Ce nouveau projet de loi est considéré comme une régression majeure par rapport aux acquis réalisés par rapport à la liberté d’expression ainsi que les processus démocratiques post-conflit en cours.
Cet article a été initialement publié sur mfwa.org le 11 mai 2017.
Le 5 Mai 2017, le gouvernement de la Cote d’Ivoire a présenté un nouveau projet de loi sur la presse qui contient des dispositions répressives sur les délits de presse devant l’Assemblée Nationale du pays. La présentation du projet de loi a donné lieu à des protestations spontanées et des condamnations de la part de la communauté de la presse et des organisations de la défense de la liberté d’expression dans le pays.
Le 3 Mai 2017, lors de la célébration mondiale de la journée de la liberté de la presse, les membres des organes de presse et des organisations de plaidoyer de la liberté d’expression ont manifesté pour dénoncer l’imminente présentation de la loi controversée. Ce nouveau projet de loi est considéré comme une régression majeure par rapport aux acquis réalisés par rapport à la liberté d’expression ainsi que les processus démocratiques post-conflit en cours.
Des sections de ce nouveau projet de loi prescrivent des termes d’emprisonnement allant jusqu’à trois ans pour certaines délits par voie de presse. La proposition de loi, si elle est votée, imposera également des amendes allant jusqu’à 3,000,000 Francs CFA (équivalent à US$4,988 ) pour d’autres délits. Dans un pays où la liberté de presse fait face déjà à de nombreux défis juridiques et à des restrictions non-légales, le projet de loi, si elle est votée, pourrait avoir davantage un effet néfaste sur les médias.
Une disposition du nouveau projet de loi considérée comme très large stipule comme suit que toute personne: «est puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 300,000 à 3,000,000 de francs, quiconque par voie de presse ou par tout autre moyen de publication: incite au vol et au pillage, au meurtre, à l’incendie et à la destruction par quelque moyen que ce soit, de biens publics et privés, à toutes formes de violences exercées à l’encontre de personnes physiques et morales ainsi que sur les biens, ou à l’apologie des mêmes crimes et délits ; incite à la xénophobie, à la haine religieuse, à la haine raciale et à la haine sous toutes ses formes ; fait l’apologie des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de génocides ou de collaborations avec l’ennemi ; incite les militaires et des forces de l’ordre à l’insoumission et à la rébellion ; porte atteinte à l’intégrité du territoire national, à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat».
Tandis qu’il apparait logique que toute personne, y compris les journalistes, qui commettent l’une de ces infractions ci-dessus mentionnées doit répondre de son acte, la disposition ci-dessus est sujette à de larges interprétations subjectives et peut être exploitée par des politiciens et des personnes influentes pour régler des comptes à des journalistes critiques. Ceci en retour, a le potentiel de contraindre les médias à l’autocensure.
De surcroit, les articles 174 et 175 du Code Pénal Ivoirien prennent adéquatement en question de telles infractions. Un nouveau projet de loi visant particulièrement les médias est donc très alarmant étant donné que cela suggère une nouvelle volonté des autorités d’ «en découdre avec» les médias.
La disposition de ce nouveau projet de lois pour la presse est particulièrement inquiétante étant donné que cela vise à remplacer la loi de la presse existante de 2004, qui stipule sans équivoque que les délits de presse ne doivent pas donner lieu à de l’emprisonnement.
«Cette loi, nous nous en méfions. En tout cas, il y a quelques articles qui nous dérangent », a fait savoir Moussa Traore, le président de l’Union Nationale des Journalistes de la Cote d’Ivoire (UNJCI).
La MFWA est préoccupée à propos du vote prévu de la loi répressive. «Les médias ivoiriens font face déjà à de nombreuses formes de répressions y compris la suspension fréquente des organes des médias par l’autorité de régulation de la presse et les attaques sur les journalistes» a dit Sulemana Braimah, Directeur Exécutif de MFWA.
La loi en perspective est une autre législation qui paralysera davantage les médias dans le pays et cela n’augure rien de bon pour la reconstruction post-conflit en cours et la consolidation des processus démocratique en Côte d’Ivoire. La MFWA exhorte donc les autorités Ivoirien à retirer du projet de loi, la disposition qui criminalise les médias et les délits de presse. La MFWA exhorte aussi la communauté des médias et les autres acteurs à faire prévaloir la nécessité de l’amélioration de la liberté de la presse et des médias aux autorités dans le pays plutôt que l’adoption des mesures qui restreignent davantage l’environnement des médias déjà réprimé.