La MFWA se joint à son partenaire en Gambie, l'Union de la Presse Gambienne, pour demander instamment au président Barrow de faire preuve de tolérance à l'égard de la liberté d'expression et d'apprécier le rôle que jouent les médias et les citoyens au franc-parler comme Jobarteh dans la lutte contre la corruption
Cet article a été initialement publié sur mfwa.org le 17 mai 2022.
La Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) est profondément indignée par les attaques verbales et les menaces proférées en direct sur une chaine de Télé par le président Adama Barrow à l’encontre de l’activiste Madi Jobarteh, et exhorte le dirigeant Gambien à respecter les droits de la liberté d’expression en assurant la sécurité et la protection de l’activiste.
Le président Barrow a remporté l’élection présidentielle de 2021 en Gambie, s’assurant ainsi un second quinquennat après une victoire surprise en 2016 contre l’autocrate Yahyah Jammeh. Des lors, le pays a connu d’importantes améliorations en termes de démocratie et de liberté d’expression.
Cependant, dans un incident allant à l’encontre des récentes tendances progressistes, le président Barrow a verbalement attaqué et menacé Jobarteh, l’un des critiques les plus farouches de son gouvernement, dans un discours retransmis en direct. Le président semblait irrité pendant qu’il manifestait son mécontentement face aux activités médiatiques de l’activiste. Le Président s’adressait aux dirigeants de divers groupes musulmans qui lui avaient rendu une visite de courtoisie à son bureau Présidentiel afin de lui présenter leurs vœux pendant la célébration de l’Eid-ul-Fitr.
S’exprimant dans une langue locale, le président Barrow a accusé l’activiste de vouloir troubler la paix qui règne dans le territoire, en ajoutant que les organisations médiatiques qui lui offrent leurs plateaux sont également nuisibles à la stabilité du pays.
« Il y a des personnes déterminées à tourmenter le gouvernement, à critiquer le gouvernement afin de faire naitre la violence dans le pays, et l’un d’entre eux est Madi Jobarteh. Il fait partie de ceux qui veulent faire sombrer le pays dans le chaos. C’est une personne qui incarne la violence. Tout le monde devrait se méfier de lui. Mon gouvernement doit prendre des dispositions le concernant », aurait déclaré le Président.
L’activiste, qui est régulièrement invité sur plusieurs plateaux médiatiques, notamment à la radio, a lancé illico presto, une alerte à la menace après le discours du président.
« Je viens par la présente déclaration, mettre tous les Gambiens et les importants organismes nationaux et internationaux en garde. Ma vie est actuellement en danger, menacée par le Président de la République Adama Barrow. Dès aujourd’hui, mon destin est entre les mains du Président. Je considère la remarque du président comme une menace de mort », a déclaré M. Jobarteh dans son alerte.
L’activiste a accompagné sa déclaration d’une pétition adressée au Rapporteure spéciale des Nations unies, Mme Irene Khan, au sujet de ces menaces et a demandé à ce que le président Barrow respecte la loi à la liberté d’expression en assurant sa sécurité.
« Je souhaite signaler que je me sens menacé et que je ne me sens plus en sécurité en Gambie et j’espère que votre organisation prendra cette alerte avec toute l’attention qu’elle mérite, afin de tenir le président et le gouvernement Gambien responsables de ma sécurité ainsi que celle de ma famille », a stipulé Jobarteh dans sa pétition du 2 mai 2022.
« Je souhaite vous soumettre une vidéo et sa traduction (toutes deux jointes) d’une partie du discours du président de la République de Gambie, M. Adama Barrow, dans laquelle il s’attaque directement et publiquement à ma personne », a déclaré Jobarteh dans sa pétition adressée à Mme Irene Khan, demandant à son équipe d’exhorter le président et le gouvernement de la Gambie à ne lui porter aucun mal.
S’adressant par téléphone à la MFWA, M. Jobarteh a déclaré qu’il avait été très critique à l’égard du gouvernement du président Barrow et qu’il n’avait pas hésité à demander des comptes sur un certain nombre de questions d’intérêt général liées à la corruption. Il a ajouté que les accusations du Président étaient destinées à le stigmatiser, à l’isoler et à l’intimider.
Les commentaires du président Barrow ont été condamnés par un certain nombre d’organisations et de personnes en Gambie. L’Union de la Presse Gambienne, l’organisation partenaire de la MFWA dans le pays, s’est montrée particulièrement préoccupée par les critiques du Président à l’encontre des médias qui ont donné à Jobarteh un espace pour son activisme.
« Donner la parole à ceux qui demandent des comptes au gouvernement est fondamental pour le rôle de chien de garde des médias qui est garanti par la Constitution Gambienne », a déclaré l’Union de la Presse Gambienne dans une déclaration signée par son président, Muhammed Bah.
« Nous rappelons au président d’assumer sa responsabilité de protéger la liberté de la presse et la liberté d’expression telles que garanties par les lois Gambiennes », a conseillé la GPU.
La MFWA se joint à son partenaire en Gambie pour demander instamment au président Barrow de faire preuve de tolérance à l’égard de la liberté d’expression et d’apprécier le rôle que jouent les médias et les citoyens au franc-parler comme Jobarteh dans la lutte contre la corruption. Nous trouvons la position du président inappropriée et équivalente à une tentative de faire taire l’activiste et les médias. Nous appelons le Président à assurer la sécurité de Jobarteh et de veiller à ce qu’aucun média ne soit persécuté pour avoir offert son plateau à l’activiste.