JED invite le gouvernement à trouver une juste mesure entre les impératifs de sécurité et de défense nationale et le droit légitime du public d'être informé par des sources diversifiées.
(JED/IFEX) – Journaliste en Danger (JED), organisation indépendante et non partisane de défense et de promotion de la liberté de la presse, condamne vigoureusement l’interdiction de diffusion, le 20 juillet 2009 à Kisangani, capitale de la province Orientale au nord-est de la RDC, du film documentaire « Katanga Business » et l’interpellation par l’ANR (Agence Nationale des Renseignements) de son réalisateur, le belge Thierry Michel.
« Katanga Business » est le dernier documentaire du réalisateur belge consacré à la ruée vers l’exploitation minière dans la riche province du Katanga, dans le sud-est de la RDC. Un des acteurs principaux de ce mélodrame est le gouverneur de la province Moïse Katumbi, richissime homme d’affaires de la province, massivement élu député national et provincial avant d’être élu gouverneur.
A Kisangani, une première projection prévue de longue date au campus de l’Université de Kisangani a été interdite, en dernière minute, par les autorités académiques au motif que ce documentaire ne cadrait pas avec le cursus de cette université. Le même soir, une autre projection à l’espace culturel Ngoma a été brusquement interrompue, trente minutes après le début de la projection, par le maire de la ville de Kisangani. Pourtant, la veille, dans la même salle, le film avait été projeté, sans incident, pour un public VIP composé des personnalités politiques locales.
Contacté à Bruxelles par JED, Thierry Michel a déclaré que « le film avait été présenté en RDC plus de vingt fois dans quatre provinces, dont sept villes. » Cette tournée avait pour objectif de créer un renouveau de la diffusion cinématographique en RDC et s’inscrivait dans la logique de celle qu’il avait effectuée, il y a de cela trois ans, avec le film « Congo River ».
JED ne peut pas comprendre que ce film documentaire retraçant les hauts et les bas de l’exploitation minière dans le Katanga soit subitement interdit au public de Kisangani alors qu’il a été normalement projeté dans plusieurs villes du pays dont Kinshasa et Lubumbashi. JED estime qu’il s’agit là d’un abus de pouvoir qui, s’il n’est pas sanctionné, indiquerait une caution morale des autorités nationales.
JED constate également, en marge de cette violation du droit du public à l’information, que, depuis le lancement de l’opération militaire Kimia 2 contre les rebelles rwandais FDLR, le gouvernement a renforcé de manière drastique les conditions de travail des journalistes étrangers en RDC et particulièrement dans les provinces de l’est du pays. Un journaliste belge qui sollicitait, mi-juillet 2009, un visa pour un reportage en RDC ne l’a pas obtenu simplement parce qu’il avait refusé d’indiquer dans son formulaire les noms de toutes les personnes qu’il comptait interviewer en RDC.
Bien plus, une équipe de la télévision belge flamande VRT a vu son accréditation signée par la secrétaire générale du ministère de la Communication et des Médias rejetée par les services de sécurité à l’est de la RDC. L’équipe de télévision a dû attendre qu’une autre accréditation soit signée par le ministre de la Communication et des Médias en personne. Sur les nouvelles accréditations (dont le coût est de 250 dollars) délivrées aux journalistes de la presse étrangère, une nouvelle disposition tirée du Code Pénal militaire interdit « toute expression injurieuse dirigée contre les officiers, les sous-officiers, et hommes de rang des forces armées sans indiquer les personnes visées ». Les bénéficiaires de la nouvelle accréditation devront également « s’abstenir de donner lieu à des incitations des membres des forces armées à commettre des actes contraires au devoir et à la discipline militaire ou à la fourniture de fausses informations et de démobilisation de l’armée ». Un responsable du ministère de la Communication et des Médias a même évoqué la possibilité pour l’ANR ou l’armée d’accompagner les journalistes dans leur travail.
JED constate qu’avec ces nouvelles dispositions, l’accréditation des journalistes étrangers cesse d’être un simple acte administratif pour devenir un acte politique qui va avoir une incidence majeure sur la liberté des journalistes de rechercher, de traiter et de diffuser l’information. JED invite le gouvernement à trouver une juste mesure entre les impératifs de sécurité et de défense nationale et le droit légitime du public d’être informé par des sources diversifiées.