La justice doit renoncer à imposer à ces sites la mise en place d'un filtrage systématique et des mesures qui seraient très dommageables pour la liberté d'expression en ligne, souligne RSF.
(RSF/IFEX) – Le 9 février 2012 – Plusieurs entreprises du Net, dont les filiales indiennes de Google et Facebook, ont annoncé, le 6 février 2012, avoir cédé aux injonctions de la justice indienne et supprimé de leurs domaines indiens certains contenus jugés « offensants ». Ce jour-là, lors d’une audience devant un tribunal civil de New Delhi, le juge a demandé aux 22 sociétés de rendre sous quinze jours un rapport détaillé sur les mesures prises pour bloquer les contenus « choquants ». Les entreprises (parmi lesquelles Google, Yahoo !, Facebook, Youtube, Blogspot, le réseau social Orkut et le forum Exbii) avaient jusqu’au 6 février 2012 pour supprimer des éléments « répréhensibles ». Le juge avait déjà menacé de mettre en place des blocages « comme en Chine » pour les plateformes web récalcitrantes.
« La surenchère dans le « nettoyage » et la surveillance du Net indien ne semble pas s’essouffler. Nous appelons la justice indienne à se garder de toute injonction abusive, comme elle a pu le faire en ordonnant aux entreprises du web de purger leurs plateformes de tout contenu « choquant ». Elle doit renoncer à imposer à ces sites collaboratifs la mise en place d’un filtrage systématique et a priori de certains contenus jugés « répréhensibles », des mesures qui seraient très dommageables pour la liberté d’expression en ligne. La dernière législation en date sur le sujet, les « IT Rules », doivent être amendées pour ne pas devenir un instrument de censure liberticide », a déclaré Reporters sans frontières.
Un porte-parole de Google Inde a annoncé, le 6 février 2012, que les contenus « offensants » avaient été déréférencés du moteur de recherche indien, et supprimés des domaines indiens de Youtube, Blogger et Orkut. La nature exacte de ces éléments n’a pas été communiquée. Il s’agirait d’images offensantes à l’égard de certaines religions (« anti-religious » material). Reporters sans frontières demande à l’entreprise de détailler les contenus concernés dans le Google Transparency Report, où elle répertorie les cas de suppression d’éléments sur demande gouvernementale.
La société-mère Facebook a pour sa part déclaré qu’elle ne pouvait se plier aux exigences de la justice indienne car ses serveurs sont situés aux Etats-Unis. Yahoo !, Microsoft et Google ont également demandé à ce que les accusations portées contre leurs services soient retirées car ils ne sont pas responsables des contenus hébergés sur leurs domaines indiens.
En parallèle de cette procédure civile, des poursuites pénales ont été lancées contre ces mêmes entreprises du Net par Vinay Rai, un journaliste hindou, toujours au motif qu’elles hébergent des contenus « choquants ». Google Inde a fait appel et saisi la Haute Cour de Delhi, le 23 décembre 2011. Reporters sans frontières appelle la cour à ne pas faire porter sur les entreprises la responsabilité des contenus postés par des tiers sur les plateformes web, et à abandonner les poursuites pénales. Une audience est prévue le 14 février prochain.
Les autorités accentuent leur contrôle de l’information sous prétexte de purger le web indien de tout contenu pouvant attiser les tensions religieuses et sociales. Selon les IT Rules mises en place en 2011, les entreprises du Net doivent supprimer tout contenu interdit dans les 36 heures suivant la notification des autorités, sans décision judiciaire préalable, ce qui devrait normalement être le cas.
L’Inde a perdu neuf places dans le classement mondial de la liberté de la presse 2011-2012 établi par Reporters sans frontières, et se situe désormais à la 131ème place sur 178 pays.