La loi entérine au Mali un climat politique dans lequel la liberté d'expression est de plus en plus restreinte.
Cet article a été initialement publié sur hrw.org le 14 mai 2025.
Le multipartisme a été supprimé à la suite d’attaques ciblant des opposants
Cette semaine, le Conseil national de transition du Mali a adopté un projet de loi qui supprime de fait le multipartisme dans le pays. La nouvelle loi interdit officiellement les réunions politiques, ainsi que les discours et les organisations de l’opposition. Cette mesure n’est malheureusement pas surprenante, compte tenu des récentes attaques de la junte militaire contre l’opposition politique.
La loi entérine au Mali un climat politique dans lequel la liberté d’expression est de plus en plus restreinte. Quelques jours auparavant, la Haute Autorité de la Communication (HAC), l’organe de régulation des médias du pays, avait suspendu TV5Monde, une chaîne de télévision francophone internationale, parce que les autorités estimaient qu’un de ses reportages sur les manifestations anti-junte du 3 mai 2025 dans la capitale, Bamako, était « partial » et « déséquilibr[é] ». La HAC a également accusé TV5 de « diffamation des Forces armées et de sécurité ».
Cette nouvelle loi coïncide aussi avec les emprisonnements et disparitions forcées récentes de plusieurs opposants politiques, activistes et dissidents par la junte.
Le 8 mai, deux dirigeants de l’opposition politique, Abba Alhassane et El Bachir Thiam, ont disparu, suscitant des craintes qu’ils n’aient été victimes de disparitions forcées. Aucune information n’a filtré sur le lieu où ils se trouvent, ce qui suscite des inquiétudes quant à leur sécurité.
Trois jours plus tard, Abdoul Karim Traoré, le vice-président du bureau des jeunes du parti d’opposition Convergence pour le développement du Mali (CODEM), a disparu à Bamako. Comme Abba Alhassane et El Bachir Thiam, Abdoul Karim Traoré avait participé aux manifestations du 3 mai. Il a été témoin de l’enlèvement d’Abba Alhassane et l’a publiquement dénoncé. Les médias internationaux ont rapporté qu’Abdoul Karim Traoré serait détenu par des agents de la sûreté de l’État.
Un jour avant la disparition d’Abdoul Karim Traoré, des hommes non identifiés ont agressé le militant prodémocratie Cheick Oumar Doumbia à Bamako, qui avait également participé aux manifestations. Les militants pro-junte ont de plus en plus souvent appelé à la violence contre les militants prodémocratie et ceux qui ont participé aux manifestations.
Lundi, Abdrahamane Diarra, secrétaire à la communication du parti d’opposition l’Union pour la République et la Démocratie (URD), a été arrêté et interrogé par les forces de sécurité à Bamako. Abdrahamane Diarra, qui s’était ouvertement exprimé contre la dissolution des partis politiques au Mali, a été libéré par la suite, mais le message des autorités est devenu très clair : l’espace pour exprimer de quelconques critiques est en train de disparaitre.
Ces dernières semaines ont été marquées par des jours sombres au Mali, où les autorités militaires ont de nouveau fait monter la pression sur les militants qui prônent le retour à un régime civil démocratique. La junte devrait plutôt libérer les personnes injustement détenues, et respecter le droit à la liberté d’expression.