contre le Hamas, au cours de laquelle 56 manifestants ont été arrêtés. Bien qu’aucun des manifestants arrêtés n’ait été inculpé en raison de l’absence de cause probable, selon le bureau du procureur du comté de Travis, deux accusations de délit d’agression ont été portées contre le journaliste. Selon l’affidavit du mandat d’arrêt à son encontre, la police allègue que Sanchez “s’est élancé vers” un policier d’État “en le frappant avec son appareil photo”. Cependant, la vidéo de l’arrestation de Sanchez le montre en train de filmer la manifestation et la police en train de rassembler un groupe. Carlos est tiré par son sac à dos et violemment jeté au sol où il est arrêté. “Ils ont dit que j’avais frappé un officier. Je n’ai pas frappé un officier. Ils m’ont poussé”, a déclaré Carlos Sanchez à la chaîne de télévision KXAN.
Le même jour, une journaliste des chaînes de télévision locales KRCRet KAEF, Adelmi Ruiz, a été arrêtée par la police alors qu’elle couvrait une manifestation contre la guerre d’Israël contre le Hamas à l’Université polytechnique de l’État de Californie, Humboldt, dans la ville d’Arcata. Elle a été relâchée et aucune charge n’a été retenue contre elle.
Contacté, le département de la sécurité publique du Texas n’a pas répondu à la demande de commentaire de RSF, mais a déclaré dans un communiqué de presse : “En tant qu’organisme chargé de l’application de la loi, le respect des lois et des libertés des habitants de cet État est notre priorité numéro un. Le département croit fermement au droit d’un journaliste de couvrir les événements de la journée en toute sécurité ; cependant, cela ne dispense pas une personne de respecter la loi ou les règles qui ont été mises en place pour la sécurité d’autrui. Bien que le département comprenne la nécessité d’être sur place, il n’est jamais acceptable d’interférer avec les fonctions officielles de la police et l’agression d’un agent de la loi – quel qu’en soit le degré – ne sera jamais tolérée.”
Le département de la sécurité publique du Texas a également déclaré que ses agents étaient intervenus lors de la manifestation universitaire à la demande de l’université et du gouverneur du Texas, Greg Abbott.
Les étudiants en journalisme deviennent des cibles
Le 1er mai, deux étudiants en journalisme du Dartmouth College, New Hampshire, ont été arrêtés lors d’une manifestation sur le campus de leur université, alors qu’ils se sont identifiés clairement comme membres des médias. La veille, quatre étudiants journalistes du Daily Bruin ont été agressés alors que des contre-manifestants s’opposaient aux manifestations pro-palestiniennes sur le campus de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA). L’un d’entre eux a été hospitalisé.
« Alors que les manifestations se poursuivent sur les campus universitaires américains et au-delà, la police doit respecter le droit des journalistes à couvrir ces manifestations. Ces arrestations rappellent la vague de violations de la liberté de la presse qui a déferlé sur le pays en 2020 lors des manifestations Black Lives Matter, suggérant que les services de police n’ont pas su tirer les bonnes leçons de ces manifestations en ce qui concerne le premier amendement. »
Clayton Weimers, Directeur exécutif du bureau Amérique du Nord de RSF
Une utilisation éhontée des forces de l’ordre contre la presse
La récente série d’arrestations de journalistes s’inscrit dans une tendance où la police et les législateurs ont recours à la force physique et à l’intimidation contre les journalistes qui couvrent les manifestations et les actions de la police.
En août 2023, la police a fait une descente dans une rédaction à Marion, dans le Kansas. Un journaliste de la radio KJZZ à Tucson a été arrêté, mais n’a jamais été inculpé, lors d’une manifestation dans le comté de Pima, en Arizona. Le correspondant de NewsNation, Evan Lambert, a été arrêté alors qu’il couvrait un déraillement de train à East Palestine, dans l’Ohio, en février 2023. Deux journalistes du média local Asheville Blade ont été condamnés pour violation de domicile après avoir couvert un campement de sans-abri dans un parc public de Caroline du Nord la nuit du réveillon de Noël en 2021.
Selon l’Observatoire américain de la liberté de la presse, un nombre record de 146 arrestations et inculpations ont été prononcées à l’encontre de journalistes en 2020, en grande partie en raison des réactions de la police aux manifestations Black Lives Matter qui ont éclaté dans tout le pays.
Les États-Unis occupent la 55e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2024 de RSF.