L’Iran, l’un des pays les plus répressifs au monde en matière de liberté de l’information, occupe la 173e place sur 180 pays du Classement mondial 2014 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
L’arrestation, le 22 juillet 2014, de trois journalistes et photographes américains et iraniens porte à 65 le nombre d’acteurs de l’information actuellement emprisonnés en Iran. Parmi eux, dix femmes, dont trois sont des ressortissantes étrangères. La République islamique d’Iran est devenue la plus grande prison du monde pour les journalistes et net-citoyens femmes.
Reporters sans frontières est vivement préoccupée par la vague de convocations et d’arrestations en Iran visant principalement des femmes journalistes ou net-citoyennes. Actuellement, dix actrices de l’information sont derrière les barreaux, parmi lesquelles sept ont été condamnées à des peines allant de six mois à 20 ans de prison ferme.
Le 22 juillet dernier, trois journalistes et photographes américains et iraniens ont été arrêtés à leurs domiciles de Téhéran. Jason Rezaian, 38 ans, en poste pour le Washington Post à Téhéran depuis 2012, possède les nationalités américaine et iranienne. Son épouse, Yeganeh Salehi, ressortissante iranienne, travaille pour The National, journal basé aux Emirats arabes unis. La troisième journaliste, dont la famille ne souhaite pas révéler l’identité – est une photographe indépendante irano-américaine, qui collabore avec plusieurs médias, parmi lesquels le Washington Post. Son époux, non journaliste, a également été arrêté. On ignore toujours les motifs et les autorités responsables de leur arrestation, ainsi que le lieu de leur détention.
La journaliste et net-citoyenne Sajedeh Arabsorkhi a été convoquée le 18 juillet 2014, par le tribunal d’application des peines de la prison d’Evin afin de purger une peine d’un an de prison ferme, pour “publicité contre le régime”. Elle avait été plusieurs fois convoquée et interrogée par les agents des renseignements des Gardiens de la révolution depuis son retour en Iran en septembre dernier. “Elle a été condamnée par contumace quand elle résidait en France. Elle était légalement sortie d’Iran, sans poursuite engagée à son encontre. Les problèmes ont commencé à son retour dans le pays”, a déclaré sa mère. Sajedeh Arabsorkhi est la fille de l’ancien prisonnier politique Fazlollah Arabsorkhi, membre de la direction d’un parti réformateur.
Marzieh Rasouli a été renvoyée en prison, le 8 juillet 2014, pour purger sa peine de deux ans de prison ferme et recevoir 50 coups de fouet. Le 21 juin, Rihaneh Tabatabai, ancienne journaliste du quotidien Shargh, condamnée à un an de prison, a à son tour été incarcérée. Mahnaz Mohammadi, journaliste documentariste, a, quant à elle, été emprisonnée le 7 juin 2014, pour purger une peine de cinq ans de prison ferme.
L’organisation est particulièrement inquiète pour le sort de la journaliste du mensuel Téjarat-é-Farda et du quotidien Etemad, Saba Azarpeyk, arrêtée le 28 mai 2014, dont on ignore toujours le lieu de détention ainsi que l’autorité responsable de son arrestation, et ce en violation des lois nationales et internationales en vigueur. Son procès s’est tenu les 20 et 21 juillet devant la 28e chambre du tribunal de la révolution de Téhéran en l’absence de son avocat. Ce dernier a déclaré aux médias “qu’il n’avait pas été informé de la date du procès, mais d’après les informations recueillies, l’actuel procès est en lien avec une précédente arrestation de la journaliste”. Saba Azarpeyk avait été l’une des victimes, en janvier 2013, du “Dimanche noir ”, répression qui avait frappé les milieux journalistiques et avait conduit à l’arrestation de 19 journalistes.
Selon les informations recueillies par Reporters sans frontières, cette jeune journaliste est sous une forte pression en raison de ses enquêtes sur les médias dirigés et financés par les Gardiens de la révolution et les agents du ministère des Renseignements. Ces deux organes sécuritaires – connus pour leur proximité avec la justice iranienne – maintiennent depuis 50 jours cette journaliste à l’isolement, dans un lieu de détention secret, en violation de toutes les lois nationales et internationales. Sa famille – à l’occasion d’une courte visite autorisée pendant son procès – a été choquée de la voir physiquement et psychologiquement très affaiblie.
Ressortissantes étrangères en prison
Trois des dix actrices de l’information actuellement emprisonnées en Iran sont des ressortissantes étrangères : la photographe américaine arrêtée le 22 juillet dernier, dont la famille ne souhaite pas révéler l’identité ; mais aussi Roya Saberi Negad Nobakht, irano-britannique, et Farideh Shahgholi, germano-iranienne, arrêtées pour leurs activités sur les réseaux sociaux notamment Facebook. Jusqu’à ce jour, les autorités britanniques et allemandes n’ont pas fait de déclaration officielle sur la détention de leurs ressortissantes.
Emprisonnée depuis octobre 2013, Roya Saberi Negad Nobakht avait été condamnée à 20 ans de prison, le 27 mai 2014,par la 28ème chambre du Tribunal de la révolution de Téhéran. Agée de 47 ans, elle est accusée d’“insulte envers l’islam et de menace à la sécurité nationale” pour avoir écrit sur sa page Facebook qu’“Ici [en Iran, ndr] tout est trop religieux.” Le même jour, sept autres net-citoyens, parmi lesquels la net-citoyenne Naghmeh Shahi Savandi Shirazi, ont été condamnés à sept ans et 91 jours de détention.
La net-citoyenne Farideh Shahgholi a été emprisonnée, le 22 mai 2014, pour purger une peine de trois ans de prison ferme. Installée en Allemagne depuis 25 ans, elle avait été arrêtée en 2011 en Iran alors qu’elle rendait visite à sa famille. Accusée de “publicité contre le régime et insulte envers le Guide suprême Ali Khamenei”, pour des propos tenus sur sa page Facebook, elle a été condamnée illégalement par la 28ème chambre du Tribunal de la Révolution de Téhéran.
“Avec 65 journalistes et net-citoyens emprisonnés, l’Iran est toujours l’une des cinq plus grandes prisons du monde pour les professionnels de l’information. Le pays est également la première prison du monde pour les femmes journalistes et net-citoyennes. La justice, complice des Gardiens de la révolution et du ministère des Renseignements, bafoue les droits des professionnelles de l’information. Les promesses du président Hassan Rohani de libérer tous les prisonniers d’opinion sont restées lettre morte. Son silence facilite cette répression contre la liberté d’information. Garant de l’application de la Constitution, il est responsable du sort de l’ensemble des personnes présentes sur le sol iranien”, déclare Reza Moini, responsable du bureau Iran/Aghfanistant/Tadjikistan de Reporters sans frontières.
L’Iran, l’un des pays les plus répressifs au monde en matière de liberté de l’information, occupe la 173e place sur 180 pays du Classement mondial 2014 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.