La journaliste a été interrogée sur son travail à Radio Igicaniro, qui, selon les agents, soutient des groupes d’opposition, a déclaré la personne qui connaît bien son dossier. Les agents ont également accusé Irangabiye de collaboration avec des groupes d’opposition armés et d’espionnage
Cet article a été initialement publié sur cpj.org le 4 novembre 2022.
Le Comité pour la protection des journalistes a appelé vendredi à la libération immédiate et inconditionnelle de la journaliste burundaise Floriane Irangabiye, détenue depuis plus de deux mois sans avoir été officiellement inculpée.
Irangabiye est commentatrice et animatrice d’une émission de débat sur Radio Igicaniro, une station radio basée au Rwanda qui diffuse des commentaires critiques et des débats sur la politique et la culture burundaises, selon le rédacteur en chef de Radio Igicaniro, Arsène Bitabuzi, qui s’est entretenu avec le CPJ via une application de messagerie, un reportage publié sur Facebook par la station burundaise en exil Radio Publique Africaine (RPA), et l’examen par le CPJ du contenu radio d’Igicaniro publié sur YouTube, SoundCloud, Facebook et distribué via WhatsApp.
À la mi-août, Irangabiye a quitté le Rwanda, où elle vit depuis 2009, pour rendre visite à sa famille au Burundi, selon une personne qui connaît bien son dossier et qui s’est entretenue avec CPJ sous couvert d’anonymat par crainte de représailles. Le 30 août, le personnel des services de renseignement de la capitale Bujumbura a arrêté un véhicule dans lequel se trouvait Irangabiye et l’a placée en détention, selon cette personne et Bitabuzi. Irangabiye est toujours détenue mais n’a été officiellement inculpée d’aucun délit, selon Bitabuzi, les médias et Radio Igicaniro.
« Après deux mois, l’incapacité des autorités à inculper de manière crédible Floriane Irangabiye de quel que crime que ce soit est la preuve que cette affaire est en représailles à ses commentaires et opinions critiques », a déclaré Muthoki Mumo, représentant du CPJ pour l’Afrique subsaharienne. « Floriane Irangabiye doit être libérée immédiatement et autorisée à poursuivre sa vie et son travail sans autre ingérence. Le gouvernement burundais doit également demander des comptes aux agents responsables de sa détention arbitraire et des mauvais traitements qu’elle a subis derrière les barreaux. »
Irangabiye a d’abord été détenue au siège du renseignement à Bujumbura, où elle s’est vu refuser l’accès à sa famille et à un avocat, puis a été interrogée sur son travail à Radio Igicaniro, qui, selon les agents, soutient des groupes d’opposition, a déclaré la personne qui connaît bien son dossier. Les agents ont également accusé Irangabiye de collaboration avec des groupes d’opposition armés et d’espionnage, selon un article de VOA et l’organisation de défense des droits de l’homme ACAT-Burundi. La personne qui connaît bien son dossier a déclaré qu’au moins un agent du renseignement avait agressé sexuellement Irangabiye alors qu’elle était détenue au siège du renseignement, en lui tripotant les fesses et les seins.
Dans un communiqué envoyé via une application de messagerie en réponse aux questions du CPJ sur l’agression sexuelle et le fait de savoir si le gouvernement ouvrirait une enquête, le procureur général du Burundi, Sylvestre Nyandwi, a qualifié l’allégation d’abus sexuel de « non fondée » et de « prolongement des actes préjudiciables (d’Irangabiye) envers l’État burundais visant à ternir son image ».
Le 8 septembre, Irangabiye a comparu devant un tribunal de Bujumbura, où des responsables l’ont accusée d’avoir porté atteinte à l’intégrité de l’État, sans pour autant l’inculper officiellement, ont déclaré APR et la personne qui connaît bien son dossier. Irangabiye a ensuite été transférée à la prison de Mpimba, dans le centre du Burundi. Fin septembre, elle a été transférée à la prison de Muyinga, dans le nord du Burundi, où elle est autorisée à recevoir des visites de sa famille, selon Radio Igicaniro et cette personne.
Lors d’une comparution devant le tribunal le 28 octobre à Muyinga, Irangabiye a de nouveau été accusée d’atteinte à l’intégrité nationale du Burundi, mais a également été accusée d’exercer son métier sans accréditation de journaliste, selon la personne qui connaît bien son dossier et Radio Igicaniro. Les procureurs ont demandé plus de temps pour rassembler des preuves et ne l’ont pas officiellement inculpée, a déclaré cette personne.
Le procureur général Nyandwi a déclaré que la détention provisoire d’Irangabiye était conforme au code de procédure pénale du Burundi, qu’elle avait été sanctionnée par un juge et que les autorités attendaient qu’un tribunal statue sur le cas après l’étape préliminaire de l’affaire.
La programmation de Radio Igicaniro est très critique à l’égard du gouvernement burundais, d’après l’examen de son contenu par le CPJ. Dans certaines émissions de Radio Igicaniro que le CPJ a passées en revue, Irangabiye participait à titre de modératrice, d’animatrice ou de commentatrice de débat, et critiquait la mauvaise gouvernance et les violations des droits de l’homme par le gouvernement burundais et appelait à une réforme dans le pays.
Pierre Nkurikiye, porte-parole du ministère burundais de l’Intérieur et de la Sécurité publique, n’a pas répondu aux appels du CPJ ni aux demandes envoyées par le biais de SMS et d’une application de messagerie.