(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières est sous le choc de la condamnation d’Aboubakr Jamai et de Fahd Iraqi, respectivement directeur de la publication et secrétaire de rédaction du « Journal Hebdomadaire », à une amende de 3 millions cent mille dirhams (284 000 euros) pour « diffamation ». Cette somme qui est la plus élevée jamais prononcée contre des […]
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières est sous le choc de la condamnation d’Aboubakr Jamai et de Fahd Iraqi, respectivement directeur de la publication et secrétaire de rédaction du « Journal Hebdomadaire », à une amende de 3 millions cent mille dirhams (284 000 euros) pour « diffamation ». Cette somme qui est la plus élevée jamais prononcée contre des journalistes au Maroc, correspond à 143 années de salaire minimum marocain.
« A travers cette sentence démesurée, la justice veut faire taire l’une des meilleures publications indépendantes du Maghreb où la presse est trop souvent aux ordres du pouvoir », a déclaré Reporters sans frontières.
« Les autorités marocaines ne reculent devant rien et l’asphyxie des journaux et des journalistes est leur nouvelle arme. Après avoir condamné Ali Lmrabet à dix ans d’interdiction d’exercer dans le pays, après avoir condamné, en moins de trois mois, l’hebdomadaire « Tel Quel » à un total de 177 000 euros d’amendes pour diffamation, c’est au tour du « Journal » de faire les frais de cette politique de mise à mort de la presse d’investigation ».
« En instrumentalisant une pseudo ONG basée à l’étranger, le pouvoir rappelle aux journalistes les lignes rouges à ne pas franchir. Ainsi tout ce qui touche au Palais ou au Sahara occidental est tabou ».
La plainte ayant conduit à la condamnation du « Journal Hebdomadaire » a été déposée par le Centre européen de recherche, d’analyse et de conseil en matière stratégique (ESISC) suite à la publication par le « Journal Hebdomadaire », d’un dossier mettant en cause l’objectivité d’une étude critique effectuée par cet « institut » sur le Polisario, un mouvement sécessionniste sahraoui qui revendique l’indépendance du Sahara Occidental.
Condamnés à une amende de 50000 dirhams (5000 euros) chacun au pénal, Aboubakr Jamaî et Fahd Iraqi ont été condamnés à une amende de 3 millions dirhams (300 000 euros) au civil, le 16 février 2006. Le tribunal de première instance de Rabat les a également condamnés à une astreinte à publier les attendus du jugement dans trois hebdomadaires, « Le Journal Hebdomadaire », « Maroc Hebdo » et « El Ousboue ». Les avocats des deux journalistes ont annoncé qu’ils allaient faire appel.
Contacté par Reporters sans frontières, le directeur du « Journal Hebdomadaire », Ali Amar, a déclaré qu’à « aucun moment, la plaidoirie ne s’est focalisée sur l’objet présumé de la diffamation. L’avocat du plaignant a déclaré qu’il s’agissait en réalité d’un procès politique et donc par conséquent le tribunal était invité à juger la ligne éditoriale et les opinions du journal et non pas l’objet de la plainte. Pour preuve, l’avocat de ce centre a utilisé comme pièce à conviction d’anciennes unes du journal qui traitaient de sujets sensibles, en arguant du fait que la publication écornait l’image du Maroc à l’étranger. »