(JED/IFEX) – Ci dessous, un communiqué de presse de JED, daté du 10 décembre 2000 : 10 décembre 2000 : 52 ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme Concerne : publication Rapport 2000 sur la liberté de la presse en RD Congo La communauté internationale commémore, le dimanche 10 décembre 2000, le […]
(JED/IFEX) – Ci dessous, un communiqué de presse de JED, daté du 10 décembre 2000 :
10 décembre 2000 : 52 ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme
Concerne : publication Rapport 2000 sur la liberté de la presse en RD Congo
La communauté internationale commémore, le dimanche 10 décembre 2000, le 52 ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme (Dudh). C’est de ce texte, d’une portée universelle et auquel la RD Congo a adhéré, que sont tirés les principes qui garantissent la liberté d’expression, et partant la liberté de la presse. L’article 19 de ce document a été repris aussi par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. C’est dire toute l’importance que l’humanité accorde à la liberté d’expression en tant que moteur d’épanouissement de l’homme et du développement des nations.
Pour la troisième année consécutive, Journaliste en danger (JED), organisation non gouvernementale de défense de la liberté d’expression, rend public, en ce jour anniversaire, son Rapport 2000 sur la liberté de la presse en RD Congo. Ce rapport, qui a la prétention de reprendre tous les cas de violation de la liberté de la presse, a été, cette année, préfacé par un grand nom du journalisme : Christine Ockrent.
Première femme présentatrice du journal télévisé sur Antenne 2 dans les années 1980 et Rédactrice en chef de L’Express au début des années 1990, Christine Ockrent – qui est à ce jour présentatrice du journal de la nuit sur France 3 – a accepté, volontiers, de laisser parler son cÅur sur la liberté de la presse. Elle considère, à juste titre, que la liberté de la presse est un droit majeur. Les médias ont un tel poids que chacun a pris conscience, pour le meilleur et pour le pire, qu’ils sont un contre-pouvoir capable de rivaliser avec la toute puissance des Etats. C’est dangereux et inquiétant pour ceux qui exercent le métier d’informer.
Ce danger, les journalistes congolais l’ont affronté tout au long de cette année qui touche à sa fin. 42 (quarante-deux) journalistes au moins ont été privés de leur liberté cette année pour des plus ou moins longues périodes. 40 l’ont été à Kinshasa, Lubumbashi, Tshikapa et Matadi; et 2 dans les territoires occupés de l’est de la RD Congo. Plus grave, au Nord Kivu, un journaliste, cameraman free-lance, Crispin Kandolo, a été tué dans le Parc de Kahuzi Biega alors qu’il travaillait pour le compte d’un groupe d’experts de l’Unesco. Ses assaillants lui ont refusé même le droit à une sepulture. Son corps a été brulé ainsi que ceux des autres membres de l’équipe.
A Kinshasa, au moment où on célèbre le 52 ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, 4 (quatre) journalistes sont en prison pour avoir exercé leur métier. Freddy Loseke Lisumbu La Yayenga, éditeur de l’hebdomadaire La Libre Afrique, a été arrêté depuis le 31 décembre 1999. Il a été jugé et condamné par une cour d’exception, la Cour d’ordre militaire (COM), pour outrage à l’armée. Loseke avait écrit, fin décembre 1999, deux articles faisant état d’un complot contre le chef de l’Etat. Il doit purger 3 ans de prison ferme.
Emile-Aimé Kakese Vinalu, éditeur du journal Le Carrousel, a été arrêté depuis le 23 juin 2000. Il a été jugé et condamné, lui aussi par la COM, pour « trahison ». Le Carrousel avait publié trois articles, dont un éditorial, qui invitait l’opposition interne non armée à s’unir. Pour le procureur militaire, l’appel à l’union de l’opposition est une incitation à la révolte contre l’autorité établie. Kakese doit purger 2 ans de prison ferme.
Jean-Pierre Ekanga Mukuna, directeur de La Tribune de la Nation, a été arrêté le 17 août 2000, en pleine audience de l’affaire Kakese, alors qu’il avait été cité à témoigner. Il a été condamné à 2 ans de prison ferme parce qu’il travaille pour un journal manifestement hostile au pouvoir.
Bonsange Ifonge dit Feu d’Or, journaliste à L’Alarme, a été arrêté le 12 novembre 2000 et conduit, trois semaines après, au CPRK (Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa, ex-Prison centrale de Makala). Il a été inculpé d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat par la COM. Son procès n’a pas encore été fixé. L’article incriminé (Tshisekedi déclare: Kabila tombe le 15 décembre 2000) non seulement n’est pas de Bonsange mais aussi il a été publié par un autre journal, L’Alerte Plus.
En outre, le rapport 2000 constate que 15 journalistes ont été arrêtés pour des périodes dépassant les 48 heures et qu’ils ont été libérés par la suite avec ou sans jugement. 23 autres journalistes ont été privés de leur liberté pour des périodes ne dépassant pas 48 heures. Au moins 14 journalistes ont déclaré à Journaliste en danger (JED) avoir été maltraités ou torturés pendant leur incarcération. Les menaces et les harcèlements, 8 journalistes les ont vécus. Les plus scandaleuses viennent de la chaîne publique RTNC (Radiotélévision nationale congolaise) qui a diffusé, contre deux journaux indépendants – Le Potentiel et Le Phare – des éditoriaux pamphlétaire. Des appels au meurtre contre des journalistes de ces médias. (Voir détails dans les tableaux en pages 47, 48 et 49).
La répression n’épargne pas, paradoxalemente, les médias proches du pouvoir. Les fervents lecteurs du quotidien L’Avenir, au pays et dans le monde via Internet, ont été privés de leur journal pendant trois jours. Ce quotidien, parmi les seuls qui possèdent en propre, et ce à partir de Kinshasa, un site Internet, a été secoué par une rafle de son personnel et du matériel informatique opérée par des éléments des Forces armées congolaises. Cette affaire de L’Avenir démontre à suffisance comment, dans notre pays, la présomption d’innocence n’existe pas. Tout le monde est coupable. Dès le moindre soupçon, on procède à l’arrestation, à la confiscation et on vérifie les faits après. Qui peut imaginer aujourd’hui le manque à gagner non seulement pour le journal mais surtout pour le pays.
Le plus gros scandale de cette année reste l’expropriation de RTKM pour finalement des raisons politiques non autrement expliquées, et le retour en force du culte de la personnalité dans le pur style des années du parti-Etat. Près de trois heures par jour de messages et spots de propagande ont été insérés dans la nouvelle grille imposée par le ministère de la communication à la chaîne RTKM, rebaptisée RTNC 4. Les congolais l’ont vécu le 27 novembre 2000 à l’occasion de… l’anniversaire du chef de l’Etat. Toutes les chaînes, même confessionnelles, ont chanté à l’unisson.
Les congolais se souviennent encore, pourtant, de cette belle anecdote qui se serait déroulée en 1997 sur le navire sud-africain Outeniqua, à l’occasion d’une des deux face-à -face Kabila-Mobutu, sous la médiation du président Nelson Mandela. Cette histoire rocambolesque a été racontée, à plusieurs reprises, par le président Laurent-Désiré Kabila lui-même, qui n’arrêtait pas d’en rire à gorge déployée. Ce jour-là , aux larges des côtes congolaises (Brazzaville), Kabila, dont les troupes étaient aux portes de Kinshasa, regardant un Mobutu malade, lui aurait dit: « Mobutu…qui t’a fait dieu ? Qui t’a dit que tu étais dieu ? ». La réponse n’est, certes, jamais venue. Le léopard n’était plus le léopard. Le dieu était mort laissant place à un homme seul… ruiné par la maladie.
Si Mobutu avait eu la force de répondre à un Kabila triomphant, il est certain qu’il lui aurait demandé de suivre son regard. Et ce regard aurait tourné vers les collaborateurs d’avant hier, d’hier et de ce jour-là . Ce sont ces collaborateurs-là – dont certains avaient déjà quitté le bateau qui prenait eau de toute part – qui l’ont fait descendre des nuées en lui faisant croire qu’il était sorti de la cuisse de Jupiter et qu’il était infaillible. Jusqu’au jour où il a fui le pays sous la pression des petits hommes verts de Kabila, applaudis par la quasi totalité du peuple congolais.
Pour fabriquer ce dieu-homme, les collaborateurs eurent besoin des médias selon une célèbre expression : « il faut matraquer fort et le message finira par passer ».
Fait à Kinshasa, le 10 décembre 2000.